Covid 19 : pour la HAS, à l'heure actuelle, seuls les enfants de 5 à 11 ans porteurs de facteurs de risque ou vivant au contact de personnes fragiles devraient être vaccinés

mesvaccins.net

Depuis le début de la pandémie de covid 19, il a été observé que les formes graves de la maladie étaient relativement rares chez les personnes les plus jeunes, particulièrement les enfants et adolescents. A l'arrivée des vaccins, en quantité tout d'abord limitée, et en raison des difficultés logistiques d'une vaccination étendue à toute leur population, la plupart des pays ont choisi de vacciner en priorité des catégories de personnes plus exposées, en raison de leur grand âge, de comorbidités fréquentes chez l'adulte, d'une exposition en rapport avec l'activité professionnelle. D'autre part, parce qu'ils sont une population protégée, peu de sujets mineurs ont été inclus dans les essais menés sur les vaccins en amont de leur mise sur le marché.

En France, alors que la couverture vaccinale atteint 88,6 % chez les 18-24 ans (deux injections), elle chute à 74,3 % chez les 12-17 ans, et elle est à ce jour nulle pour les 5-11 ans (données de l'Assurance Maladie, 21/11/2021 (1)). Globalement, la couverture vaccinale s'établit ainsi à 75,2 % pour les primovaccinations. Cette couverture apparait insuffisante pour éviter efficacement la contamination de personnes insuffisamment protégées ou porteuses de facteurs de risque, susceptibles de présenter des formes graves de covid 19 qui nécessiteront une hospitalisation, parfois en soins intensifs.

Les vaccins disponibles n'empêchent pas toujours l'infection par le SARS-CoV-2 ; ils diminuent la durée et l'intensité du portage et donc le risque de transmission secondaire, et se montrent particulièrement efficaces dans la protection contre les formes graves, potentiellement mortelles, de la covid 19. A ce titre, la vaccination des plus jeunes (5-11 ans), exposés à des contacts inévitables en milieu scolaire et vivant au contact d'adultes éventuellement à risque, est susceptible de contribuer significativement à la réduction des populations virales en circulation, ce qui a aussi pour effet de limiter les possibilités de mutation et d'apparition de variants. Bien que les formes graves d'infection soient rares dans cette tranche d'âge, l'effet protecteur direct doit aussi être pris en compte, particulièrement pour les enfants porteurs de comorbidités.

Le constat a conduit la Haute autorité de santé (HAS) à recommander, dans un avis publié le 25 novembre, la vaccination des "enfants de 5 à 11 ans à risque de formes sévères de Covid-19 ou appartenant à l’entourage des personnes immunodéprimées" (2). Les comorbidités identifiées à ce jour qui constituent un facteur de risque sont les suivantes :

  • les cardiopathies congénitales
  • les maladies hépatiques chroniques
  • les maladies cardiaques et respiratoires chroniques (y compris l’asthme sévère nécessitant un traitement
    continu)
  • les maladies neurologiques chroniques
  • l’immunodéficience primitive ou induite par médicaments
  • l’obésité
  • le diabète
  • les hémopathies malignes
  • la drépanocytose
  • la trisomie 21.

La recommandation prend en compte la situation nationale présentée plus haut ainsi que plusieurs données :

  • Le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l'Agence européenne des médicaments (EMA : European Medicines Agency) vient de recommander d'accorder une extension d'indication du vaccin Comirnaty de Pfizer chez les enfants âgés de 5 à 11 ans. Le vaccin en objet est dosé à 10 µg d'ARN, soit le tiers de la dose utilisée pour les autres catégories d'âge. Il est administré en deux injections à 3 semaines d'intervalle (voir actualité du 25 novembre 2021).
  • Cinq pays (Canada, Costa-Rica, Etats Unis, Israël et Malaisie) ont déjà recommandé la vaccination des 5-11 ans avec le vaccin Comirnaty, la Slovaquie l'ayant réservée aux enfants à risque de forme sévère (porteurs de maladies respiratoires chroniques, maladies cardiovasculaires, maladies en lien avec le système immunitaire et cancer).
  • On a compté en France 1 284 hospitalisations, dont 226 en soins intensifs et 3 décès, sur 420 000 cas de covid 19 confirmés survenus dans une population de 5,77 millions d'enfants de 5 à 11 ans.
  • Les cas de covid 19 graves surviennent préférentiellement en cas de comorbidités associées.
  • La vaccination des enfants de 5 à 11 ans, chez lesquels la prévalence des infections souvent asymptomatiques augmente depuis l'arrivée du variant Delta, doit permettre de protéger les personnes immunodéprimées vivant à leur contact (stratégie de cocooning). La détection des cas d'infection et les mesures barrières restent par ailleurs recommandées.
  • Les bénéfices attendus de la vaccination, directs et indirects (dont bénéfice psychologique, social, éducatif), doivent être mis en balance avec un risque d'effets indésirables, dont les myocardites/péricardites mises en évidence dans la tranche d'âge supérieure.
  • L'absence à ce jour de modélisation mathématique permettant d’évaluer l’impact populationnel de la vaccination des 5-11 ans.
  • Les enjeux éthiques de cette vaccination, alors que la couverture vaccinale n'est toujours pas optimale pour des tranches d'âge supérieures plus à risque.

Cette recommandation vient combler un vide, mais elle apparait discutable par certains aspects :

  • L'étude PANDOR citée par la HAS a montré que sur 768 cas d'enfants hospitalisés pour covid 19 en 2020 et 2021, 164 (21 %) présentaient des comorbidités ; 79 % n'en présentaient donc pas d'identifiées.
  • L'évaluation de la sécurité du vaccin dosé à 10 µg d'ARN menée sur 2 394 enfants de 5 à 11 ans lors d'un essai de phase 2/3 n'a pas relevé d'effets indésirables graves, mais elle est jugée incomplète en raison d'un effectif trop faible et d'un suivi court (3 mois après la seconde dose) qui ne permettent pas de mettre en évidence des effets indésirables rares ou très rares. Cependant, plus de 2,6 millions d'enfants américains ont à présent reçu le vaccin, et il n'y a semble-t-il aucun signal de sécurité. L'incertitude mise en avant par la HAS pour ne pas étendre la vaccination à tous les enfants de 5 à 12 ans pourrait inquiéter et s'avérer contre-productive.
  • L'objectif de diminution de la circulation virale, censée protéger les personnes qui ne pourront pas être vaccinées efficacement (immunodéprimées), ne sera pas atteint si les taux de vaccination dans certaines tranches d'âge restent trop faibles.

Références

  1. Situation vaccinale en France.
  2. Avis n° 2021.0084/AC/SESPEV du 25 novembre 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la vaccination des enfants de 5 à 11 ans à risque de formes sévères de Covid-19 ou appartenant à l’entourage des personnes immunodéprimées.