Prévention de l'infection à virus West Nile chez une personne transfusée, greffée de cellules souches, d'organe ou de tissu Médecine des voyages

Publié le 17 oct. 2019 à 10h25

Biographie

Médecin retraité, spécialisé en médecine des voyages. Membre de la Société de médecine des voyages (depuis 2000) Formateur en vaccinologie et médecine des voyages (depuis 2000)

Liens d'intérêt

Absence de lien d’intérêt avec les firmes pharmaceutiques

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a été saisi par la Direction générale de la santé (DGS) afin de définir la stratégie à adopter en 2019 pour la prévention de la transmission par la transfusion sanguine ou par la greffe du virus West Nile (WNV). 

Il s'agit en particulier de disposer d'une stratégie opérationnelle prévoyant des mesures qui concilient à la fois les impératifs de sécurité sanitaire et de maintien de l'autosuffisance pour les produits sanguins labiles (PSL) et de disponibilité des greffons.

Le Haut Conseil de la santé publique a émis sont avis le 23 mai 2019 avec une mise à jour publiée le 13 septembre.

Épidémiologie du virus West Nile

L'épidémiologie s'est modifiée dans les années 2000.

Alors que le virus avait été cantonné à l'Ancien monde (épidémies en Afrique, en Europe de l'Est, au Moyen-Orient et en Asie), il a été importé pour la première fois sur le continent américain en 1999, avec une épidémie très bruyante à New York, et s'est étendu en quelques années à tout le continent nord-américain et en Amérique Centrale.

Le virus West Nile a été détecté en France métropolitaine dès les années 1962-1963 en Camargue mais n'est réapparu qu'en 2000 chez des chevaux. Il a par la suite été mis en évidence dans la faune en Camargue et dans celle des départements voisins. De plus, des études conduites ont mis en évidence une circulation chez les oiseaux en l'absence de cas humains et équins.
Dans les départements d'Outre-mer, aucun cas humain ni équin n'a été détecté jusqu'à présent.

Depuis 2000, des cas équins ont été détectés en 2003 dans le Var, en 2006 dans les Pyrénées Orientales, en 2015 avec une épidémie équine dans les Bouches-du-Rhône, le Gard et l'Hérault, en 2017 et 2018 1 cas sérologique.
Concernant les infections humaines, sept cas humains ont été détectés en 2003 dans le Var, puis aucun jusqu'en 2015. En 2015, 1 cas humain, avec une forme fébrile, a été détecté dans le cadre de l'investigation d'un foyer de dengue à Nîmes et en 2017, 2 cas (formes fébriles) ont été détectés à Nice et Vence. 

Les cas humains sont généralement détectés en fin d‘été (août – septembre), mais en 2018 un début plus précoce a été observé tant en France que dans le reste de l'Europe.

En 2018 Trois cas ont été détectés dans le cadre de la sécurisation des dons de sang (1 cas) et des greffons (2 cas).

Risques liés à l'utilisation de produits humains

A) Risques transfusionnels

En population générale, et donc dans la population des donneurs de sang, l'infection est le plus souvent asymptomatique (80 %) et la plupart des candidats au don de sang infectés par le virus West Nile ne sont donc pas en mesure d'être écartés du don lors de l'entretien préalable au don.
La population des receveurs de produit sanguin labile est à risque de présenter des formes graves d'infection en raison d'un âge plus élevé et de facteurs d'immunodépression liés à la pathologie sous-jacente ou aux traitements associés. L'âge médian des patients transfusés en France est en effet de 70 ans.
Le risque transfusionnel doit donc être pris en considération au regard de la forte proportion de formes asymptomatiques chez les donneurs de sang et des risques de formes sévères chez les receveurs de produits sanguins. Tous les produits sanguins labiles quel que soit le mode de prélèvement sont susceptibles d'être contaminants.
Ce risque est avéré depuis l'introduction du virus West Nile sur le continent Nord-Américain. Ainsi 23 cas de contaminations transfusionnelles ont été mis en évidence aux États-Unis en 2002. Ils ont occasionné une majorité de formes graves chez les patients transfusés par ces PSL infectés, ce qui a conduit les autorités sanitaires américaines à implémenter un diagnostic génomique viral West Nile sur les dons de sang.
À noter que les concentrés de plaquettes prélevés en sang total ou en aphérèse sont, de façon exhaustive, traités par amotosalen/UVA, méthode d'atténuation des pathogènes qui est efficace sur le virus West Nile. Cette technique a été généralisée sur tout le territoire depuis novembre 2017.

B) Risques liés aux organes/tissus/cellules

Des cas de transmission du virus West Nile chez des receveurs d'organes ont déjà été décrits dans la littérature. 

Les receveurs d'organes reçoivent en post-greffe un traitement immunosuppresseur très puissant, ce qui les expose à des infections graves. 

Les cas rapportés montrent effectivement une fréquence plus élevée de formes cliniques sévères (encéphalite) et une mortalité plus importante que chez les personnes immunocompétentes.
Les receveurs de cellules souches hématopoïétiques reçoivent en pré-greffe un traitement par chimiothérapie entrainant une aplasie plus ou moins prononcée les exposant à des infections graves.
La transmission du virus West Nile par la greffe de tissus n'a pas été rapportée. 

De même, la présence de virus infectieux dans les tissus de patients infectés reste à démontrer.

Le HCSP recommande :

A) Pour les alertes à l'étranger

1. Pour les produits sanguins labiles

Préconisation n°1 : Mettre en place à partir du 1er juin 2019 des mesures préventives (28 jours d'ajournement ou DGV WNV) pour les candidats au don de retour d'un séjour6 dans un des pays ou une des régions listés ci-dessous. Le choix entre le diagnostic génomique viral West Nile et l'ajournement est laissé à l'appréciation de l'EFS.
Préconisation 2 : Prendre en compte la liste actualisée des pays/régions « a priori » pour la saison West Nile 2019 :

Préconisation n°3 : Compléter si nécessaire, après avis du groupe de travail permanent Secproch du HCSP sur saisine de la Direction générale de la santé, cette liste tout au long de la saison West Nile (du 1er juin au 30 novembre 2019) au fur et à mesure des alertes à l'étranger.

2. Pour les organes, tissus, cellules

Préconisation n°4 : Mise en place à partir du 1er juin 2019, des recommandations validées pour les donneurs habitant ou ayant séjourné dans un des pays listés ci-dessus.

Préconisation n°5 : Prendre en compte la liste actualisée des pays à risque pour la saison du  virus West Nile 2019. Cette liste à été mise à jour par le HCSP le 23 septembre 2019 (1).

Préconisation n°6 : Compléter si nécessaire, après avis du HCSP sur saisine de la Direction générale de la santé, cette liste tout au long de la saison du virus West Nile (du 1er juin au 30 novembre 2019) au fur et à mesure des alertes à l'étranger. Sur le tableau les deux pays marqués (1) viennent d'être mis à jour par le HCSP.

B) Pour les alertes en France

1 Produits sanguins labiles 

Préconisation n°7 : Sans attendre le premier cas humain, mise en place à partir du 1er juillet le diagnostic génomique viral West Nile en pools de 6 pour les donneurs prélevés dans les Alpes-Maritimes. 

Préconisation n°8 : dès le premier cas humain autochtone confirmé, mise en place : 

  • le diagnostic génomique viral West Nile unitaire pour les donneurs du département concerné et pour les donneurs du département des Alpes-Maritimes si celui-ci n'est pas le département concerné ;
  • un ajournement de 28 jours ou la réalisation d'un diagnostic génomique viral West Nile unitaire pour les voyageurs ayant séjourné au moins une nuit dans le département concerné. Le choix entre le diagnostic génomique viral et l'ajournement est laissé à l'appréciation de l'EFS.

2 Organes/tissus/cellules 

Préconisation n°9 : Sans attendre le premier cas humain, mise en place à partir du 1er juillet des recommandations pour les donneurs habitant ou ayant séjourné dans les Alpes-Maritimes

Préconisation n°10 : Dès le 1er cas humain autochtone confirmé, mettre en place les recommandations pour les donneurs habitant ou ayant séjourné dans le département concerné.

 Source : Haut Conseil de la santé publique.