Rapport mondial sur le paludisme en 2019 : des progrès à soutenir pour l’élimination du paludisme Médecine des voyages

Publié le 11 jan. 2020 à 09h59

Biographie

- Qualité : Docteur en médecine, biologiste médical (DES biologie 1992).
- Activité principale : biologiste médical, médecin de centre international de vaccinations
- Spécialités médicales : microbiologie, virologie, vaccinologie.

Liens d'intérêt

- Membre de commissions et comités :
Commission des maladies infectieuses et des maladies émergentes (Haut Conseil de la santé publique, 2017-2022)
Comité technique de vaccinations (Haut Conseil de la santé publique, 2007-2017)
Groupe vaccins (ANSM, 2016-en cours)
- Liens avec l'industrie :
DPI consultable sur le site HCSP : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/Personne?clef=2329 Rémunérations directes par l’industrie : non.
A titre familial : aucun lien.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié l'évolution épidémiologique du paludisme dans le monde, ciblée en 2019 sur la santé maternelle et infantile.

Baisse modérée du nombre de cas et de décès depuis 2014

Au niveau mondial, le nombre de cas de paludisme est estimée à 228 millions de cas en 2018 (Intervalle de confiance de 95 %: 206-258 millions), soit une baisse depuis 2010 (251 millions de cas, Intervalle de confiance de 95 %: 231-278 millions), mais une relative stabilité du nombre de cas depuis quatre ans.

La mortalité associée au paludisme a également baissé : estimée à 405 000 décès en 2018, contre 416 000 en 2017 et 585 000 en 2010.

Sur le plan géographique

  • 85 % des cas sont observés dans les pays d'Afrique subsaharienne et l'Inde ;
  • plus de 50 % des cas dans 6 pays : Nigeria (25 %), République Démocratique du Congo (12 %), Ouganda (5 %), Cote d'ivoire, Mozambique, Niger (4 % chacun). 

Sur le plan de la mortalité

  • 94 % des décès sont survenus en Afrique avec une tendance à la baisse depuis 2010, passant de 533 000 décès en 2010 à 380 000 décès en 2018 ;
  • la plus forte baisse de mortalité a été observée au Nigeria avec 153 000 décès en 2010 et 95 000 décès en 2018 ; 
  • ce sont les enfants de moins de 5 ans qui sont le plus vulnérables face au paludisme ; 
  • selon les estimations, près de 24 millions d'enfants d'Afrique subsaharienne ont présenté une infection à Plasmodium falciparum en 2018 avec un risque d'anémie grave pour 1,8 million d'entre eux. 

Près de 11 millions de femmes enceintes vivant en Afrique subsaharienne ont pu être exposées à une infection palustre, ce qui a des conséquences sur le devenir de la grossesse : insuffisance pondérale chez le nouveau-né, majoritairement chez celui d'Afrique de l'Ouest, anémie grave chez les très jeunes enfants.

L'incidence du paludisme

  • l'incidence (nombre de nouveaux cas pendant une période donnée) a reculé entre 2010 (71 cas pour 1 000 habitants) et 2018 (57 pour 1 000 habitants) ;
  • l'incidence stagne depuis 2014 ; 
  • depuis 2010, un recul du nombre de cas a été observé dans la région Afrique de l'OMS (- 22 %), pour atteindre 229 cas pour 1 000 habitants exposés au risque de paludisme ;
  • dans la région Asie du Sud-Est de l'OMS, la baisse de l'incidence se poursuit (-70 % depuis 2010), avec une incidence de 5 pour 1 000 en 2018 ;
  • dans la région Amériques de l'OMS, l'incidence du paludisme a augmenté, liée à une transmission au Venezuela.

La mise en oeuvre du traitement préventif intermittent du paludisme reste insuffisante

Le traitement préventif intermittent du paludisme au cours de la grossesse, recommandé depuis 2012 par l'OMS chez les femmes enceintes dans les zones d'Afrique où la transmission du paludisme est d'intensité modérée à sévère, est insuffisamment prescrit. Or, le traitement préventif reposant sur l'administration de 3 doses de sulfadoxine-pyriméthamine à partir du deuxième trimestre de grossesse reste efficace malgré des mutations de Plasmodium falciparum liées à la résistance de ces molécules.

En 2018, seuls le Burkina Faso et la Tanzanie ont atteint un taux de 50 % de femmes enceintes traitées avec 3 doses de sulfadoxine-pyriméthamine.

En revanche, au Nigéria ou en Ouganda, moins de 30 % des femmes enceintes ont été traitées. 

Concernant les enfants, 17 millions d'enfants sur les 26 millions concernés par la chimioprévention par sulfadoxine-pyriméthamine du paludisme saisonnier ont été traités. 

Tous les enfants éligibles ont reçu un traitement au Cameroun, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Mali. 

Le manque de financements participe au défaut de mise en oeuvre de cette prophylaxie.

Objectif E-2020 : vers l'élimination du paludisme avec des progrès à poursuivre

L'élimination du paludisme, définie par un nombre de cas autochtone égale à zéro, progresse au niveau mondial :

  • en 2016, l'OMS a identifié 21 pays des 5 régions de l'OMS pouvant tendre à l'élimination du paludisme d'ici 2020. Ces pays appelés E-2020 sont en progrès ;
  • le Paraguay et l'Ouzbékistan sont exempts de paludisme depuis 2018, l'Algérie et l'Argentine sont certifiés depuis 2019 ;
  • la Chine, El Salvador, l'Iran, La Malaisie et le Timor oriental n'ont rapporté aucun cas autochtone en 2018. 
  • en revanche, en 2018, dans les Comores (près de 20 000 cas) et Costa Rica (70 cas), il a été rapporté une légère augmentation par rapport à 2017 ;
  • dans la région du Grand Mékong (Cambodge, province du Yunnan en Chine, Laos, Thaïlande et Viêt Nam), le nombre de cas de paludisme a chuté de 95 % de 2010 à 2018.

L'OMS souligne que les phases d'élimination du paludisme doivent être associées à un suivi épidémiologique performant. C'est ainsi qu'en collaboration avec l'Université d'Oslo le Programme mondial de lutte contre le paludisme a développé des modules d'information mis à disposition des pays. Ces systèmes intégrés au District Health Information Software 2 doivent faciliter le recueil d'indicateurs tels que des tableaux de bord et l'analyse de rapports.

Baisse des investissements dans les programmes et la recherche contre le paludisme

Le rapport souligne l'effort financier pour le contrôle et l'élimination du paludisme. Cependant, en 2018, la dotation des gouvernements a baissé pour atteindre 2,7 milliards de dollars, alors qu'elle était de 3,2 milliards de dollars en 2017.

Les fonds internationaux représentent la principale source de financement, alors que les fonds nationaux stagnent depuis 2010. Près de trois quarts de ces investissements sont utilisés par la région Afrique de l'OMS. Néanmoins, ces montants sont insuffisants pour atteindre les objectifs fixés dans la Stratégie technique de lutte contre le paludisme 2016-2030, c'est-à-dire une réduction de 40 % de l'incidence du paludisme dans la mortalité associée par rapport à 2015 (incidences respectives de 10,2/100 000 et 11/100 000 personnes à risque en 2018 et 2015).

Les fonds dédiés à la recherche et au développement de médicaments ont augmenté de manière significative en 2018 (252 millions de dollars versus 228 millions de dollars en 2017) ; ces fonds sont liés à l'investissement du secteur industriel privé dans plusieurs essais de phase II.

Prévention du paludisme : des actions qui stagnent

En 2018, 50 % de la population à risque en Afrique subsaharienne a dormi sous une moustiquaire imprégnée d'insecticides, ce qui représente un progrès significatif dans la lutte antivectorielle depuis 2010 (29 % d'utilisateurs) mais a tendance à stagner depuis 2015. Concernant la pulvérisation intra-domicilaire d'insecticides, il s'agit d'une mesure préventive qui baisse dans toutes les régions de l'OMS, à l'exception de la région Méditerranée orientale. Au niveau mondial, le taux de couverture est de 2 % en 2018, alors qu'il était de 5 % en 2010. Cette baisse est attribuée au passage des pyréthroïdes, compte tenu de la résistance des moustiques à ces produits, à des insecticides plus onéreux.

Diagnostic et traitement du paludisme : à intégrer dans une prise en charge globale de la mortalité infantile

Le pourcentage de patients suspectés de paludisme et ayant été soumis à un test parasitologique (test de diagnostic rapide ou microscopique) progresse, passant de 30 % en 2010 à 84 % en 2018.

L'utilisation des tests de diagnostic rapide (TDR) pose des problèmes en termes de sensibilité en raison de la délétion des gènes pfhrp 2 et 3 chez Plasmodium falciparum (pfhrp vient de l'anglais "Plasmodium falciparum histidine-rich protein"). En effet, les TDR sont basés sur la détection d'une protéine riche en histidine spécifique (n° 2). La suppression des gènes pfhrp 2 et 3 est à l'origine de résultats de TDR faussement négatifs devant un cas suspecté de paludisme. C'est la raison pour laquelle l'OMS recommande de suivre le taux de souches de Plasmodium falciparum présentant une délétion des gènes pfhrp2 et 3 (28 pays ont actuellement rapporté des délétions du gène pfhrp2).

Près de 50 % des enfants avec fièvre ayant consulté dans le secteur ont en accès à un traitement antipaludique. La probabilité que ce traitement soit une combinaison à base d'artémisinine est légèrement plus élevé en secteur public (médiane de 80 %) qu'en secteur privé (médiane de 60 %).

L'OMS rappelle que la prise en charge d'un enfant avec fièvre dans les établissements de santé doit s'intégrer dans une démarche globale vis-à-vis des causes de mortalité infantile, c'est-à-dire le paludisme, les pneumonies et les diarrhées.

Dans les régions Afrique et Amériques de l'OMS, les traitements à base d'artéméther-luméfantrine, d'artésunate-amodiaquine et de dihydroartémisinine-pipéraquine sont efficaces à plus de 98 % contre les infections à Plasmodium falciparum.

Dans la région Pacifique occidental de l'OMS, la résistance à l'artémisinine est confirmée au Cambodge, au Laos et au Viêt Nam depuis 2010, mais reste inférieure à 10 % chez Plasmodium vivax.

Dans la région Asie du Sud-Est de l'OMS, les taux d'échec aux combinaisons à base de dérivés de l'artémisinine sont supérieurs à 10 % au Bengladesh, en Inde, au Myanmar et en Thaïlande. Vis-à-vis de Plasmodium vivax, la chloroquine est efficace dans la plupart des pays à l'exception de Myanmar et du Timor oriental.

Dans la région Méditerranée orientale de l'OMS, les échecs aux traitements à base de sulfadoxine-pyriméthamine vis-à-vis de Plasmodium falciparum en Somalie et au Soudan ont conduit à recommander en première intention l'artéméther-luméfantrine.

La résistance aux insecticides fait également l'objet d'une surveillance avec celle relative aux pyréthroïdes, qui est actuellement la seule classe d'insecticides utilisées dans les moustiquaires imprégnées.

Le suivi et la gestion de la résistance aux insecticides peuvent être consultés grâce à l'outil de cartographie « Cartes des menaces du paludisme » mis à disposition par l'OMS.

Les personnes qui envisagent de voyager en zone de transmission de paludisme sont invitées à prendre des mesures adéquates pour se protéger contre les piqûres de moustiques 

  • réduire le contact avec les moustiques en limitant l'activité en plein air à la nuit tombée ;
  • porter des vêtements couvrants (pantalons, chemises à manches longues) ;
  • protéger la peau nue (sans oublier les pieds et les chevilles) en utilisant des répulsifs anti-moustiques contenant 50 % de DEET ; 
  • utiliser des moustiquaires imprégnées d'insecticides. 

L'évolution des données épidémiologiques doit faire rappeler aux voyageurs que les recommandations de prévention s'appuient toujours sur le triptyque : 

Pour le voyageur, des informations détaillées sont disponibles sur le site Medecinedesvoyages.net, qui prend en compte les nouvelles recommandations des autorités sanitaires françaises et de l'Organisation mondiale de la santé.

Source : Organisation mondiale de la santé.