Le point sur l'éradication de la dracunculose

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La dracunculose, autrefois filariose de Médine, est une maladie parasitaire causée par un ver parasite appelé communément ver de Guinée, ou Dracunculus medinensis. Elle fait partie des maladies tropicales négligées. L'Assemblée mondiale de la santé a appelé à l'élimination de cette parasitose. Le Programme d'éradication du ver de Guinée (GWEP), dirigé par le Centre Carter est soutenu par des partenaires tels que l'OMS, l'UNICEF et le CDC. La revue Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) a publié un article faisant le point sur les progrès vers l'éradication mondiale de la dracunculose de janvier 2021 à juin 2022.

En 2021, 15 cas humains au total ont été identifiés et trois l'ont été entre janvier et juin 2022 (Éthiopie, Mali, Soudan du Sud, Tchad). Il s’agit du plus petit nombre de cas humains jamais signalé chaque année. En novembre 2022, la dracunculose restait endémique dans cinq pays (Angola, Tchad, Éthiopie, Mali et Soudan du Sud) ; les cas signalés au Cameroun ont probablement été importés du Tchad.

Les infections animales, principalement chez les chiens domestiques, certains chats domestiques et, en Éthiopie, quelques babouins, ont désormais dépassé les cas humains, avec 863 infections animales signalées en 2021 et 296 entre janvier et juin 2022 (Éthiopie, Mali, Soudan du Sud, Tchad).

Au cours de la période janvier-juin 2022, le nombre de cas humains et de cas animaux a diminué respectivement de 40 % et 34 % par rapport au nombre de cas rapportés en 2021 sur la même période.

Avec seulement 15 cas humains identifiés en 2021 et trois en janvier-juin 2022, les efforts du programme semblent se rapprocher de l'objectif d'éradication. Cependant, les infections canines et les difficultés d'accès dues aux troubles civils et à l'insécurité au Mali et au Soudan du Sud restent les plus grands défis du programme.

DONNÉES PAR PAYS

Angola. En Angola, entre 2018-2020 trois cas humains ont été identifiés et un cas a été identifié chez un chien en 2019. Entre le 29 mars 2020 et le 28 mars 2022, aucun cas chez l'homme ou le chien n'a été détecté ; sept chiens infectés ont été détectés entre mars et mai 2022 dans la même province (province de Cunene) que les précédents cas humains et infections canines. Le problème dans ce pays est limité, mais une surveillance active dans l'ensemble des zones à risque, ainsi que des mesures de contrôle et des enquêtes appropriées sont encore nécessaires.

Tchad. Le Tchad a signalé huit cas humains dans huit villages en 2021 et 3 cas au premier semestre 2022. Concernant les infections animales, le Tchad a signalé 1 571 cas (1 508 chiens et 63 chats) en 2020, 833 cas (767 chiens et 66 chats) en 2021, et 264 cas (239 chiens et 25 chats) au premier semestre 2022, soit, 43 % de chiens infectés en moins et 67 % de chats infectés en plus par rapport aux données de janvier-juin 2021.

L’épidémiologie de la dracunculose semble avoir un schéma propre au Tchad. Les infections par le ver de Guinée y touchent généralement beaucoup de chiens et peu d'humains. Les poissons peuvent servir d'hôtes de transport pour Dracunculus spp. et D. medinensis peut utiliser des grenouilles comme hôtes paraténiques. Des larves de Dracunculus ont été récupérées sur de nombreuses grenouilles sauvages au Tchad. Aussi, suppose-t-on qu’au Tchad la transmission de D. medinensis est due à la consommation de poissons mal cuits.

L'arrêt de la transmission de la dracunculose chez les chiens au Tchad est désormais le principal défi du GWEP. Si l'hypothèse selon laquelle le cycle de vie du parasite au Tchad implique un hôte de transport ou paraténique est correcte, une surveillance active accrue, une attache proactive des chiens, l'application de téméphos et l'enfouissement des entrailles de poisson devraient réduire la transmission.

Cameroun. Le Cameroun a signalé 10 chiens infectés en 2021 et 23 entre janvier et juin 2022 dans une zone située à 5 km de la frontière entre le Tchad et le Cameroun. Les enquêtes indiquent que les chiens ont probablement été infectés au Tchad. L'identification de cas de dracunculose dans des villages camerounais limitrophes de zones tchadiennes où la dracunculose est endémique met en évidence les risques d'exportation et la nécessité d'une surveillance et de mesures de contrôle appropriées dans les pays voisins du Tchad (Cameroun et République centrafricaine). La prédominance actuelle des infections chez les chiens et les chats domestiques nécessite des mesures renforcées pour limiter l'accès de ces animaux aux sources d'eau destinées à la consommation humaine et aux déchets des poissons et autres animaux aquatiques rejetés.

Éthiopie. En 2021, l'Éthiopie a signalé un cas humain et trois animaux infectés (deux chiens et un chat) ; aucun cas humain ou animal infecté n'a été signalé entre janvier et juin 2022, et pour la première fois en 9 ans, aucun babouin infecté n'a été détecté entre janvier 2021 et juin 2022. Depuis plusieurs années, toutes les infections animales et tous les cas humains sont survenus dans le district de Gog de la région de Gambella. Les zones de transmission en Éthiopie sont limitées et le pays semble désormais sur le point d'interrompre la transmission.

Mali. Le Mali a signalé deux cas humains en 2021 et aucun en janvier-juin 2022, contre un cas en 2020. En 2021, un chat et 16 chiens infectés ont été signalés, contre neuf chiens et aucun chat en 2020. Parmi les 16 chiens infectés identifiés en 2021, 10 ont été détectés dans la région de Ségou et six dans la région adjacente de Mopti. Cependant, les infections canines et les conditions de sécurité dans le pays constituent des obstacles sur le chemin de l’éradication.

Soudan du Sud. Le Soudan du Sud a signalé quatre cas humains en 2021, contre un en 2020. Aucun cas humain ou animal infecté n'a été signalé pendant la période janvier-juin 2022. Un seul animal infecté a été signalé (en 2015), qui appartenait à un ménage dans lequel une infection humaine s'était produite. Le Sud-Soudan est sur le point d'atteindre le statut "zéro cas". Cependant les difficultés d'accès dues aux troubles civils et à l'insécurité restent un défi pour ce pays.

Rappels sur la dracunculose

La dracunculose est une parasitose due au ver Dracunculus medinensis.

La contamination se fait en buvant de l’eau contaminée par de minuscules crustacés infectés par des larves de Dracunculus. Des données récentes suggèrent que le parasite peut également être transmis par la consommation de poissons ou d'autres animaux aquatiques. Après avoir été avalés, les crustacés meurent et libèrent la larve qui traverse la paroi de l’estomac et de l’intestin et entre dans la cavité abdominale. La larve parvient alors à maturité, et les vers adultes se reproduisent. Après la reproduction, les vers mâles meurent, et les femelles migrent dans les tissus sous la peau, généralement jusqu’au bas de la jambe ou les pieds. Environ un an après l’infection, le vers femelle parvient à la surface de la peau, et crée une vésicule. La vésicule provoque une sensation de brûlure intense et finit par se déchirer. Lorsque la personne infectée tente de soulager la sensation de brûlure en mettant sa jambe dans l’eau, les femelles libèrent les larves dans l’eau. Les larves sont ingérées par d’autres crustacés. Lorsqu’une personne ingère les crustacés, le cycle est bouclé.

Au milieu des années 1980, on estimait à 3,5 millions le nombre de cas de dracunculose dans le monde, répartis dans 20 pays, dont 17 en Afrique et les 3 autres en Asie. Le nombre de cas signalés a ensuite chuté, passant en dessous du seuil de 10 000 cas pour la première fois en 2007, puis à 542 cas en 2012. Au cours des huit dernières années, le nombre de cas humains est resté de l’ordre des dizaines (54 en 2019, 27 en 2020). En novembre 2022, la dracunculose restait endémique dans cinq pays (Angola, Tchad, Éthiopie, Mali et Soudan du Sud) ; les cas signalés au Cameroun ont probablement été importés du Tchad. Depuis 1986, l'OMS a certifié 199 pays, zones et territoires exempts de dracunculose ; seuls les cinq pays où la dracunculose est endémique, plus la République démocratique du Congo et le Soudan n'ont toujours pas de certification.

Le diagnostic repose sur l'apparence caractéristique de la lésion cutanée avec l'expulsion du ver, le plus souvent sur un membre inférieur.

Il n'existe pas de traitement pharmaceutique efficace ou de vaccin. Le traitement consiste à retirer le ver émergeant en l'enroulant dans une compresse ou autour d'un petit bâton, quelques centimètres par jour, en combinaison avec le traitement des lésions et la mise en place d'onguents antibiotiques pour prévenir les infections bactériennes secondaires.

La prévention consiste notamment à :

  • renforcer la surveillance pour détecter tous les cas humains et tous les animaux infestés dans les 24 heures suivant l’émergence du ver ;
  • pour chaque ver, prévenir la transmission en assurant le traitement, le nettoyage régulier et le bandage des lésions cutanées jusqu’à ce que le ver ait été totalement expulsé de l’organisme ;
  • prévenir la contamination de l’eau de boisson en veillant à ce que les personnes et les animaux infestés (chiens et chats) présentant des vers émergents ne s’immergent pas dans les sources d’eau ;
  • garantir un accès plus large à des sources améliorées d’eau potable pour prévenir l’infestation ;
  • filtrer l’eau provenant de points d’eau non aménagés avant toute consommation ;
  • mener des interventions de lutte antivectorielle à l’aide du téméphos (un larvicide organophosphoré) ; et
  • promouvoir l’éducation sanitaire et les changements de comportement.

Source : Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR)