France : augmentation des infections à Mycoplasma pneumoniae

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En 2023, des augmentations inhabituelles d’infections respiratoires à _ Mycoplasma pneumoniae _(MP) ont été signalées en France en semaine 47 d'une part en ville pour une suspicion de cas groupés communautaires en milieu scolaire et d'autre part pour des cas confirmés à l'hôpital en réanimation dans plusieurs régions.

En France, il n'existe pas de système national de notification ou de surveillance dédié aux infections à MP. Dans le cadre de l’investigation de ce signal, Santé publique France analyse la situation en mobilisant, en lien avec ses partenaires, plusieurs sources de données (cliniques, microbiologiques, épidémiologiques ; en ville et à l’hôpital).

Les investigations conduites en France à ce jour sont en faveur d’une augmentation des cas d’infections respiratoires à MP depuis la fin de l’été, plus marquée depuis octobre 2023 avec notamment une survenue accrue de pneumonies aiguës communautaires (PAC) attribuées à ce germe.

Les éléments en faveur de cette augmentation sont les suivants :

  • Les passages aux urgences (Réseau OSCOUR®) relatifs aux pneumopathies (tous types confondus) augmentent depuis début octobre, et de façon plus marquée à compter de début novembre, particulièrement chez les 6-15 ans ainsi que chez les 16 à 49 ans. Les niveaux atteints dans ces classes d’âges sont très supérieurs à ceux des années 2019 et 2022. Cette augmentation est également observée dans les analyses restreintes aux pneumopathies bactériennes, ce qui pourrait corroborer les signalements remontés à ce jour, même si la part attribuable au MP ne peut pas être précisément estimée à partir de cette source de données. De plus, l’ évolution des actes médicaux pour pneumopathie du réseau SOS Médecins est comparable à celle observée aux urgences, avec une hausse plus marquée chez les moins de 15 ans et les 15-44 ans.
  • Le réseau de laboratoires hospitaliers RENAL observe que le nombre de détections par PCR de MP tous âges confondus a augmenté de façon marquée à partir d'octobre 2023 jusqu'à atteindre en semaine 47 des niveaux nettement supérieurs à ceux de 2019. Le nombre de détections par PCR a triplé entre les semaines 40 et 46/2023, l’augmentation se poursuivant en semaine 47.
  • Au niveau géographique, plusieurs régions hexagonales et certains DrOM (La Réunion, Guyane) ont rapporté des observations concordantes, notamment en provenance de centres hospitaliers. Par ailleurs plusieurs autres pays européens ont également rapporté récemment des augmentations d'infections à MP (exemple : Suède, Pays-Bas, Norvège, Irlande).

L'ensemble des éléments recueillis à ce jour montre une circulation accrue de cette bactérie en France depuis le début de l’automne avec un nombre de cas plus élevé qu'en 2019 et 2022 à la même période, traduisant une situation épidémique. Alors que les données microbiologiques hospitalières ont montré que la circulation de cette bactérie en France pendant la période pandémique était à un niveau très bas, la hausse actuellement observée pourrait être en lien avec la levée des mesures de contrôle mises en place pendant la pandémie, comme cela a déjà été observé pour d'autres germes.

La Direction générale de la santé a sensibilisé les professionnels de santé libéraux et hospitaliers au diagnostic et à la prise en charge (message DGS urgent du 29 novembre 2023).

Rappels sur Mycoplasma pneumoniae

M. pneumoniae (MP) est une bactérie dite "atypique" responsable principalement d’infections des voies respiratoires supérieures (angines, pharyngites…) ou inférieures. Elle est très fréquentes chez les enfants de plus de 4 ans et les jeunes adultes. Après le pneumocoque, c’est l’agent bactérien le plus fréquemment impliqué dans les PAC, représentant 30 à 50% de ces infections chez les enfants.

La transmission interhumaine se fait par voie respiratoire via les gouttelettes et l’incubation est en général de 1 à 3 semaines. Les infections surviennent tout au long de l’année mais peuvent être plus fréquentes en été et à l'automne. Des cas groupés sont décrits, en particulier dans des collectivités d’enfants mais également chez des adultes. Des pics épidémiques sont observés de manière cyclique tous les 3 à 7 ans. En Europe, plusieurs pays ont connu des épidémies sur la période 2015–2017.

Dans la majorité des cas, l'infection à MP est bénigne et guérit spontanément. Les complications type exacerbation d’un asthme ou des manifestions rares notamment cutanées ou neurologiques, peuvent nécessiter une hospitalisation.

Le diagnostic clinique en ville peut être évoqué devant une pneumopathie, notamment si celle-ci est associée à des douleurs musculaires, des lésions dermatologiques et une cytolyse hépatique, tout particulièrement en présence de cas groupés en collectivité. L’antibiothérapie probabiliste de première intention d’une pneumopathie à MP repose sur les macrolides.

IMPORTANT : Devant une pneumopathie bactérienne, et en l’absence de signes d’emblée évocateur de bactérie atypique (début progressif, signes extra-respiratoires, état général conservé, opacité non systématisée), le traitement de première intention reste l’ amoxicilline ou l’association **amoxicilline / acide clavulanique## . Dans ce cas, la

réévaluation clinique à 48-72h** de l’antibiothérapie initiale est impérative et le diagnostic de MP doit être évoqué en cas d’échec, incitant à réaliser un changement antibiotique pour un macrolide après avoir réalisé une radiographie de thorax de contrôle pour éliminer un épanchement pleural et/ou un dosage de la protéine C-réactive (CRP). La radiographie de thorax qui est moins performante que le scanner, peut orienter le diagnostic devant un aspect d’infiltrat pulmonaire interstitiel diffus bilatéral. Mais les anomalies radiologiques sont inconstantes.

La confirmation du diagnostic d’infection à MP se fait, si besoin, en milieu hospitalier par PCR, cet examen n'étant pas pris en charge par l'assurance maladie en ambulatoire. La sérologie reste la méthode diagnostique la plus utilisée, mais elle ne permet qu'un diagnostic a posteriori. Malgré cet événement épidémiologique, une pneumopathie virale grippale, Covid-19 ou VRS reste à rechercher en premier lieu.

Les investigations complémentaires dépendent de la gravité de la pneumonie et ne doivent pas retarder la mise en route d’un traitement probabiliste.

Source : Santé publique France, Direction générale de la santé