Mélioïdose : premiers cas documentés d’origine environnemental acquis sur le territoire continental des États-Unis.

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La revue New England Journal of Medicine rapporte qu'aux Etats-Unis, respectivement en 2020, 2022 et 2023, trois cas de mélioïdose ont été identifiés chez des hommes vivant dans le même comté du Mississippi, sur la côte du Golfe du Mexique. Ils présentaient un syndrome de détresse respiratoire aiguë, une défaillance de plusieurs organes, une pneumonie et une septicémie. Ils n'ont pas déclaré avoir voyagé dans des zones où la mélioïdose est endémique. Deux hommes se sont rétablis après avoir reçu des antibiotiques, et l'un d'entre eux est en voie de guérison.

Les chercheurs ont testé 168 échantillons environnementaux provenant de zones où les deux patients vivaient, travaillaient et pêchaient, et ont isolé la bactérie Burkholderia pseudomallei, l’agent de la mélioïdose, dans trois échantillons d'eau et de sol provenant de la propriété de l'un des malades. La souche environnementale était identique à la souche ayant infecté les trois patients.

Ces résultats indiquent une acquisition locale de la mélioïdose à partir de l'environnement dans la région de la côte du Golfe du Mississippi. Il s'agit des premiers cas connus de transmission environnementale sur le territoire continental des États-Unis.

La mélioïdose est rare aux États-Unis ; les Centres de contrôle et de prévention des maladies font état d'environ 12 cas par an, dont il a été établi qu'ils étaient principalement associés à des voyages dans des régions où la mélioïdose est endémique, à l’exception d’une épidémie décrite en 2021 liée à un spray d'ambiance d’aromathérapie.

Les cliniciens devraient envisager la possibilité d'une mélioïdose chez les patients présentant une maladie compatible et résidant ou ayant voyagé dans la région de la côte du golfe du Mexique, dans le sud des États-Unis, comme dans des régions où B. pseudomallei est historiquement endémique.

Rappel sur la mélioïdose :

La mélioïdose (appelée également maladie de Whitmore) est une infection due à Burkholderia pseudomallei (ou bacille de Whitmore) une bactérie de l'environnement retrouvée dans les eaux de surface, la boue, les sols argileux humides, notamment lors de l'inondation des rizières et de la plantation du riz au début de la saison de la mousson.

La mélioïdose est considérée comme endémique ou potentiellement endémique en Australie (nord du Queensland, Australie occidentale, région du détroit de Torres, région de Kimberley), en Thaïlande, à Singapour, en Malaisie, au Myanmar (Birmanie), au Viet Nam, en Chine du sud, à Hong Kong, dans le sultanat de Brunei, au Laos, au Cambodge, à Taïwan et en Inde. Des cas sporadiques ont été rapportés dans de nombreux pays (liste non exhaustive) en Asie (Indonésie, Bangladesh, Japon, Philippines, Pakistan, Sri Lanka, Népal), sur le continent américain et dans les Caraïbes (Aruba, Guadeloupe, Guyane, Martinique , Porto Rico, Équateur, Panama, El Salvador, Haïti, Brésil, Costa Rica, Mexique, Venezuela, Honduras, Guatemala, États-Unis, Trinidad, République Dominicaine, Iles Vierges, Pérou), dans le Pacifique (Guam, Fidji, Papouasie-Nouvelle Guinée, Nouvelle Calédonie) en Afrique et au Moyen Orient (Iran, Ouganda, Sierra Leone, Gambie, Madagascar, Kenya, Nigeria).

On estime le nombre de cas annuel à 165 000, dont 89.000 décès. La maladie peut survenir en zone d'endémie sur un mode épidémique et son incidence est directement liée à la saison des pluies et aux inondations. Elle touche préférentiellement les personnes travaillant dans l'agriculture, les mines et la construction. En dehors des zones d'endémie, des cas d'importation sont régulièrement rapportés chez des touristes et des migrants. Les écotouristes et les voyageurs en condition aventureuse sont plus exposés.

La mélioïdose peut être contractée de trois manières :

  • par voie transcutanées lorsque qu'une plaie ou des abrasions cutanées sont au contact du sol ou de l'eau contaminés,
  • par voie aériennes par des aérosols contaminés,
  • par voie digestive lors de l'ingestion d'eau contaminée non traitée.

La transmission interhumaine a été décrite mais est exceptionnelle. Outre l'homme, de nombreuses espèces animales peuvent être infectées.

Le tableau clinique de la mélioïdose ressemble à celui de nombreuses autres maladies ce qui entraîne souvent des retards de diagnostic.

  • Le délai entre une exposition à la bactérie et l'apparition des symptômes n'est pas clairement défini. On estime la période d'incubation moyenne à neuf jours (1-21 jours), mais les symptômes peuvent débuter plus rapidement (<24 heures) après une inhalation
  • La plupart des patients développent une mélioïdose aiguë après une infection récente (85% des cas). La bactérie est présente dans le sang dans 50% des cas et 20% des patients développent un choc septique. L'infection peut se présenter sous la forme d'une infection pulmonaire (50% des adultes, 20% des enfants) ou cutanée (60% des enfants contre 13% des adultes), sous la forme d'abcès au niveau de différents organes (foie, rein, rate, prostate), d'une atteinte du système nerveux central ou d'une infection osseuse ou articulaire. D'autres localisations sont plus rares (anévrisme mycotique, péricardite, médiastinite).
  • Dans environ 10% des cas se développe une mélioïdose chronique se traduisant par une atteinte pulmonaire ou cutanée symptomatique pendant plus de 2 mois, généralement associée à des signes généraux.
  • Environ 4 % des cas développent une réactivation pulmonaire de la maladie restée latente, parfois des décennies après l'infection initiale.
  • Une rechute de l'infection primaire peut également se produire (1 à 2% à 1 an en cas de traitement bien conduit, environ 10% des cas à 10 ans).

La mortalité due à la mélioïdose aiguë varie de 10 à 50 %, mais peut être supérieure quand les ressources médicales sont limitées ou quand le malade présente des facteurs de risque (diabète, maladie chronique du foie ou du rein, thalassémie, immunodépression, maladies pulmonaires chroniques). Les taux seraient plus bas pour ce qui concerne les cas importés (6% dans une série européenne).

Le traitement repose sur des antibiotiques administrés pendant plusieurs mois. Il débute par un traitement par voie intraveineuse (ceftazidime ou méropénème) suivi d'une antibiothérapie prolongé par voie orale (trimethoprim-sulfamethoxazole, amoxicilline/acide clavulanique).

Prévention pour le voyageur : Il n'existe pas de vaccin contre la mélioïdose.

Le risque de contracter une mélioïdose est faible sauf à être impliqué dans des travaux agricoles ou des interventions humanitaires lors d'inondation. Les mesures suivantes permettent de réduire le risque d'exposition :

  • Éviter de se baigner en eau douce et d'entrer en contact avec le sol ou la boue pendant la saison des pluies dans les zones endémiques, en particulier si l'on présente des plaies ou des abrasions cutanées.
  • Nettoyer et désinfecter toute lésion cutanée.
  • Lors des déplacements en zone humide, porter des chaussures fermées et protéger les éventuelles lésions cutanées par des pansements.
  • Les voyageurs souffrant de diabète ou d'une maladie rénale chronique sont plus exposées à la mélioïdose et doivent éviter tout contact avec le sol et l'eau stagnante.
  • Les personnes qui effectuent des travaux agricoles devraient porter des bottes.
  • Les personnes à haut risque devraient envisager de reporter leur voyage si il est prévu en période d'hyperendémie, comme pendant les pluies de mousson.

Source : New England Journal of Medicine, Center for Infectious Disease Research and Policy