Le nouveau coronavirus est-il devenu une menace pour la santé publique ?

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Au vu des analyses effectuées par l'Institut Pasteur, nos autorités de santé ont confirmé ce matin, 12 mai, qu'un patient qui a partagé la chambre de la personne infectée par le nouveau coronavirus (nCoV) au début de son hospitalisation (on ne savait pas alors de quoi elle souffrait) était infecté à son tour. Dans la journée, ce deuxième patient a dû être transféré à l'hôpital de Lille en raison de l'aggravation de son état.

Il y a donc eu transmission interhumaine du virus, ce qui pourrait signifier une aggravation de la menace qu'il représente. Jusqu'ici en effet, dans la majorité des cas d'infection recensés et étudiés (34 cas confirmés à ce jour, dont 18 décès), on n'a pas identifié de contact avec un cas humain antérieur. Le virus a selon toute probabilité été acquis au contact d'animaux infectés, apparemment malades ou non. Des analyses restent cependant nécessaires pour connaitre avec certitude la source du virus pour chaque cas ; des chameaux ou des chèvres chez lesquels on a retrouvé le virus ont pu constituer cette source pour certains des premiers cas humains, mais on la recherche encore pour plusieurs autres cas, dont le premier cas français. On ignore toujours quelles sont exactement les espèces animales qui peuvent héberger le virus et le rôle qu'elles jouent dans son épidémiologie : celui de réservoir, de source de contamination pour l'homme et pour d'autres animaux, éventuellement de transporteur. Malgré tout, si les animaux sont la seule source de virus (comme c'est aujourd'hui le cas pour la grippe aviaire), et si ces animaux ne constituent pas des populations trop nombreuses ou en contact les unes avec les autres, on peut espérer limiter et probablement éliminer le foyer de transmission.

Il en va tout autrement si le virus se transmet d'homme à homme, à plus forte raison si la transmission se fait par voie aérienne, ce qui semble être le cas, ou à l'occasion de contacts directs ou indirects. Il devient alors beaucoup plus difficile d'empêcher sa diffusion et les mesures à prendre changent de nature. Pour le SRAS, dont le virus est très proche du nCoV, une étude a montré que dans les chambres des malades, le virus persistait plusieurs heures en suspension dans l'air et sur les objets touchés par les malades, comme les télécommandes des téléviseurs (Booth et coll.). Cette propriété peut aussi être celle du nCoV, qui se montre toutefois moins efficace à infecter de nouveaux sujets que le virus du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère).

On doit chercher à savoir si le nCoV ne se serait pas quelque peu modifié depuis son apparition pour devenir plus contagieux. On attend donc beaucoup de l'analyse des circonstances qui ont permis l'infection du deuxième cas de l'hôpital de Valenciennes. On peut penser aujourd'hui qu'il s'agit de circonstances tout à fait particulières, réunies alors que la présence du nCoV n'était pas encore suspectée et que les mesures prises n'étaient pas adaptées : environnement confiné, promiscuité prolongée, utilisation partagée d'objets, mais, surtout, peut-être, sensibilité accrue du sujet "receveur" en raison d'une pathologie préexistante. En effet, on a déjà observé 4 cas de transmission interhumaine du nCoV, dont deux en Angleterre, et on y retrouve une combinaison de ces facteurs, en particulier l'existence d'une immunité compromise chez trois d'entre eux. D'autre part, parmi les 124 personnes entrées en contact avec le cas initial qui ont été placées sous surveillance par l'InVS, aucune n'a été trouvée porteuse du nCoV. L'OMS a fait savoir qu'elle s'inquiétait de la possibilité de transmission interhumaine en cas de contact rapproché, mais cette transmission pourrait rester un phénomène plutôt marginal, que l'on peut espérer contrôler assez simplement.

Nul ne peut prévoir ce que le nCoV nous réserve, et s'il peut être à l'origine d'une épidémie étendue. S'il n'a pas aujourd'hui la capacité de se transmettre efficacement d'homme à homme, ou de se disséminer largement dans des populations animales qui constitueraient ensuite une source de contamination en plusieurs régions du globe, il peut peut-être acquérir cette capacité par mutation. La probabilité de cette adaptation est toutefois très incertaine, et tout doit être fait pour la minimiser. Il faut pour cela mieux connaitre le virus et à cet égard, la rapidité avec laquelle avancent les recherches doit nous rassurer. Des outils de diagnostic ont été mis au point et vont se généraliser. Ils vont permettre de savoir où se trouve le virus et s'il provoque des infections inapparentes ou moins sévères que celles qui ont seules fait l'objet d'attention pour l'instant.

Si l'apparition d'un nouveau virus de la grippe peut être contrée par la fabrication d'un vaccin en quelques mois, il ne faut pas s'attendre à disposer d'un vaccin anti-nCoV avant plusieurs années.

Référence : Booth TF, Kournikakis B, Bastien N, Ho J, Kobasa D, Stadnyk L, Li Y, Spence M, Paton S, Henry B, Mederski B, White D, Low DE, McGeer A, Simor A, Vearncombe M, Downey J, Jamieson FB, Tang P, Plummer F. Detection of airborne severe acute respiratory syndrome (SARS) coronavirus and environmental contamination in SARS outbreak units. J Infect Dis. 2005 May 1;191(9):1472-7.

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