Paludisme : la résistance à l'artémisinine pourrait être contrôlée

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En raison des résistances apparues à la plupart des molécules disponibles (chloroquine, amodiaquine, sulfadoxine/pyriméthamine, méfloquine), l'artémisinine et ses dérivés sont devenus les antipaludiques généralement les plus efficaces et parfois les seuls utilisables pour traiter les infections dues à Plasmodium falciparum. Pour cette raison, en 2001, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) les présentait comme "le plus grand espoir mondial contre le paludisme". Cependant, comme nous l'avons déjà annoncé en plusieurs occasions (nouvelles des 10 mars, 17 novembre et 22 décembre 2013), des résistances à l'artémisinine sont apparues dès 2003 au Cambodge et elles se sont depuis étendues au Viêt Nam, en Chine et en Birmanie (Myanmar). Des cas de possible résistance, qui n'ont pas jusqu'ici été confirmés, ont été signalés en Amérique du Sud (Guyana, Suriname) et en Afrique. On attribue l'apparition de ces résistances à une utilisation incorrecte des molécules, parfois sous-dosées ou contrefaites, souvent utilisées en monothérapie, sur des durées trop brèves.

Des travaux qui viennent d'être publiés montrent que la résistance pourrait être due à une mutation ponctuelle du gène kelch13 de P. falciparum (Ashley et coll.). Elle se traduit par l'allongement du temps de clairance des parasites chez les sujets traités pour accès palustre : alors que les parasites sensibles disparaissent en moins de 2 heures de la circulation sanguine, ils persistent au-delà de 5 heures en cas de résistance. Toutefois, le prolongement du traitement et l'utilisation d'associations médicamenteuses incluant l'artémisinine (ACT : artemisinin-based combination therapies) permet la cure totale. Dans leur étude qui a porté sur 7 pays asiatiques et 3 pays africains (Kenya, Nigéria et République Démocratique du Congo), entre mai 2011 et avril 2013, les auteurs n'ont observé aucune résistance en Afrique. Ils concluent que les traitements des accès palustres prolongés à 6 jours, au lieu de 3 actuellement, utilisant l'artésunate pendant les 3 premiers jours, puis une ACT, viennent à bout des accès dans la quasi-totalité des cas (ils se sont révélés efficaces dans 97,7 % des cas dans l'ouest du Cambodge, où les traitements de 3 jours par ACT sont pourtant mis en échec), et qu'ils pourraient permettre d'éliminer les clones de P. falciparum résistants s'ils étaient appliqués partout de façon très rigoureuse.

Une autre étude, parue simultanément, relève que les résistances à l'association dihydroartémisinine-pipéraquine sont de plus en plus fréquentes au Cambodge, 3 ans seulement après l'introduction de cette association (Saunders et coll.). Il est donc nécessaire de mettre en place une surveillance efficace de ces résistances et de développer des stratégies susceptibles de les limiter ou d'y faire face (utilisation de traitements alternatifs, approches non pharmacologiques).

Références

  • Ashley EA, Dhorda M et coll., Tracking Resistance to Artemisinin Collaboration (TRAC). Spread of artemisinin resistance in Plasmodium falciparum malaria. N Engl J Med. 2014 Jul 31;371(5):411-23.
  • Saunders DL, Vanachayangkul P, Lon C; U.S. Army Military Malaria Research Program; National Center for Parasitology, Entomology, and Malaria Control (CNM); Royal Cambodian Armed Forces. Dihydroartemisinin-piperaquine failure in Cambodia. N Engl J Med. 2014 Jul 31;371(5):484-5.