Vaccination : obliger ou convaincre, il faut choisir...

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Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié sur son site Internet un nouvel avis "relatif à la politique vaccinale et à l'obligation vaccinale en population générale et à la levée des obstacles financiers à la vaccination". Les obligations vaccinales en milieu professionnel ou liées au règlement sanitaire international ne sont pas concernées par cet avis.

1. Politique vaccinale et obligation vaccinale

Il est tout d'abord rappelé dans cet avis que, "à l'exception de l'eau potable, aucune modalité d'intervention, y compris les antibiotiques, n'a eu autant d'impact sur la réduction de la mortalité et la croissance de la population." Le succès de la vaccination est en grande partie lié au fait que la plupart des vaccins protègent les personnes vaccinées mais aussi leur entourage, en réduisant la circulation des agents infectieux (on dit de ces vaccins qu'ils sont altruistes). Pour empêcher la survenue d'épidémies, la couverture vaccinale (proportion de personnes correctement vaccinées au sein d'une population) devra atteindre une valeur d'autant plus élevée que la maladie se transmettra facilement de personne à personne. Par exemple, pour empêcher la survenue d'une épidémie de rougeole, affection particulièrement contagieuse, la proportion des individus immunisés devrait atteindre au moins 95 %.

Cette notion d'épidémie est importante et a conduit, avec la mortalité et la volonté de rendre le vaccin accessible à tous, à rendre obligatoire la vaccination contre certaines maladies. La première obligation vaccinale concerne la variole, en 1902. Puis les vaccinations contre la diphtérie, le tétanos, la tuberculose et la poliomyélite ont été rendues obligatoires entre 1938 et 1964. Après celle de la variole en 1984, l'obligation de la vaccination par le BCG a été suspendue en 2007.

La première réaction de certaines personnes, qu'il s'agisse de citoyens en général ou de professionnels de santé en particulier, est de ne pas toucher à l'obligation vaccinale, par crainte d'assister à une chute des couvertures vaccinales et donc de la protection collective contre les maladies à prévention vaccinale. Le Haut Conseil de la santé publique, sans prendre position, montre cependant que l'obligation vaccinale, si elle possède des avantages, présente aussi des inconvénients :

  • Elle ne cible pas les maladies à prévention vaccinale dont le poids épidémiologique est le plus important aujourd'hui (cancer du col de l'utérus, hépatite B, rougeole, infections graves à pneumocoque...) et ne concernent que les enfants, alors que les cas résiduels de diphtérie et de tétanos ne concernent plus que les adultes.
  • Elle est devenue un argumentaire central de la rhétorique des opposants à la vaccination, qui mettent en avant l'atteinte à la liberté.
  • Elle peut contribuer à discréditer les vaccins recommandés, considérés par contraste comme facultatifs et moins importants pour prévenir les maladies.
  • Elle dispense les professionnels de santé de fournir des explications sur l'intérêt de la prévention vaccinale.
  • Elle est difficile à respecter chez l'enfant, puisque les produits habituellement disponibles sont des vaccins combinés, associant des valences obligatoires et des valences recommandées, ce qui soulève également des problèmes juridiques.

L'étude de la perception de la population générale et des médecins sur l'obligation vaccinale montre que les avis sont partagés : plus d'une personne interrogée sur deux (56,5 %) est favorable à l'obligation vaccinale, tandis que 42 % des médecins y sont favorables.

Le Haut Conseil de la santé publique présente un constat sans pour autant prendre position pour ou contre le maintien de l'obligation vaccinale ; il estime que la décision doit relever d'un choix sociétal, "lequel mérite un débat que les autorités de santé se doivent d'organiser".

Les autres recommandations du Haut Conseil de la santé publique sont les suivantes :

  • Dans l'hypothèse du maintien d'une obligation vaccinale, la liste des vaccins obligatoires doit être révisée et faire l'objet d'un avis du Haut Conseil de la santé publique. Celui-ci devra préciser les critères d'inscription d'une vaccination sur cette liste et envisager l'éventualité d'une obligation limitée dans le temps lorsqu'une obligation a été instaurée dans un contexte épidémique.
  • Les autorités compétentes devraient définir un statut juridique pour toutes les vaccinations inscrites au calendrier vaccinal, de sorte que celles non rendues obligatoires ne soient plus considérées comme facultatives. Ainsi, les modalités de traçabilité des propositions faites par le médecin et d'un éventuel refus de la personne concernée (ou des parents) devraient être définies. Devraient de même être précisées les responsabilités des personnes refusant une vaccination recommandée ainsi que celles du médecin qui ne la proposerait pas.
  • Toute modification du régime des obligations devra s'accompagner d'une forte communication des autorités de santé, afin que ces modifications ne soient pas vécues comme une reculade mais un recentrage de la politique vaccinale adaptée aux évolutions de l'épidémiologie et de la société. Elle devra mettre en exergue l'intérêt à vacciner et les risques de la non-vaccination.

Dans l'hypothèse d'une suspension de l'obligation vaccinale contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, une très grande majorité des médecins insisterait auprès des familles sur l'importance qu'il y aurait à continuer à vacciner les enfants : plus de 83 % des généralistes et plus de 90 % des pédiatres. Une très faible proportion d'entre eux déconseillerait totalement la vaccination : 0,6 % des médecins généralistes et 0,3 % des pédiatres. Mais respectivement 14,9 % et 9,2 % d'entre eux affirment qu'ils conseilleraient aux parents de faire vacciner leurs enfants tout en leur laissant la possibilité de ne pas le faire. Ces résultats amènent le Haut Conseil de la santé publique à souligner qu'une levée de l'obligation vaccinale devrait impérativement s'accompagner d'une communication appropriée, aussi bien auprès des professionnels de santé que du grand public, pour en expliquer les raisons et les enjeux et expliciter l'importance de la vaccination au regard de son rapport bénéfice/risque. En d'autres termes, les professionnels de santé ne devront pas se montrer avares d'explications et savoir convaincre les patients, lorsque la vaccination est recommandée, des bienfaits de cette vaccination.

Par ailleurs, le Haut Conseil de la santé publique appelle dans cet avis à un renouveau de la politique vaccinale, qui doit devenir beaucoup plus volontariste. Dans cet esprit, Il souligne l'intérêt de promouvoir une nouvelle organisation qui rende plus accessible la vaccination en :

  • élargissant les lieux de vaccination en particulier dans les collectivités de vie : établissements scolaires, enseignement supérieur, établissements de santé, entreprises, maisons de retraite ;
  • garantissant une prise en charge financière complète des vaccinations inscrites au calendrier vaccinal afin de permettre à l'ensemble des populations concernées d'y accéder ;
  • élargissant les compétences de certains professionnels de santé à vacciner ;
  • et en renforçant la formation initiale et continue des professionnels de santé à la vaccination. A ce titre, il estime nécessaire que le Programme national d'amélioration de la politique vaccinale de la Direction générale de la santé soit effectivement mis en oeuvre.

L'élargissement des compétences en matière de vaccination à d'autres professionnels de santé a déjà commencé. Ainsi, le personnel infirmier est-il autorisé à effectuer les rappels vaccinaux contre la grippe chez les personnes éligibles à cette vaccination sans prescription médicale.

2. Lever les obstacles financiers à la vaccination

Dans ce même avis, le Haut Conseil de la santé publique propose l'application d'un ensemble de mesures visant à lever les obstacles financiers à la vaccination. Considérant que le dispositif public de vaccination actuel est illisible, complexe et inégalitaire, il recommande les trois actions suivantes :

  1. Réorganiser l'offre publique de vaccination sur la base des principes suivants :
  • La gratuité, sans reste à charge, pour tous les vaccins obligatoires et recommandés inscrits au calendrier vaccinal.
  • La cohérence de la politique vaccinale, qui nécessite l'encadrement par un cahier des charges unique pour tous les centres de vaccination publics et une clarification de "qui paie quoi" (prise en charge financière des vaccins par l'assurance maladie, et des autres frais par l'Etat ou les départements).
  • La maîtrise des coûts en créant, comme au Royaume-Uni, une centrale d'achat unique des vaccins pour l'ensemble des structures publiques du territoire national, afin d'abaisser de façon importante le coût des vaccins.
  1. Promouvoir les centres publics de vaccination par une campagne d'information active sur leur existence et sur la disponibilité d'une offre totale et gratuite des vaccins obligatoires et recommandés inscrits au calendrier vaccinal en vigueur.

  2. Amener le système libéral à se rapprocher le plus possible du principe de gratuité en favorisant le tiers payant, ou en orientant les personnes insuffisamment couvertes vers les structures publiques de vaccination.

3. Commentaire de MesVaccins.net

Le projet de carnet de vaccination électronique (CVE) de MesVaccins.net, fondé exclusivement sur les recommandations des autorités sanitaires, a pour objectif de faciliter l'application de la politique vaccinale définie par les autorités sanitaires. Le ministère de la santé a publié en 2012 un programme national de la politique vaccinaledécrivant 12 actions regroupées en cinq axes stratégiques. L'action n° 2 consiste à "assurer le suivi du statut vaccinal de la personne dans un outil partagé avec les professionnels de santé". L'objectif de cette action est de "permettre le suivi des vaccinations par les personnes et leur médecin traitant grâce à un carnet de vaccination partagé intégré à un dossier médical informatisé". Par sa capacité à présenter de manière personnalisée les éléments factuels du rapport bénéfices/risques, le CVE est un système d'information qui permet d'atteindre cet objectif en plaçant le citoyen au centre du processus de décision.

Par ailleurs, le CVE permet de synchroniser les données vaccinales et facilite le respect par les professionnels de santé des bonnes pratiques vaccinales dans les différents lieux de vaccination.L'API (Application Programming Interface) MesVaccins.net est mise gratuitement à la disposition de tout éditeur pour permettre l'intégration du CVE à tout logiciel métier, quel que soit le contexte (cabinet médical, pharmacie d'officine, cabinet d'infirmier, maison de santé, centre de santé ou de vaccination, service de protection maternelle et infantile, service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé, établissement hospitalier, établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, service de médecine du travail, service de santé scolaire, sites Internet d'information du public, sites Internet d'information ou de formation des professionnels de santé). Dans unrapport relatif au programme national d'amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 daté du 25 mai 2012, le Haut Conseil de la santé publique signalait que le CVE "est un des projets les plus prometteurs et les plus avancés en France pour répondre à ce besoin [de suivi vaccinal]. Sa composante « système expert », permettant d'intégrer en temps quasi réel les évolutions des recommandations vaccinales et de limiter aussi bien les sous-vaccinations que les sur-vaccinations, constitue un atout particulièrement original". La commission des affaires sociales du Sénat, dans un rapport daté du 13 février 2013, recommande également l'utilisation du CVE de MesVaccins.net.

Concernant les recommandations du présent avis, le CVE permet d'enregistrer les refus de vaccination des citoyens et pourrait enregistrer les propositions faites par un professionnel de santé. Enfin, le CVE permettrait d'instaurer une communication directe et personnalisée entre les autorités sanitaires et les citoyens ou les professionnels de santé d'une part, et entre les professionnels de santé (notamment les médecins traitants) et les citoyens d'autre part. Dans tous les cas, l'outil est conçu pour donner au citoyen la possibilité d'accepter ou de refuser ces échanges, comme celle de se faire vacciner ou non.

Références

  1. Programme national d'amélioration de la politique vaccinale 2012-2017.
  2. Rapport relatif relatif au programme national d'amélioration de la politique vaccinale 2012-2017
  3. Avis relatif à la politique vaccinale et à l'obligation vaccinale en population générale et à la levée des obstacles financiers à la vaccination.
  4. Calendrier vaccinal 2014.

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