Mutilations sexuelles – Mariage forcé – Rôle des consultations de médecine des voyages dans le dépistage des situations à risques

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Excision et infibulation sont les plus fréquentes des mutilations sexuelles que les fillettes peuvent subir. Le rapport de l'UNICEF publié en 2013 fait état d'une évolution très progressive mais beaucoup trop lente dans les changements de mentalités et la lutte contre ces mutilations. Ces pratiques ne reposent sur aucun fondement religieux ou d'ordre sanitaire mais sont le reflet des inégalités entre les sexes. Il s'agit en clair de mutilations pratiquées sur des enfants. D'un point de vue réglementaire, elles sont une violation des droits de l'enfant tels qu'ils sont exprimés dans la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée par les Nations Unies en 1989 et ratifié par l'ensemble des États à l'exception des États-Unis d'Amérique et de la Somalie. Elles violent également le droit de la personne à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique ainsi que le droit de ne pas subir de tortures et de traitements cruels ou dégradants.

Malgré les évolutions des législations, dans 14 pays, plus de 50 % de la population féminine de 15 à 49 ans présentent une mutilation sexuelle. Les pays dans lesquelles ces pratiques de mutilations sont particulièrement développées se trouvent également dans la zone d'endémie amarile. De ce fait, la consultation vaccinale peut être un moment de repérage de ces situations à risques pour l'enfant, la protection de l'enfant relevant alors d'un signalement de la situation au Procureur de la République comme le rappelle la décision 2014-185 du défenseur des droits.

Le Conseil de l'Ordre des médecins a précisé dans un rapport de 2010 la terminologie et les contraintes des médecins quant à leur obligation du secret médical. Le signalement est une mesure de protection de l'enfant qui relève de l'urgence et doit être mis en œuvre si le médecin décèle une situation pour laquelle l'enfant est en danger (départ imminent par exemple), il ne doit en aucun cas mettre un tiers en cause. Dans ces situations le cadre règlementaire précise bien qu'il s'agit d'un aménagement du secret médical qui est alors partagé. La dérogation légale est admise et les protège à la condition expresse de ne dénoncer que les faits et non leurs auteurs allégués.

La [loi du 5 novembre 2015](article 226-14 du code pã©nal http://www.legifrance.gouv.fr/affichcodearticle.do?cidtexte=) renforce la protection de l'équipe de professionnels de santé en précisant que « Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues à article 226-14 du code pénal ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi. »

La consultation est également un temps qui peut être mis à profit pour rappeler aux parents que ces mutilations sont des crimes et que leur enfant doit être protégée durant le séjour.

La loi française est par ailleurs claire, l'Article 222-9 du Code pénal précise que « Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 15 0000 euros d'amende » Le premier alinéa de l'Article 222-10 précise que la peine est portée à 15 ans de réclusion criminelle lorsque les violences sont commises sur un mineur de 15 ans. Le paragraphe II-3 de la circulaire du 19 décembre 2013 relative à la présentation des dispositions de droit pénal de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 rappelle notamment les adaptations de la législation française à la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence faite à l'égard des femmes et la violence domestique (Istambul 11 mai 2011). Elle précise ainsi l'introduction dans la loi de la notion de « mariage forcé » et « d'incitation aux mutilations sexuelles ».

En France, quelques enquêtes épidémiologiques ont pu être réalisées, elles ont montrées l'évolution des pratiques. Depuis la médiatisation des procès des exciseuses à la fin des années 1980, les efforts de prévention et l'arsenal juridique en place c'est désormais à l'occasion d'un voyage dans le pays d'origine de leurs parents que les fillettes, françaises ou résidant habituellement en France, sont victimes de mutilation, parfois à l'insu de leurs parents. A ce titre, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme rappelle que le juge des enfants a, depuis la loi du 9 juillet 2010, la possibilité de faire inscrire une mineure au fichier des personnes recherchées, pour une durée de deux ans, afin de prévenir sa sortie du territoire en cas de risques de mutilations sexuelles à l'étranger. Au début des années 1980, on estimait que 80 % des mères originaires de pays où les mutilations sexuelles féminines étaient pratiquées étaient excisées et que 70 % des fillettes originaires de ces mêmes pays étaient excisées ou risquaient de l'être. Les données issues de l'enquête ExH indiquent qu'au début des années 2000 11 % des fillettes dont les parents sont issus de pays pratiquant les mutilations sexuelles féminines sont excisées et trois fillettes sur dix en sont menacées. (Avis sur les mutilations sexuelles féminines JORF n°0287 du 11 décembre 2013 texte n° 81)

Comment faire en consultation ?

Les situations qui doivent attirer l'attention du personnel de santé sont celles pour lesquelles la famille envisage son déplacement en vue de la « présentation du nourrisson» à la famille mais également celles où l'enfant plus âgée -9-13 ans -se présente tardivement à la consultation par rapport à la date du départ prévu, elle est accompagnée d'une personne qui n'est pas l'un des parents, elle reste évasive sur le voyage et ne sait d'ailleurs pas forcément qu'elle part. Il faut être très strict sur l'identité de l'accompagnant et l'identité du détenteur de l'autorité parentale avant de vacciner, il faut impérativement essayer d'établir le contact avec l'enfant, de l'interroger sur la préparation faite pour ce voyage et sa motivation à le faire. Il s'agit de voyage sur le temps scolaire pouvant également déboucher sur une déscolarisation voire un mariage forcé pour les plus âgées. Il est également important de savoir si les autres filles de la famille ont été respectées.

Plusieurs sites peuvent aider l'équipe médicale et paramédicale à aborder cette problématique :

Le premier site présente une cartographie des pratiques et une présentation de la situation pays par pays. Cela permet à chacun d'estimer le risque pour l'enfant et la nécessiter de parler

Le deuxième site présente un document permettant l'information et la discussion sur la prévention des mutilations sexuelles. Il peut permettre de libérer la parole de la famille et de renforcer la protection et la surveillance de l'enfant sur place afin que la famille élargie de profite pas de la présence de l'enfant pour pratiquer une mutilation à l'insu des parents.

Le ministère de la Santé met également à disposition sur son site un guide permettant aux personnels de santé d'évoquer et de prendre en charge ces situations.

Un guide en langue française est également proposé en Belgique, il est disponible sur le site du groupe de pédiatrie tropicale de la Société française de Pédiatrie.