Covid 19 : faudra-t-il délivrer des "passeports d'immunité" ?

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Une nouvelle période de confinement a été mise en place pour limiter la propagation du SARS-CoV-2, dans l'objectif de ne pas saturer nos capacités de soins.

Une catégorie de personnes pourrait toutefois être considérée comme ne présentant pas de risque de maladie grave et de transmission, c'est celle des personnes ayant développé une immunité contre le virus à l'occasion d'une infection, symptomatique ou non. Il y aurait bien-sûr, pour tous, des avantages à laisser cette population mener une vie "normale" et ne pas être soumise à des restrictions d'activité ou de déplacement en relation avec l'épidémie. L'intérêt, pour la collectivité, de pouvoir compter sur des personnes pouvant se trouver sans risque en contact avec d'autres personnes, infectées par le SARS-CoV-2, ou au contraire "naïves" (c'est-à-dire n'ayant jamais été en contact avec le virus), est évident et il ne se limite pas au personnel soignant. Délivrer à ces personnes un passeport d'immunité qui les dispenserait de se plier aux mesures imposées à la population générale se heurte cependant à plusieurs obstacles, de nature scientifique et éthique.

Dans un article publié dans le Lancet Infectious Diseases, R. Brown et coll. ont essayé d'en dresser l'inventaire et de dégager les points positifs de la mesure. Pour les auteurs, les inconnues qui persistent sur l'immunité anti-covid 19, sa durée et son efficacité protectrice vis-à-vis d'une deuxième infection ou d'un éventuel portage asymptomatique du virus, pourraient être rapidement levées. Des tests valides permettant de détecter chez tous une immunité protectrice (corrélats de protection), devraient également devenir disponibles. Leur développement devrait profiter des nombreux essais vaccinaux en cours et, en retour, ils seront utiles pour évaluer à grande échelle l'efficacité des futurs vaccins. Ils permettraient d'identifier les individus protégés, après une infection covid 19, qu'elle ait été symptomatique ou non, ou même après une infection par un autre coronavirus, laissant une immunité croisée. Cependant, plusieurs études ont montré qu'une immunité antérieure, acquise par l'infection ou la vaccination, contre un coronavirus saisonnier ou le SARS-CoV-2, ne réduisait pas la possibilité de portage asymptomatique et donc de transmission ultérieure. Cette donnée constituerait le principal obstacle de nature scientifique à lever pour faire du passeport un outil véritablement utile.

Les arguments éthiques à prendre en considération sont également importants. Pour les auteurs de l'article, il ne serait pas éthique de restreindre les libertés de personnes dont il peut être établi qu'elles ne sont plus un danger pour les autres et pour elles-mêmes. Punir ces personnes pour non respect de règles de distance sociale serait injuste. Au contraire, les autoriser à avoir des activités ou des contacts interdits aux personnes susceptibles d'être infectées jouerait un rôle très positif, pour venir en aide aux malades, rompre l'isolement dont soufrent de nombreuses personnes ou permettre des reprises d'activité. Cependant, le risque de créer un groupe de population "privilégiée" et de stigmatiser d'autres groupes est mis en avant. La tentation pourrait être forte de rechercher volontairement la contamination, ou de se procurer le passeport frauduleusement. Les auteurs de l'article, visiblement pro-passeport, considèrent qu'il s'agit là de phénomènes marginaux ou pouvant être contrôlés, comme le seraient les possibilités de discrimination ou d'utilisation détournée de données personnelles. Ils ne disent pas si la délivrance des passeports d'immunité devra être poursuivie lorsque des vaccins deviendront disponibles.

Le débat sur ce sujet ne pourra être évité, car quelle que soit la position adoptée au niveau national, elle sera confrontée, pour un temps au moins, aux dispositions prises par les autres pays. Sans accord ou harmonisation, des contraintes difficilement surmontables pourraient peser sur les voyages et échanges internationaux.