Cas de mucormycose associés au COVID-19 signalés à Taïwan et en Argentine

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A Taïwan , le Ministry of Health of the Nation informe qu'une première notification a été reçue au Système National de Surveillance de la Santé ((SNVS-SISA) d'un cas de mucormycose, connu sous le nom de "champignon noir", associé à une patiente qui avait la covid 19. Il s'agit d'une femme de 47 ans ayant des antécédents d'hypertension artérielle, de diabète de type II et de covid 19, dont les symptômes sont apparus le 11 mai après une hospitalisation en centre d'isolement. Après sa sortie de l'hôpital, la personne a eu des maux de tête, des troubles du sens de l'orientation et une lésion du palais, celle-ci ayant justifié une consultation dans une clinique d'oto-rhino-laryngologie.

En Argentine , les autorités sanitaires ont rapporté le premier décès dû à la mucormycose chez un homme ayant eu la covid 19. Il s'agissait d'un homme de 35 ans, atteint de diabète non traité, hospitalisé dans une clinique de Lomas de Zamora. D'autre part, un autre cas probable de Mucormycose a également été notifié à la Direction nationale de l'épidémiologie, chez une personne finalement décédée qui résidait dans la province de Buenos Aires ; ce cas est actuellement en cours d'investigation.

Rappels sur les mucormycoses.

Les mucormycoses sont des infections fongiques invasives dues à des champignons filamenteux de l’Ordre des Mucorales. Il s’agit d’infections opportunistes rares (199 cas enregistrés dans le réseau de surveillance des infections fongiques en France entre 2012 et 2016). Ces champignons sont retrouvés dans les sols, les poussières et sur les matières organiques en décomposition. L’Ordre des Mucorales comprend plusieurs genres et espèces ; les genres les plus fréquemment impliqués sont Rhizopus sp, Lichtheimia sp, Apophysomyces sp et Mucor sp. Il existe une spécificité d’espèce selon la localisation géographique et la forme clinique. Le terme de « champignons noirs » associé aux mucormycoses mérite d’être discuté ; si les mucormycoses sont responsables d’une nécrose qui peut conférer cet aspect aux lésions, les champignons qui ont un aspect « noir » en culture sont des Phaeohyphomycètes, qui n’appartiennent pas à l’ordre des mucorales.

La porte d’entrée des mucorales est en général respiratoire. La contamination peut également se faire par voie cutanée suite à une plaie traumatique ou chirurgicale, une brûlure ou une peau fragilisée par un pansement ou par un topique corticoïde, ou par voie digestive. Enfin, l’inoculation intraveineuse directe de mucorales présentes dans des drogues contaminées peut aboutir à des infections profondes primitives, volontiers cérébrales, chez des toxicomanes.

Cinq formes cliniques de mucormycoses ont été bien individualisées :

  • Les mucormycoses rhino-orbito-cérébrales sont plus fréquentes : l’infection touche dans un premier temps les sinus et peut gagner la face, le palais, les orbites et les structures osseuses de la base du crâne puis le cerveau.
  • Les localisations cutanées primitives : l’infection entraîne une réaction inflammatoire autour de la plaie et l’infection peut s’étendre aux tissus sous-cutanés.
  • Les atteintes pulmonaires primitives qui se manifestent par une fièvre et des signes pulmonaires.
  • Les formes gastro-intestinales primitives se manifestent par une fièvre accompagnée de douleurs et de troubles du transit, parfois de saignements digestifs.
  • Les atteintes disséminées : les localisations secondaires les plus fréquentes sont le cerveau, la rate, les reins, le cœur, le foie, la peau et le tube digestif, avec une symptomatologie variable selon les organes atteints, mais toujours marquée par la fièvre.

L’évolution vers le décès est fréquente, variant de près de 70 % dans les formes disséminées à 30 % dans les formes cutanées.

La survenue de mucormycoses est associée à certains terrains sous-jacents comme le diabète, en particulier en cas de décompensation acido-cétosique, une pathologie hématologique maligne (leucémie aigüe myéloïde en premier lieu), une transplantation d'organe (de rein en premier lieu) ou une greffe de cellules souches hématopoïétique. Plusieurs facteurs favorisants ont été identifiés : corticothérapie, neutropénie profonde et surtout prolongée, traumatisme, autres drogues immunosuppressives affectant les lymphocytes T et déficit immunitaire cellulaire.

Le diagnostic est difficile et souvent retardé. Il repose sur la réalisation de prélèvements au niveau des sites infectés, pour examen histologique et culture. Le développement de techniques de biologie moléculaire permet un diagnostic plus précoce et peuvent être mises en œuvre sur les échantillons prélevés, notamment de sang. La précocité du diagnostic conditionne le pronostic.

Le traitementmédicamenteux est difficile car la nécrose des tissus rend difficile la diffusion des traitements jusqu’au site d’infection. Les molécules utilisées sont l’amphotéricine B, le posaconazole et l’isavuconazole.

Mucormycoses et covid 19

Les mucormycoses semblent être un problème émergent chez les malades atteints de covid 19, en particulier quand ils présentent des formes graves de l’infection. On relève une augmentation du nombre de publications décrivant des cas de mucormycose chez les patients atteints de covid 19. Ce phénomène semble concerner essentiellement l’Inde : 70 % des cas publiés concernent ce pays et un article récent fait état, au 21 mai 2021, de près de 15 000 cas de mucormycose identifiés au cours de la seconde vague de covid 19 dans ce pays. Cependant, l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont émis le 11 juin 2021 une alerte recommandant aux États membres de préparer les services de santé afin de réduire au minimum la morbidité et la mortalité dues au mucormycoses associées à la covid 19.

En temps « normal », il y a déjà davantage de cas de mucormycoses en Inde qu’ailleurs. Les causes les plus courantes attribuées à cette augmentation récente sont un diabète non contrôlé, qui constitue un facteur de risque de forme grave de covid 19 et de mucormycose (les mucormycoses décrites chez les victimes de covid 19 sont des formes rhino-orbito-cérébrales, qui sont les plus fréquemment associées au diabète), l'utilisation de corticostéroïdes (qui font partie de l’arsenal thérapeutique contre les formes graves de covid 19) et les séjours longs en unité de soins intensifs qui concernent ces patients. L’inflammation endothéliale (endothélite) qui accompagne la covid 19 pourrait également faciliter l’adhésion et la pénétration des mucorales.

Source : Outbreak News Today.

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