Troisième dose de vaccin anti-covid : est-elle justifiée, et pour qui ?

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Depuis le début de l'épidémie de covid 19, on s'interroge sur la durée de l'immunité obtenue après une infection, censée nous protéger durablement contre une nouvelle infection par le même virus. Une des raisons de ces interrogations est la possibilité, pour certains virus du rhume (de proches parents du SARS-CoV-2, mais beaucoup moins pathogènes) de nous infecter tous les hivers comme si notre immunité devenait rapidement inefficace. S'il en était de même pour le SARS-CoV-2, tout individu infecté une première fois, ayant été malade ou resté asymptomatique, pourrait à nouveau être infecté après quelques mois ou années, son système immunitaire n'ayant pas conservé la mémoire de l'infection initiale.

Alors que nous disposons à présent de vaccins à l'efficacité démontrée, capables d'atténuer les effets individuels et collectifs de l'épidémie, mais que sont apparus des variants viraux dont les antigènes sont légèrement modifiés, de nouvelles interrogations s'ajoutent aux précédentes :

  • l'immunité procurée par les vaccins, qui a pour cible la seule protéine S du SARS-CoV-2, va-t-elle se maintenir à un niveau efficace suffisamment longtemps pour éviter des revaccinations systématiques ?
  • quels sont les facteurs qui influent sur la durée de la protection ?
  • pour qui une injection de rappel est-elle nécessaire ?
  • aura-t-elle l'effet attendu sur l'immunité ? Sur la protection contre les variants ?
  • certains vaccins ou combinaisons de vaccins sont-ils mieux à même de protéger durablement ?
  • le rappel sera-t-il plus efficace s'il est effectué avec le vaccin initial ou avec un vaccin différent ?
  • le vaccin de rappel doit-il conserver sa formule initiale ou être adapté au(x) variant(s) ? Et quel(s) variant(s) ?
  • à quel moment doit-il être administré par apport à la 2ème dose ?
  • si deux doses de vaccin n'ont pas suffi à produire une immunisation protectrice chez certaines personnes, une 3ème dose y parviendra-t-elle ?
  • même si la disponibilité des vaccins ne semble plus poser problème dans nos pays, faut-il privilégier l'extension de la couverture vaccinale (deux doses pour tous, ou une dose après une infection) ou réserver une 3ème dose (et la logistique nécessaire) pour une partie de la population?
  • si la 3ème dose n'est pas recommandée pour tous, quels sont les critères permettant d'identifier les personnes qui doivent en bénéficier ?
  • la recommandation d'une 3ème dose va-t-elle remettre en question le pass sanitaire précédemment délivré aux personnes visées ?

Les réponses à toutes ces questions sont encore très incomplètes. Pourtant, Israël et l'Allemagne ont annoncé qu'ils allaient proposer un rappel de vaccin anti-covid au moins à une partie de leur population considérée à risque : personnes de plus de 60 ans, n'ayant pas reçu de vaccin à ARN, vaccinées parmi les premiers, vulnérables. Le Royaume-Uni se préparerait à revacciner toute sa population de plus de 50 ans ou immunodéprimée. Les Emirats Arabes Unis et la Turquie, qui utilisent des vaccins produits par la Chine dont l'efficacité est apparue réduite dans certaines études, ont commencé à administrer une 3ème dose aux sujets âgés ou au personnel médical.

En France, le Président vient de confirmer son intention de faire administrer une 3ème dose de vaccin qui serait selon lui nécessaire "pas pour tout le monde, tout de suite, mais en tout cas pour les plus fragiles et les plus âgés", suivant en cela les autres pays européens. Une réflexion est lancée pour une mise en œuvre annoncée pour le mois de septembre.

Un peu partout, et pas seulement en France, les mesures prises initialement pour contrôler l'épidémie de covid 19 ont été des mesures d'adaptation, imposée par la situation. Le virus a toujours gardé une longueur d'avance. La décision de renforcer l'immunité par une dose supplémentaire de vaccin est d'une autre nature : elle cherche à anticiper sur la défaillance possible de la couverture vaccinale dans certaines catégories de la population et sur l'émergence de variants du SARS-CoV-2 échappant totalement à l'immunité produite en réponse au virus original ou aux vaccins qui en ont été dérivés. Toutefois, ce choix, soutenu en France par le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, fait fi de très nombreuses inconnues et s'apparente à un pari fait par des pays qui en ont les moyens et veulent pour une fois prendre les devants dans l'épidémie. Il est critiqué par l'OMS, qui met en avant le manque de données venant justifier cette stratégie mais aussi la nécessité de réserver les vaccins aux pays qui n'ont pas encore pu administrer les premières doses à leur population.

Dans un communiqué du 16 juillet dernier, reprenant les grandes lignes de son avis du 15 juillet 2021, la HAS a indiqué que de son point de vue, "il n‘y a pas lieu pour le moment de proposer une dose de rappel en population générale, et qu’il faut suivre l’efficacité des vaccins dans le temps y compris sur les éventuels nouveaux variants qui pourraient apparaître". Elle recommande la poursuite des observations "en vie réelle", car "s’il parait très probable qu’une injection de rappel procurera effectivement un effet boost (que ce soit avec le même vaccin, un vaccin faisant appel à une autre plateforme, voire un vaccin adapté aux variants préoccupants), les données disponibles à ce jour ne permettent pas d’évaluer précisément l’impact ni la nécessité d’un tel rappel sur la prévention des échecs vaccinaux. Les études en cours permettront d’avoir des éléments précis sur ce point". Un nouvel avis est annoncé pour fin aout.

Le site MesVaccins poursuivra également son travail de veille et d'information du public sur ce sujet important.

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