Les variants du virus de la covid 19 continuent de circuler, peut-être pour longtemps encore. Les vagues épidémiques se succèdent et touchent préférentiellement les personnes les moins protégées, non immunisées ou dont l’immunité se révèle insuffisamment protectrice. Il est démontré que même si elle a été correctement stimulée par une première infection, par la vaccination, ou par les deux, la protection décroit avec le temps : des infections ou réinfections deviennent plus fréquentes, et elles peuvent se traduire plus souvent par des formes graves. Le phénomène est accentué en cas d’âge avancé (l’immunité est moins performante, la décroissance de la protection plus rapide), de comorbidité (toute infection peut évoluer de façon péjorative) ou d’apparition de variant capable d’échapper à l’immunité initiale et de provoquer la maladie.
Alors que de nombreux pays connaissent une recrudescence des cas d’infection, malgré une large utilisation de vaccins (primovaccination et 1er rappel), plusieurs ont fait le choix de proposer un 2e rappel à leurs populations les plus exposées. En Allemagne, tout en reconnaissant que les données d’efficacité et de sécurité concernant une 4e dose sont très limitées, les autorités ont recommandé d’effectuer un rappel par un vaccin à ARN, à partir de 3 mois après le premier rappel, aux personnes de plus de 70 ans, très immunodéprimées ou vivant en maison de retraite. Pour les professionnels de santé, un rappel est déjà recommandé tous les 6 mois. Ce rappel n’est toutefois pas proposé aux personnes ayant contracté la covid 19 après la précédente injection. En Suède, une 4e dose est proposée aux personnes de plus de 80 ans, à celles vivant en maison de retraite ou soignées à domicile, un mois seulement après le premier rappel. Les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, le Brésil et l’Australie proposent un 2e rappel aux immunodéprimés et réfléchissent à l’élargir, comme l’a fait le Canada, aux personnes âgées ou vivant en maison de retraite, 3 mois après la troisième dose.
En France, dans un avis rendu le 18 février 2022, le Comité d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV), qui avait précédemment considéré que les données disponibles ne montraient pas l’intérêt d’un 2e rappel, a estimé que ce rappel était justifié chez les personnes de 80 ans et plus et chez les résidents en EHPAD, 3 mois après le premier rappel (1). Le 11 mars, le Conseil scientifique a repris cette proposition et proposé de l’élargir aux personnes de 65 à 79 ans, particulièrement celles présentant un facteur de risque de covid grave.
La campagne de rappel pour les personnes de 80 ans et plus et les résidents d’EHPAD a été lancée le 14 mars (2). Le 2e rappel doit être effectué passé un délai de 3 mois après le premier, avec un vaccin à ARN (dose pleine du vaccin Pfizer-BioNTech, ou demi-dose du vaccin Moderna). Il n’est pas recommandé si une infection par le SARS-CoV-2 s’est produite plus de 3 mois après le premier rappel. La HAS a pris acte de cette décision dans son avis du 17 mars (3). Elle suggère en outre, en accord avec le Conseil scientifique, de proposer « une seconde dose de rappel aux personnes de 65 ans et plus, à très haut risque de forme sévère de la maladie ou polypathologiques et qui le souhaitent, dans le cadre d’une décision médicale partagée avec leur équipe soignante, prenant en compte leur situation médicale individuelle ». Elle recommande toutefois qu’un délai de 6 mois soit laissé entre le 1er et 2e rappel.
Pour émettre ces recommandations, les autorités de santé s’appuient sur des données établies :
On le voit, les arguments pour fonder une stratégie efficace de contrôle de l’épidémie restent assez limités. Le choix est fait de privilégier les mesures susceptibles d’apporter un bénéfice, même minime, pour autant qu’elles n’introduisent pas de risque inacceptable. Le deuxième rappel proposé aux personnes âgées entre dans cette catégorie. Pour le COSV, il pourrait avoir pour effet de limiter le recours aux antiviraux, dont le sotrovimab, permettant de les réserver aux personnes ne pouvant être protégées par la vaccination (immunodéprimés sévères). Ce deuxième rappel ne devrait pas cependant être envisagé pour les personnes plus jeunes, les études disponibles ayant mis en évidence un bénéfice « marginal » dans cette population (5).
Il n’y a pas de consensus sur le délai entre 1er et 2e rappel (3 mois pour le COSV, 6 pour la HAS). La HAS justifie sa recommandation par les incertitudes qui persistent sur le niveau de protection conféré par le 1er rappel (évalué encore à près de 70 % contre les formes graves d’infection après 3 mois), la nécessité éventuelle d’un nouveau rappel à l’automne pour les plus fragiles et le risque possible d’une baisse d’adhésion de la population en cas de rappels trop fréquents.
La HAS annonce qu’une « réflexion approfondie sera prochainement menée afin d’aboutir à des recommandations relatives à une stratégie vaccinale anti-COVID-19 de moyen et de long terme, prenant notamment en compte l’arrivée prochaine de nouveaux vaccins et de vaccins adaptés aux différents variants circulants, les enjeux d’acceptabilité par la population ainsi que l’ensemble des données immunologiques et cliniques disponibles à date ». Cette réflexion est bienvenue, et elle était attendue (voir actualité du 13 janvier). En effet, l’efficacité dans la durée d’une stratégie basée sur des rappels répétés utilisant l’un des vaccins actuellement disponibles est incertaine, car il semble dans ce cas qu’un « plafond d’immunité » soit atteint avec la 3e dose (6). D’autre part, alors que la HAS n’envisage pas de deuxième rappel pour les personnes récemment infectées par Omicron, l’espoir qu’on pouvait mettre dans un renforcement de l’immunité produit par des infections sans gravité survenant chez les sujets vaccinés est peut-être infondé : une étude en cours de publication semble indiquer que le variant Omicron, le plus souvent mis en cause actuellement, produit des infections moins immunisantes que Delta, et ne laisse que peu de protection contre une nouvelle infection par le même virus ou par un autre variant (7). Il est donc nécessaire que les stratégies vaccinales évoluent, faisant peut-être appel à de nouveaux antigènes (antigènes multiples pour un même virus et antigènes correspondant à des virus différents), à des schémas de vaccination hétérologues (ils se sont montrés performants dans plusieurs études), à de nouvelles voies d’administration (permettant de stimuler d’autres territoires et composantes de l’immunité).
Dans l’attente de ces avancées, l’extension de la couverture vaccinale (primovaccination et rappel) et le recours ciblé aux autres mesures (mesures barrières autour des personnes fragiles, utilisation de médicaments à visée préventive ou curative [anticorps monoclonaux, Paxlovid®] en cas d’immunodéficience) restent d’actualité.
Références