Une nouvelle espèce de Brucella découverte chez 2 patients en Guyane Française

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Deux cas de brucellose chez des hommes travaillant dans des communes distinctes de la Guyane française ont été hospitalisés en 2020, le diagnostic de brucellose a été confirmé. Les deux hommes étaient citoyens du Brésil travaillant comme mineurs d'or clandestins en forêt amazonienne.

  • Le patient 1, un homme de 39 ans, originaire de Belem, au Brésil, travaillait comme orpailleur clandestin. Il vivait au Suriname depuis 10 ans et était arrivé en Guyane française 8 jours avant le début de ses symptômes à Maripasoula sur le fleuve Maroni. Il a consulté au centre de santé de Maripasoula début septembre 2020 pour une fièvre, une asthénie et des douleurs lombaires. Il n'avait pas d'antécédents médicaux pertinents. L'examen clinique a révélé une hépatomégalie. Les hémocultures ont permis d'isoler une bactérie du genre Brucella. Le patient a nié avoir été exposé à des animaux de ferme ou avoir consommé du lait et du fromage non pasteurisés, mais a admis avoir consommé du gibier chassé dans la forêt autour du camp de la mine d'or, notamment de la viande de porc sauvage. Il est sorti de l'hôpital et est rentré chez lui, en poursuivant une thérapie antibactérienne pendant 6 semaines au total. Lors de la dernière consultation (après 1 mois d'antibiotiques), son évolution était satisfaisante, mais le patient n'était pas disponible pour un suivi ultérieur.
  • Le patient 2, un homme de 45 ans originaire de Macapá, au Brésil, qui travaillait comme forgeron dans une mine d'or illégale près d'Apatou. Il vivait sur les deux rives du fleuve Maroni, en Guyane française et au Surinam, depuis 2002 environ. En octobre 2020, le patient a consulté à l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni pour de la fièvre, des douleurs lombaires, une perte de poids et une gêne fonctionnelle de sa jambe gauche. IIl présentait une spondylodiscite et un abcès du psoas. Un bactérie du genre Brucella a été identifiée sur culture, à partir d'un échantillon obtenu de l'abcès du psoas. Le patient n'a pas déclaré avoir été exposé à des animaux d'élevage, mais il consommait de la viande chassée en forêt. Son évolution clinique initiale était favorable. Il a été perdu de vue par la suite.

Des isolats bactériens des deux patients ont été envoyés au Centre National de Référence français de Brucella à Nîmes pour confirmation de l'identification. L'analyse du génome a révélé que les 2 isolats bactériens représentent une espèce potentiellement nouvelle de Brucella pour laquelle a été proposé le nom de Brucellaamazoniensis sp. nov. (Référence : About F, Pastre T, Boutrou M, Yahiaoui Martinez A, Melzani A, Peugny S, et al. Novel species of Brucella causing human brucellosis, French Guiana. Emerg Infect Dis. 2023 Feb [date cited]. https://doi.org/10.3201/eid2902.220725).

Rappels sur la brucellose

Labrucellose(parfois également appelée fièvre de malte) est une maladie animale transmissible à l'Homme (zoonose). Elle est due aux bactéries du genre Brucella. Trois espèces prédominent :Brucella melitensis, espèce la plus pathogène, la plus invasive et la plus répandue dans le monde,B. abortus,etB. suis. D'autres espèces moins fréquentes existent, avec une pathogénicité variable pour l'Homme (B. canis, B. ovis, B. marimum, B. inopinata, etc.).

Épidémiologie

Les Brucella se retrouvent chez la plupart des espèces de mammifères, notamment les ruminants, domestiques et sauvages, ainsi que les suidés (porcs et sangliers) et les lagomorphes (lièvres). Celles qui infectent l'Homme sont principalement issues des bovins, ovins, caprins et porcins domestiques. Le fait que les animaux sauvages jouent le rôle de réservoir infectieux complique les efforts d'éradication.
Cette zoonose bactérienne est répandue à travers le monde. L'incidence annuelle est de 500 000 cas signalés.

L'Homme peut être contaminé de plusieurs manières :

  • par contact direct (pénétration du germe par voie cutanée ou muqueuse favorisée par des blessures ou des excoriations) avec des animaux infectés, des carcasses d'animaux, les produits des avortements, les placentas, les sécrétions vaginales animales, le fumier ou par contact accidentel avec des produits biologiques dans les laboratoires ; ce mode de contamination concerne les personnes au contact direct des animaux infectés (éleveurs, vétérinaires, inséminateurs, personnels d'abattoir ou d'équarrissage) et beaucoup plus rarement le personnel des laboratoires lors d'analyses vétérinaires ou médicales ;
  • par ingestion d'aliments contaminés (lait et produits laitiers non pasteurisés issus d'animaux contaminés, plus rarement crudités contaminées par du fumier ou exceptionnellement viande et abats insuffisamment cuits) ; c'est le principal mode de contamination chez les voyageurs qui partagent le mode de vie des populations locales, en particulier sur le plan alimentaire ;
  • par inhalation (de poussière de litière, d'aérosol contaminé dans les laboratoires ou les abattoirs), les bactéries pouvant survivre pendant plusieurs mois hors de l'organisme de l'animal, dans le milieu extérieur, en particulier dans des conditions froides et humides.

La brucellose est une des maladies les plus graves du bétail, compte tenu des dommages causés par l'infection chez les animaux. la production de lait diminuée, perte de poids, perte de jeunes, l'infertilité, et la boiterie sont certains des effets sur les animaux.

Aspects cliniques de la brucellose chez l'homme :

La durée d'incubation de la brucellose est variable, d'une semaine à plusieurs mois. La primo infection peut être asymptomatique et la maladie peut ne se révéler que plusieurs mois ou années plus tard.
Dans les formes symptomatiques, les signes cliniques sont assez variables mais évoluent habituellement en trois phases :

  • Une phase de primo-invasion aiguë : fièvre associée à des myalgies, sensation de malaise ;
  • Une phase secondaire où se constituent des foyers infectieux isolés ou multiples : ostéo-articulaire (spondylodiscites, arthrite du genou, etc.), génito-urinaire (orchite, épididymite), hépatique (abcès hépatique), neurologique (méningite, méningo-encéphalite, abcès cérébraux…), cardiaque (endocardite…)
  • Éventuellement, en particulier en cas de traitement insuffisant ou mal suivi, une phase chronique dont l'expression est double : soit une symptomatologie générale (asthénie, douleurs, fatigue), soit une symptomatologie plus focale (évolution chronique des foyers infectieux).

Une fois le diagnostic confirmé, le traitement de la brucellose humaine repose sur l'administration d'antibiotiques spécifiques pendant plusieurs semaines, et le cas échéant la prise en charge chirurgicale des foyers infectieux. La létalité est inférieure à 2 % même en l'absence de traitement.

Le voyageur évitera les produits laitiers non pasteurisés et la viande insuffisamment cuite, surtout lors de voyages dans des pays où la brucellose est endémique.

Source : Emerging Infectious Diseases.