Le 8 juin 2023, Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS) a publié un avis sur le risque sanitaire de grippe aviaire lié à l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP).
1. Point de situation épidémiologique
Depuis 2020, on assiste à une résurgence du virus H5N1 HP au niveau mondial, avec une continuité de la circulation à l’été 2022 :
Chez l’homme, ces dernières années, plusieurs cas de grippe aviaire impliquant les virus H9N2, H7N7 ou H5N1 ont été rapportés. Concernant le virus A(H5N1), le risque d’infection chez l’homme a été découvert en 1997 à Hong Kong chez un enfant de 3 ans. Depuis 2003, le virus A (H5N1) a été responsable de 873 cas humains et 458 décès (taux de létalité = 52%), dont 6 cas détectés au cours du dernier trimestre 2023 (2 en Espagne, 1 en Chine, 1 en Equateur et 2 au Cambodge). Toutefois, depuis 2016, le nombre de cas humain annuels diminue.
2. Risque de transmission chez les mammifères et chez l’homme
Plusieurs éléments nouveaux par rapport aux années précédentes sont de nature à accroitre le risque pour la santé humaine :
L’augmentation de la diversité des mammifères touchés est un facteur d’alerte, dans la mesure où toute sortie du réservoir aviaire pour un autre réservoir accroit le risque pour l’homme. Toutefois, le virus n’a pas, à ce jour, de mutation permettant une diffusion aérienne pérenne entre mammifères d’une même espèce. La détection de passages ponctuels du virus des oiseaux aux mammifères n’en demeure pas moins inquiétante, dans la mesure où, plus le virus infecte de mammifères, plus il est susceptible d’acquérir des mutations favorisant son adaptation aux humains et sa capacité à devenir contagieux pour notre espèce.
L’OMS a jugé la situation ”préoccupante” à la suite de la mort d'un enfant des suites du H5N1 au Cambodge (cas rapporté le 22 février 2023), appelant tous les pays à une vigilance accrue. La présence de liens familiaux entre 22 cas détectés au Cambodge est source d’inquiétude car la potentialité d’une transmission interhumaine ne peut être entièrement écartée dans la mesure où les virus influenza sont intrinsèquement évolutifs et ont des mutations particulièrement intenses. Ce foisonnement génétique augmente la probabilité de l’émergence d’une mutation favorable à la transmission vers l’humain.
Les pratiques d’élevage (élevage en plein air, élevage intensif d’oiseaux génétiquement proches d’une durée de vie courte empêchant l’acquisition d’une immunité spécifique), le réchauffement climatique qui joue sur les migrations d’oiseaux (migration vers le sud retardée, arrivée plus précoce de migrateur dans le nord) et la diminution en surface et qualité des zones de quiétudes et de nourrissage des oiseaux ont un impact sur les risques de contamination.
3. En France, la prévention et la lutte contre l’IAHP repose sur trois axes, la surveillance, les mesures de biosécurité et la vaccination.
3.1. Dispositifs de surveillance
Il existe une surveillance passive de la mortalité de l’avifaune sauvage, les mammifères sauvages n’étant pas encore surveillés. La possibilité du passage à une surveillance active dans le cadre de la prévention contre l'IAHP semble compromise par la faiblesse de moyens humains et économiques alloués aux acteurs chargés de la surveillance. Une surveillance environnementale qui consiste à analyser les traces de virus présentes dans les excrétions d’oiseaux dans l’environnement est en place autour des élevage, mais son application à la faune sauvage est limitée. La surveillance des animaux d’élevage, tant passive qu’active qui conduit à des mesures de biosécurité et de gestion suivant les recommandations de l’ANSES est en place, mais ces mesures sont inégalement suivies par les éleveurs. La surveillance humaine des cas de grippe zoonotique cible les personnes exposées au risque qui sont symptomatiques. Elles doivent alors bénéficier d’un test RT-PCR qui cible la grippe saisonnière et le Covid-19. En cas de suspicion de grippe zoonotique le cas doit être signalé à l’ARS qui adresse l’échantillon au CNR des virus à infections respiratoire. Un protocole de surveillance active des personnels exposés (éleveurs, intervenants, vétérinaires) est en cours d’élaboration. Compte tenu de l’épidémiologie actuelle, cette stratégie requiert des moyens humains et financiers considérables.
3.2. Vaccination
Une stratégie de vaccination des élevages va être finalisée en juin et devrait permettre de vacciner en préventif les élevages commerciaux de canards pour l’automne 2023 si toutes les conditions sont réunies (confirmation de l’efficacité vaccinale des vaccins candidats, autorisation, validation par le ministère de la stratégie vaccinale et des conditions de son déploiement, capacité des acteurs de l’industrie pharmaceutique à produire le(s) vaccin(s).... Cette vaccination a pour objectif de réduire l’excrétion virale pour ralentir la transmission, mais également de réduire le risque statistique de mutation du virus, limiter le nombre de personnes exposées et ainsi maîtriser le risque pour la santé humaine. L’ANSES élabore une stratégie vaccinale devant permettre d’arrêter l’abattage préventif des canards en cas de foyers, ce qui permettrait de recueillir l’adhésion des éleveurs à la vaccination.
La seule stratégie de vaccination humaine contre la grippe aviaire repose sur la vaccination contre la grippe saisonnière, recommandée chez les professionnels exposés aux virus porcins et aviaires (éleveurs, vétérinaires, techniciens) afin de réduire le risque de transmission des virus de la grippe saisonnière aux animaux d’élevage, et de limiter le risque de co-infection virus humains et aviaires qui favorise le réassortiment entre les deux virus susceptible de conduire à l’émergence de nouvelles souches virales pandémique. Si des traitements antiviraux classiques sont disponibles en France, de nouveaux anti-viraux déjà autorisés dans certains pays présentent de nombreux avantages pour les cas humains de grippe aviaire et devraient occuper une place essentielle dans la préparation et la gestion de pandémie de grippe aviaire en attendant le déploiement d’une stratégie vaccinale humaine adaptée (baloxavir marboxil (Xofluza*, Roche) en monodose, approuvé en Europe depuis 2021 mais non disponible en France). Enfin, des programmes de recherches sur l’influenza aviaire sont en cours.
Malgré ces actions, la circulation de l’IAHP continue et le risque d’endémisation augmente, accroissant les risques sanitaires pour la population humaine. Il est ainsi nécessaire de renforcer les actions multidisciplinaires et multisectorielles visant à lutter contre ce risque en se concentrant sur quatre enjeux : la vaccination, les mesures préventives à appliquer dans les élevages, la surveillance animale et humaine et les financements de recherche sur la question de la grippe aviaire et de l’IAHP.
Le COVARS, adoptant une approche « One Health », intégrant les avis de différentes agences, recommande de :
Source : Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires