Vaccin anti-chikungunya de Valneva : bons résultats des essais de phase 3

mesvaccins.net

Depuis 2005 et l’épidémie survenue sur l’île de la Réunion, le virus chikungunya n’a cessé de se répandre hors d’Afrique et d’Asie où il était initialement contenu. Transmis par des moustiques vecteurs présents sur tous les continents, il a émergé en Europe et aux Amériques. A ce jour, des cas d’infection ont été identifiés dans plus de 100 pays. Si la maladie est généralement bénigne et d’évolution favorable, elle peut aussi être responsable d’atteintes articulaires intenses entrainant douleurs et impotence souvent durables. D’autres complications sont possibles, parfois graves, en fonction de l’état général et des antécédents des personnes affectées. Des décès ont été observés, surtout aux âges extrêmes de la vie. Il n’existe pas de traitement spécifique et certains patients souffrent de séquelles durables, en particulier des douleurs articulaires, difficiles à soulager.

En raison de l’installation définitive des populations de moustiques vecteurs, dont Aedes albopictus, le chikungunya peut être réintroduit régulièrement et pourrait même devenir endémique dans de nombreux pays dans les deux hémisphères. La recherche d’un vaccin s’est donc intensifiée. Dans les années 1990, l’armée américaine avait mis au point un candidat vaccin vivant atténué mais a finalement renoncé à son développement. Différents abords sont à présent mis en œuvre [vaccins virus vivants ou inactivés, pseudo-particules virales (VLP), vaccins ADN ou ARN] et des essais cliniques sont engagés par plusieurs laboratoires. Les vaccins de Emergent BioSolutions (VLP) et de International Vaccine Institute (inactivé) sont ainsi parvenus en phase 3 avec des résultats encourageants.

Le candidat vaccin de Valneva (VLA1553), dont il a déjà été question dans Mesvaccins.net (actualité du 4 septembre 2021), est également entré en phase 3 de son développement, et les résultats de l’essai débuté fin 2020 viennent d’être publiés (1). Quatre mille cent vingt-huit volontaires, des Américains en bonne santé âgés de 18 ans et plus, ont été inclus ; 3 093 ont reçu une injection de vaccin alors que 1 035 recevait un placébo. Les effets indésirables ont été surveillés chez tous les participants et des prélèvements ont été effectués chez 362 d’entre eux (266 du groupe vaccin et 96 du groupe placébo) pour la recherche d’anticorps anti-chikungunya.

Le vaccin VLA1553 est constitué à partir d’une souche virale isolée à La Réunion. Une délétion de 61 acides aminés dans la protéine non structurale 3 a atténué son pouvoir pathogène. La dose de virus inoculée pour la vaccination dans la phase 3 (1x104 doses infectieuses 50 %) a été déterminée grâce aux données de l’essai de phase 1, qui a mis en évidence une bonne tolérance et un bon niveau d’immunogénicité pour les trois dosages testés. Une seule dose de vaccin ou de placébo a été administrée, par injection intramusculaire dans le deltoïde. En l’absence de situation épidémique d’évolution prévisible et de possibilité de procéder à des infections expérimentales chez l’Homme, les agences de régulation (FDA et EMA) ont autorisé Valneva à évaluer l’efficacité du vaccin non pas par une mesure de la protection contre l’infection chez les personnes vaccinées, mais à l’aide d’un dosage d’anticorps neutralisants dont la valeur seuil a été déterminée à partir des résultats d’un test de transfert de protection chez des singes (un test dans lequel on évalue la protection des singes contre une infection par le virus sauvage après qu’ils aient reçu du sérum de volontaires vaccinés dont le titre en anticorps neutralisants a été mesuré in vitro).

Sur 266 participants à l’essai prélevés 28 jours après inoculation de VLA1553, 263 (98,9 %) présentaient des anticorps au-dessus du seuil de protection. Le taux de protection était le même chez les 18-64 ans et les plus de 65 ans. Sur 242 participants prélevés 180 jours après la vaccination, 233 (96,3 %) présentaient encore des anticorps au-dessus du seuil de protection. Le taux de séroconversion, mesurant l’immunogénicité du vaccin, s’est élevé à 99,2 % des participants testés au jour 29 post-vaccination ; il est resté de 98,3 % au jour 180, avec des titres d’anticorps diminués mais toujours de haut niveau.

Le vaccin a été généralement bien toléré, et le profil de sécurité a été identique dans toutes les classes d’âge. Les effets indésirables ont été comparables à ceux observés avec d’autres vaccins. Ils ont été plus fréquents dans le groupe vaccin (62,5 %) que dans le groupe placébo (44,8 %), ils se sont présentés pour l’essentiel dans les 28 jours suivant l’inoculation et sont restés légers à modérés. Deux volontaires sur les 3082 ayant reçu VLA1553 (0,1 %) ont présenté des effets indésirables graves considérés comme en lien avec le vaccin.

Les auteurs de l’article identifient plusieurs limites à leur étude. Parce qu’il a été testé aux USA, le vaccin n’a pas été évalué chez des personnes déjà exposées au chikungunya et immunisées ; il ne l’a pas été non plus chez des personnes immunodéficientes ou enceintes, exclues de l’étude. L’apparition d’une immunité n’a été recherchée que sur un petit nombre de participants à l’essai, mais le groupe constitué est considéré représentatif de la population dans son ensemble. Le vaccin n’a pas encore été testé chez les sujets jeunes et c’est à présent l’objectif d’un essai chez les adolescents qui a débuté au Brésil. Le suivi de la réponse immune n’a été effectué que sur 6 mois, mais Valneva a prévu de le prolonger sur 5 ans. Enfin, et ce n’est pas la moindre des limitations de l’étude, l’efficacité clinique du vaccin n’a pas été directement évaluée, pour les raisons exposées plus haut. Pour les auteurs, cette évaluation devra attendre la commercialisation du vaccin et les observations en conditions réelles qui seront alors possibles. Ils soulignent que compte tenu de sa nature (vaccin vivant atténué ne nécessitant en principe qu’une seule injection) et de son profil d’activité et de sécurité satisfaisant quel que soit l’âge, VLA1553 se présente comme un bon candidat pour la protection des populations exposées au chikungunya, vivant ou voyageant en zone d’endémie.

Référence

  1. Martina Schneider, Marivic Narciso-Abraham et coll. Safety and immunogenicity of a single-shot live-attenuated chikungunya vaccine: a double-blind, multicentre, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial - https://doi.org/10.1016/ S0140-6736(23)00641-4

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