Etats-Unis : la persistance du virus de la grippe aviaire H5N1 dans le lait non pasteurisé et sur les surfaces expose l'homme au virus et pourrait participer à la propagation de bovins à bovins
Une étude qui vient d'être publiée dans la revue Emerging Infectious Diseases montre que le virus H5N1 persiste dans le lait non pasteurisé et reste infectieux sur les surfaces des unités de traite pendant plusieurs heures.
Rappel du contexte
Le virus hautement pathogène de l'influenza aviaire A(H5N1) a été détecté chez des vaches laitières domestiques américaines à la fin du mois de mars 2024, après quoi il s'est propagé aux troupeaux de plusieurs États et a entraîné au moins trois infections humaines confirmées. L'évaluation du lait provenant de vaches laitières infectées a indiqué que le lait non pasteurisé contenait des niveaux élevés de virus grippal infectieux. L'exposition des travailleurs des exploitations laitières à du lait non pasteurisé contaminé pendant la traite pourrait entraîner une augmentation des infections humaines par le virus H5. Ces infections pourraient permettre aux virus H5 de s'adapter par le biais de l'évolution virale chez l'homme et d'acquérir la capacité de transmission interhumaine.
Le processus de traite est principalement automatisé et utilise des unités de vide, communément appelées faisceaux trayeurs ou griffes, qui sont fixées aux trayons des vaches laitières pour collecter le lait. Cependant, plusieurs étapes du processus de traite requièrent une intervention humaine, notamment le "forestripping", par lequel les travailleurs expriment manuellement les 3 à 5 premiers jets de lait de chaque trayon. L'extraction stimule les trayons pour une évacuation optimale du lait, améliore la qualité du lait en éliminant les bactéries et permet de vérifier la présence de lait anormal. Le processus de dépose des trayons peut entraîner des éclaboussures de lait sur le sol de la salle de traite et sur les équipements environnants, ainsi que la production d'aérosols de lait.
Après le "forestripping", chaque trayon est nettoyé et séché à la main avant l'installation de la griffe. Pendant la traite, un manchon de gonflage en caoutchouc souple logé dans la coque en acier inoxydable de la griffe s'ouvre pour permettre l'écoulement du lait et se ferme pour exercer une pression sur le trayon afin d'arrêter l'écoulement du lait. Lorsque le débit de lait diminue jusqu'à un certain niveau, la griffe se libère automatiquement. Le lait résiduel dans le manchon de gonflage peut alors être pulvérisé sur le personnel laitier, l'équipement ou la zone environnante. Il convient de noter que la traite a souvent lieu au niveau des yeux de l'homme ; l'espace de travail de l'homme est physiquement plus bas que celui des vaches, ce qui augmente le risque de contact entre le lait infectieux et les muqueuses des travailleurs humains. Aucune protection oculaire ou respiratoire n'est actuellement requise pour les travailleurs des fermes laitières, mais des recommandations ont été publiées.
Méthode
Les informations sur la persistance du virus sont essentielles pour comprendre le risque d'exposition virale pour les travailleurs laitiers pendant le processus de traite.
Pour réaliser des expériences avec des souches infectieuses, les auteurs ont utilisé la souche A(H5N1) de la grippe A/bovin laitier/TX/8749001/2024 ou une souche de substitution du virus de la grippe pandémique A(H1N1)pdm09, A/California/07/2009. Ils ont comparé le virus dilué 1:10 dans du lait cru non pasteurisé avec une solution saline tamponnée au phosphate comme contrôle. Des échantillons de virus ont été prélevés immédiatement et après 1, 3 ou 5 heures pour détecter le virus infectieux. Les auteurs expliquent que pour reproduire les conditions environnementales dans les salles de traite en plein air du Texas en mars-avril 2024, ils ont mené des études de persistance en utilisant une humidité relative de 70 %.
Résultats
Le virus bovin H5N1 reste infectieux dans le lait non pasteurisé sur l'acier inoxydable et le revêtement de gonflage en caoutchouc après 1 heure, alors que le virus infectieux dans le PBS tombe en dessous de la limite de détection après 1 heure. Les auteurs concluent que le lait non pasteurisé contenant le virus H5N1 reste infectieux sur les matériaux de l'unité de traite. D'a.utres expériences portant sur l'infectiosité du H1N1 sur des périodes plus longues ont révélé une persistance virale dans le lait non pasteurisé sur une gaine de gonflage en caoutchouc pendant au moins 3 heures et sur de l'acier inoxydable pendant au moins 1 heure.
Conclusions
Les auteurs concluent que leurs résultats démontrent de manière irréfutable que les travailleurs des fermes laitières risquent d'être infectés par le virus H5N1 à partir de surfaces contaminées lors de la traite des vaches. Pour réduire la propagation du virus H5N1 des vaches laitières à l'homme, les exploitations devraient mettre en place des équipements de protection individuelle, tels que des écrans faciaux, des masques et des lunettes de protection, pour les travailleurs pendant la traite. En outre, les manchons de gonflage en caoutchouc contaminés pourraient être à l'origine de la propagation de bovins à bovins observée dans les exploitations laitières. La désinfection des manchons après la traite de chaque vache pourrait réduire la propagation du virus de la grippe entre les animaux dans les exploitations et contribuer à enrayer l'épidémie actuelle.
Source : Emerging Infectious Diseases