L'efficacité du vaccin BCG plus large qu'on ne l'estimait auparavant

Publié le 3 sept. 2014 à 12h49

Biographie

MD, PhD, ancien directeur scientifique de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), Brétigny sur Orge, France.

Habilitation à diriger les recherches.

Enseignant à l’Ecole du Val-de-Grâce, à l’université d’Aix-Marseille, à l’Institut de formation en soins infirmiers Saint Joseph, Marseille.

Expert auprès de Santé publique France, de la Haute autorité de santé (HAS) et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC).

Membre du Comité de protection des personnes (CPP) Sud-Ouest et Outre-mer II.

Liens d'intérêt

Absence de lien avec l’industrie pharmaceutique.

Aucune participation à des études cliniques de médicaments ou vaccins.

Déclaration établie le 2 janvier 2012, mise à jour le 21 septembre 2021.

Une étude publiée récemment dans The BMJ apporte un nouvel éclairage sur l'efficacité du vaccin BCG contre la tuberculose (1). L'efficacité vaccinale est le pourcentage de réduction de la maladie attribuable à la vaccination.

La tuberculose

La tuberculose est une maladie toujours d'actualité, particulièrement au sein des populations les plus défavorisées. Les conditions socioéconomiques défavorables, l'accès aux soins difficile, l'association à d'autres maladies comme le sida, l'apparition de souches bactériennes résistant aux antibiotiques et celle de formes nouvelles de l'infection sont même responsables d'un renouveau de cette maladie qu'on pensait pouvoir contrôler. Même dans les pays les plus avancés, des foyers persistent, touchant essentiellement des populations récemment immigrées.

La tuberculose commence par l'infection par le bacille tuberculeux ou bacille de Koch (BK), du nom de son découvreur. Au cours de cette primoinfection tuberculeuse, qui passe le plus souvent inaperçue sur le plan des symptômes, le BK se multiplie à l'intérieur des macrophages, qui sont l'une des premières lignes de défense du système immunitaire. Une réponse de l'immunité cellulaire permet alors le plus souvent de contenir le bacille dans le foyer de primo-infection. On estime qu'un tiers de l'humanité est infectée par le bacille tuberculeux. Cette proportion est beaucoup plus élevée dans les pays en voie de développement que dans les pays industrialisés. Le plus souvent, la personne infectée par le bacille tuberculeux reste en bonne santé. Mais dans certains cas, quelques mois à plusieurs années après l'infection, à la faveur d'une immunodépression mais aussi souvent sans explication apparente, le BK déborde le système immunitaire, se multiplie, dissémine dans l'organisme et entraine une forme de "tuberculose maladie", le plus souvent une tuberculose pulmonaire. Cependant, tout organe peut être atteint. La multiplication du BK étant lente, la tuberculose se présente habituellement comme une maladie chronique. Il existe cependant des formes graves et aiguës de tuberculose (méningite ou miliaire tuberculeuse). La distinction entre l'infection tuberculeuse et la tuberculose maladie est importante pour comprendre l'intérêt de la nouvelle étude britannique publiée dans le BMJ rapportée ici (1).

Vaccination contre la tuberculose

Il existe un vaccin contre la tuberculose utilisé depuis les années 1920, le BCG (bacille de Calmette et Guérin). Ce vaccin contient une souche vivante atténuée de bacille tuberculeux. Si les données scientifiques accumulées au cours de sa longue période d'utilisation montent que le BCG confère une protection contre la tuberculose maladie, notamment chez l'enfant et contre ses formes graves et aiguës, on considérait jusqu'à présent qu'il ne permettait pas de prévenir l'infection par le bacille tuberculeux.  D'autre part, la place de la tuberculose dans les pays industrialisés s'est réduite, et les cas diagnostiqués peuvent être traités. L'administration du BCG par par voie intradermique est assez délicate. Elle est souvent suivie d'effets indésirables locaux (ulcération, adénopathie) qui, même s'ils ne sont pas graves, peuvent être mal supportés. L'ensemble de ces éléments a conduit à restreindre l'utilisation du BCG. En France, il n'est plus obligatoire mais il reste recommandé pour les personnes à risque, qui représentent encore une proportion élevée de la population française. Le système expert de MesVaccins.net permet de connaître facilement les situations qui justifient une protection vaccinale contre la tuberculose. 

L'efficacité du BCG est difficile à évaluer, car ce vaccin confère une protection contre la tuberculose lorsqu'il est administré avant l'infection par un bacille tuberculeux. Dans les pays pauvres, l'infection tuberculeuse est fréquente et se produit souvent très tôt dans la vie. C'est la raison pour laquelle la vaccination par le BCG est recommandée dès la naissance dans ces pays, mais aussi en France pour les enfants exposés à un risque élevé de tuberculose.

De nombreuses études d'efficacité vaccinale montrent que l'efficacité du BCG chez les enfants est de 60 à 80 % contre les formes graves de tuberculose (en particulier la méningite), et d'environ 50 % contre les autres formes de tuberculose (1, 2).

La plupart des études réalisées ne permettent pas de faire la différence entre les personnes déjà infectées par le bacille tuberculeux et celles qui n'ont jamais été exposées au bacille tuberculeux. Dans ces conditions, on comprend pourquoi les valeurs observées de l'efficacité du BCG chez les adultes sont très variables selon les études. Elles sont souvent décevantes dans les pays en développement, où la plupart des adultes ont déjà été infectés par le BK. Sur sept études réalisées chez l'adolescent et l'adulte, quatre montrent une protection allant de 0 à 30 % et trois montrent une protection au dessus de 60 % (3). Dans les pays industrialisés, les données d'efficacité du BCG chez l'adulte sont rares. Quelques études menées spécifiquement chez des professionnels de santé très exposés et préalablement tuberculino-négatifs sont en faveur d''une efficacité plus élevée, d'au moins 65 %, mais leur qualité méthodologique est insuffisante. Des travaux de modélisation visant à comparer la vaccination par rapport au suivi tuberculinique ont été réalisés aux Etats-Unis lors de la recrudescence de la tuberculose observée au début des années 1990, alors que le risque annuel infectieux pour les professionnels de santé était estimé entre 1 et 4 %. Ces travaux ont montré que la vaccination par le BCG, même avec une efficacité limitée, est une stratégie plus efficace que la réalisation régulière du test tuberculinique (ce test permettant de détecter la survenue d'une infection tuberculeuse et donc son traitement pour éviter l'évolution vers une forme de tuberculose maladie).

Une nouvelle étude britannique montre que le BCG possède une certaine efficacité contre l'infection tuberculeuse

A. Roy, du centre de santé publique de Londres, et ses collaborateurs ont effectué une méta-analyse de données produites entre 1950 et 2013 visant à évaluer l'efficacité du BCG contre l'infection tuberculeuse chez les enfants jusqu'à l'âge de 16 ans (14 études portant sur une population de 3.855 individus). 

Il ressort de cette analyse que les études les plus rigoureuses menées sur le sujet mettraient en évidence une efficacité vaccinale du BCG contre l'infection tuberculeuse de 27 % (ou de 19 % si toutes les études sont prises en compte), l'efficacité contre la tuberculose maladie s'établissant à 71 %. Cela signifie que si l'on vaccine 100 personnes par le BCG, 27 personnes en moyenne ne seront pas infectées par un bacille tuberculeux et 71 personnes ne seront pas victimes d'une tuberculose maladie (par exemple une tuberculose pulmonaire ou une méningite tuberculeuse). 

Bien qu'indirects, les arguments avancés donnent à penser que le BCG pourrait se révéler un outil plus efficace qu'attendu pour la protection contre la tuberculose sous toutes ses formes.

Références 

  1. Roy A, Eisenhut M, Harris RJ, Rodrigues LC, Sridhar S, Habermann S, Snell L, Mangtani P, Adetifa I, Lalvani A, Abubakar I. Effect of BCG vaccination against Mycobacterium tuberculosis infection in children: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2014 Aug 5;349:g4643.
  2. Avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France du 9 mars 2007, relatif à la suspension de l'obligation de vaccination par le vaccin BCG chez les enfants et les adolescents.
  3. Avis du Haut Conseil de la santé publique du 5 mars 2010, relatif à l'obligation de vaccination par le BCG des professionnels listés aux articles L.3112-1, R.3112-1 C et R.3112-2 du Code de la santé publique.