Vaccins anti papillomavirus : la controverse relancée
Les vaccins anti-papillomavirus humains (HPV), Cervarix et Gardasil, ont été mis au point pour prévenir la survenue de cancers principalement chez la femme (cancer du col de l'utérus). Ils sont recommandés en France chez les jeunes filles entre 11 et 14 ans avec rattrapage jusqu'à 19 ans révolus. Ils ont déjà été mis en cause dans la survenue d'effets indésirables parfois très médiatisés, dont des cas de maladies auto-immunes et des "syndromes chroniques" pouvant associer des signes différents, que nous avons évoqués en plusieurs occasions sur Mesvaccins.net. Les craintes suscitées par ces événements, observés dans plusieurs pays, ont conduit l'agence européenne de santé (EMA) à analyser les données disponibles à la recherche d'une responsabilité des vaccins. Les pathologies qui ont particulièrement justifié l'étude, à la demande du Danemark, étaient un "syndrome de douleur régionale complexe" (CRPS) et un "syndrome de tachycardie posturale orthostatique" (POTS). La conclusion du travail de l'EMA vient d'être rendue publique : aucun lien de causalité entre les vaccins et les syndromes observés n'a été mis en évidence. Les autorités de santé américaines, également saisies du problème pour les Etats-Unis, avaient déjà auparavant rendu un avis identique.
A peine publiée, cette conclusion est critiquée par des spécialistes, surtout danois, qui considèrent l'étude de l'EMA invalide en raison tout d'abord d'un conflit d'intérêt entre les experts sollicités et les producteurs des vaccins (GSK pour le Cervarix, Sanofi Pasteur MSD pour le Gardasil), et parce qu'elle s'appuie sur des données déjà anciennes. Or, le Danemark considère qu'il existe des observations plus récentes et nombreuses, et il a décidé de mener sa propre étude : plus de 1 300 filles et jeunes femmes affectées par l'un ou l'autre des deux syndromes auraient été récemment adressées à des centres spécialisés chargés de les prendre en charge et de mener les investigations. CRPS et POTS existent chez les adolescentes avec une certaine fréquence en dehors de toute vaccination, mais en contradiction avec la conclusion de l'EMA, la fréquence observée chez les jeunes filles vaccinées apparait plus élevée. D'autre part, beaucoup des manifestations pathologiques observées n'entrent pas dans le cadre des deux syndromes sur lesquels l'étude de l'EMA s'est concentrée, mais plutôt dans celui d'un syndrome de fatigue chronique. D'après le docteur Jesper Mehlsen, de "l'Unité de la syncope" de l'hôpital de Frederiksberg, 250 jeunes femmes ont été reçues dans le service pour des symptômes apparues moins de 2 mois après la vaccination. Ces symptômes étaient variés : maux de tête, fatigue excessive, troubles cognitifs, inconfort gastro-intestinal, douleurs diffuses de nature neurologique.
Interrogés, les CDC et la FDA américains ont affirmé que pour eux, aucun lien entre la vaccination anti-HPV et les syndromes douloureux atypiques, CRPS, POTS ou fibromyalgies, ne pouvait être établi, et ce alors que le premier vaccin anti-HPV est utilisé depuis 10 ans et que 79 millions de doses de vaccin ont été distribuées aux Etats-Unis.
La controverse se trouve malgré tout relancée, il est probable que nous en entendrons parler.
Source : Medscape, 13 novembre 2015.