Le vaccin quadrivalent contre les papillomavirus GARDASIL a obtenu le 6 juin 2014 une modification de l'autorisation de mise sur le marché pour la prévention des lésions anales précancéreuses et cancéreuses. Par ailleurs, les connaissances relatives à l'implication des virus HPV dans la genèse d'autres cancers touchant également les hommes ont progressé. De ce fait, la question de la pertinence d'une vaccination généralisée ou ciblée des hommes contre l'HPV a été relancée.
C'est dans ce contexte que le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié le 2 mai 2016 sur son site Internet un nouvel avis, daté du 19 février 2016, relatif aux recommandations vaccinales contre les infections à papillomavirus humains chez les hommes. Le rapport complet qui accompagne cet avis est également disponible sur le site du HCSP.
1. Rappel sur les papillomavirus.
Les papillomavirus (encore appelés Human Papillomavirus ou HPV) sont des virus d'une grande diversité, classés en génotypes désignés par des numéros.
La grande majorité des hommes et des femmes sont infectés par les papillomavirus humains au cours de leur vie.
Certains génotypes se transmettent par voie sexuelle et infectent les muqueuses génitales, d'autres se transmettent par contact cutané et infectent la peau. Les papillomavirus sont responsables de tumeurs épithéliales bénignes ou malignes. Les génotypes HPV 2 et 4, par exemple, sont à l'origine de lésions très courantes et bénignes, les verrues dites “vulgaires”.
D'autres génotypes entraînent des verrues génitales (encore appelées condylomes génitaux, végétations vénériennes ou crêtes de coq), dont le caractère disgracieux peut avoir de graves conséquences psychologiques : dans 90 % des cas, les papillomavirus en cause sont les HPV 6 ou 11.
D'autres génotypes sont oncogènes, c'est-à-dire capables de provoquer l'apparition d'un cancer (HPV 16 et 18 surtout, mais aussi les HPV 31, 33, 35, 45, 51, 52, 58), notamment le cancer du col utérin. Les femmes paient un lourd tribut à l'infection par les papillomavirus, qui est responsable d'environ 3.000 cas et 1.000 décès par cancer du col chaque année.
Cependant, certains HPV induisent d'autres cancers de la sphère génitale (vagin, anus et pénis) ou des cancers oropharyngés. Ces cancers concernent les femmes mais aussi les hommes.
En France, le cancer anal est en progression mais reste un cancer rare en population générale. Par contre, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), les femmes présentant un antécédent de cancer du col utérin ou de la vulve ainsi que les personnes immunodéprimées (personnes infectées par le VIH et personnes transplantées) ont un risque plus élevé de cancer du canal anal. Le risque de cancer du canal anal est 20 fois plus élevé chez les HSH que chez les hétérosexuels, les HSH infectés par le VIH étant la population la plus à risque. Dans une méta-analyse, l'incidence du cancer anal était de 5 pour 100 000 par an chez les HSH non infectés par le VIH et de 46 pour 100 000 par an chez les HSH infectés par le VIH. Le nombre de partenaires sexuels ainsi que le tabagisme sont des facteurs supplémentaires associés à une augmentation du risque de cancer anal.
Les cancers du pénis sont très rares.
Les verrues ano-génitales, souvent récidivantes, sont fréquentes et peuvent altérer temporairement la qualité de vie. Leur fréquence est similaire chez les hommes (qu'ils soient gays ou non) et chez les femmes. L'infection anale par les HPV et ses manifestations cliniques (lésions pré-cancéreuses, cancers, condylomes anaux) sont plus fréquentes chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH), en particulier chez ceux infectés par le VIH. Chez les HSH, les données sont en faveur d'une transmission précoce et importante des HPV dès les premières expériences sexuelles.
Le lien de causalité est aujourd'hui établi entre l'infection persistante par HPV 16 et les cancers de la région oropharyngée (oropharynx, amygdale et base de la langue) ainsi que ceux de la cavité buccale. Mais la situation est variable selon le pays. En France, la part des différents facteurs cancérogènes (tabac, alcool etHPV) dans les tumeurs oropharyngées reste encore mal appréhendée.
2. Prévention vaccinale des infections à papillomavirus : les recommandations actuelles.
Selon le calendrier vaccinal 2016, la vaccination contre les papillomavirus est recommandée pour toutes les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans. Dans le cadre du rattrapage vaccinal, la vaccination est recommandée pour les jeunes filles et jeunes femmes entre 15 et 19 ans révolus.
Il n'existe pas de recommandation générale de recommandation vaccinale contre les papillomavirus pour les garçons. Mais des recommandations spécifiques s'appliquent pour les garçons dans les situations suivantes :
3. Recommandations vaccinales contre les papillomavirus chez les garçons : quelles sont les données disponibles ?
A ce jour, parmi les vaccins HPV disponibles en France, seul le vaccin quadrivalent (HPV 6, 11, 16 et 18), commercialisé sous le nom de GARDASIL, dispose d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les lésions anales précancéreuses, le cancer anal et les verrues génitales (condylomes acuminés) dues à des types HPV spécifiques. Aucun vaccin n'a d'indication pour la prévention des cancers du pénis ou oropharyngés.
Le HCSP a pris en compte l'efficacité et la tolérance des vaccins anti-HPV, les aspects médico-économiques, l'efficacité directe et indirecte de la vaccination ainsi que l'acceptabilité de la vaccination chez les hommes.
4. Protection des garçons contre les maladies associés aux papillomavirus : faut-il vacciner tous les garçons ou seulement ceux qui sont le plus à risque ?
En s'appuyant sur les données ci-dessus, le HCSP a dressé un liste des avantages et inconvénients de ces deux stratégies : vaccination de tous les garçons (appelée vaccination universelle) ou vaccination de ceux (notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) qui ont un risque élevé de maladies associés aux papillomavirus.
4.1. Vaccination de tous les garçons contre les HPV.
Pour :
Contre :
4.2. Vaccination spécifique des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.
Pour :
Contre :
5. Le Haut Conseil de la santé publique a finalement décidé de recommander la vaccination spécifique des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.
La recommandation a été adoptée par douze membres du comité technique des vaccinations parmi les treize présents (l'expert qui s'est abstenu aurait préféré la recommandation de vacciner tous les garçons). L'avis a ensuite été validé par une autre commission (CSMT : commission spécialisée maladies transmissibles) : huit votants sur dix ont approuvé l'avis, un expert s'est abstenu et un autre expert a voté contre.
La recommandation est ainsi libellée :
En conséquence le HCSP recommande :
Dans ce nouvel avis, le HCSP rappelle également que l'augmentation de la couverture vaccinale des jeunes filles reste la priorité pour la prévention des maladies liées à l'infection par les HPV et qu'une couverture vaccinale élevée chez les femmes procure une protection indirecte chez les hommes hétérosexuels. "L'obtention de la couverture vaccinale souhaitée (au moins 60 % à échéance du Plan cancer en 2019) passe nécessairement par la mise en place d'un programme organisé de vaccination permettant de toucher toutes les catégories socio-économiques".
6. Et dans les autres pays ?
Quatre pays recommandant la vaccination anti-HPV pour tous les garçons :
La comparaison des calendriers de vaccination des pays de l'Union européenne peut être effectuée sur le site de l'ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control).
Ce nouvel avis a été pris en compte par le système expert de MesVaccins.net utilisé dans l'audit vaccinal personnalisé ainsi que dans le carnet de vaccination électronique.
7. Références.