Concertation citoyenne sur la vaccination : des obligations vaccinales étendues mais assorties d’une clause de conscience

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Suite à la remise du rapport sur l'amélioration de la politique vaccinale en janvier 2016, la Ministre des affaires sociales et de la santé a souhaité lancer une large concertation citoyenne afin de trouver des solutions pour rétablir la confiance dans la vaccination.

La Ministre de la santé a demandé au Professeur Alain FISCHER de présider un comité d'orientation indépendant pour organiser cette concertation citoyenne sur la vaccination. La co-présidence était assurée par Madame Claude RAMBAUD, co-présidente du Collectif Interassociatif Sur la santé (CISS), regroupant 42 associations d'usagers de la santé, de consommateurs, de personnes âgées et de personnes en situation de handicap.

Cette concertation citoyenne été organisée en quatre étapes : la réalisation d'enquêtes d'opinion pour connaître les freins et les réticences à la vaccination, l'audition de personnalités (professionnels de santé, patients et associations de patients), la mise en place d'un jury de professionnels de santé non spécialistes de la vaccination et d'un jury de citoyens pour débattre sur les vaccinations et produire un avis, et un espace participatif en ligne qui a recueilli 10.435 contributions en un mois.

Le rapport de la concertation citoyenne sur les nombreuses contributions recueillies au cours de ces quatre étapes vient d'être diffusé. Six axes d'amélioration sont proposés pour restaurer la confiance du public et des professionnels de santé dans la vaccination.

Axe 1 : répondre à l'exigence de transparence des citoyens

Bien que la déclaration des liens d'intérêts de toute personne intervenant dans le processus de mise sur le marché d'un vaccin ou de la politique vaccinale ait été clarifiée depuis quelques années avec la publication en ligne de ces liens sur les sites des agences sanitaires (ANSM, Santé publique France, Haut Conseil de la santé publique, HAS) et la mise à jour de ces déclarations, des efforts doivent être poursuivis. Ces déclarations doivent être plus facilement accessibles aux professionnels de santé comme aux citoyens et n'être pas limitées aux seuls experts, mais étendues aux élus, chercheurs et administratifs.

Cette recherche de transparence concerne également l'accès aux données telles que les événements indésirables des vaccins, avec une communication permettant de faciliter leur compréhension et d'éviter des interprétations erronées induisant une défiance envers ces derniers.

Axe 2 : mieux informer et mieux communiquer vers le public et vers les professionnels de santé

Une information validée sur les vaccins et la politique vaccinale doit être accessible par les citoyens et les professionnels de santé depuis un site internet unique dédié et doté d'un espace participatif (foire aux questions, forum avec des informations personnalisées). Le site vaccination-info-service, mis en place par Santé Publique France en début d'année 2016, pourrait constituer la base d'un site plus complet comportant un accès pour les citoyens et un accès pour les professionnels de santé.

Le comité d'orientation affirme clairement la place de l'école dans le suivi de la santé des élèves et l'éducation de la santé. Proposer la vaccination à l'école en ciblant les enfants de 6 à 11 ans est une possibilité à examiner en prenant en compte les ressources humaines des personnels de santé des établissements, souvent limitées, et le recours à des intervenants extérieurs. Le Haut Conseil de la santé publique avait souligné dans un avis de 2013 l'intérêt d'élargir les lieux de vaccination, dont l'école.

Evaluer l'état de la vaccination des jeunes gens de moins de 18 ans pourrait être fait au cours de la Journée Défense et Citoyenneté. Ceci a été déjà réalisé en région Poitou-Charentes en 2011 et en Aquitaine en 2013 (notes du rédacteur).

Par ailleurs, le comité propose la mise en œuvre d'une communication à grande échelle réaffirmant les bénéfices des politiques vaccinales, contrant les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux. Il se positionne en faveur de la suppression de la publicité sur les vaccins par les entreprises du médicament.

Axe 3 : faciliter le parcours vaccinal en favorisant l'accès à la pratique vaccinale

Favoriser la pratique de la vaccination inclut d'augmenter les lieux de vaccination et d'élargir les compétences des professionnels de santé. Celles des sages-femmes ont été récemment précisées. Le projet de vaccination contre la grippe par les pharmaciens a été adopté par le Parlement pour une durée expérimentale de 3 ans.

Assurer la traçabilité de l'acte vaccinal est aussi essentiel que vacciner la personne. Ceci requiert donc un carnet de vaccination dématérialisé ou Carnet de Vaccination Electronique (CVE). Celui-ci doit être interprofessionnel, partagé entre le citoyen et les différents professionnels de santé. Il doit intégrer les données liées à l'acte vaccinal dont celles de pharmacovigilance et servir ainsi de base à la création d'un registre national de vaccination.

Face aux difficultés récurrentes d'approvisionnement en vaccins, le comité propose des pistes pour sécuriser leur disponibilité, par exemple par des stocks de sécurité ou des achats centralisés.

Axe 4 : soutien des professionnels de santé par la formation

Il s'agit d'assurer une formation initiale aux programmes de vaccination au cours du cursus des étudiants en santé et de poursuivre cette formation tout au long de la carrière professionnelle.

Axe 5 : la recherche est indispensable pour répondre aux interrogations sociétales

La recherche à la fois fondamentale et appliquée vise à combattre de nombreuses maladies graves. Elle doit être conduite par des équipes académiques dans le cadre universitaire, d'instituts de recherche et également par l'industrie du médicament. Elle doit intéresser toutes les personnes de tous âges, qu'elles soient atteintes ou non d'une affection chronique, sachant que les personnes immunodéprimées répondent moins bien aux vaccins. Il s'agit de développer de nouvelles cibles vaccinales vis-à-vis de menaces infectieuses connues (virus de l'hépatite C, du VIH, agent du paludisme par exemple, vaccin universel contre la grippe) ou plus récentes (maladie à virus Zika, chikungunya).

La recherche doit également concerner la sécurité vaccinale. La question des adjuvants dans la composition des vaccins a fait l'objet de nombreux échanges. Les adjuvants sont nécessaires à l'efficacité des vaccins non vivants (encore appelés vaccins inertes, eux-mêmes classés en vaccins entiers inactivés et vaccins sous-unitaires). Les vaccins vivants (par exemple contre la rougeole, la rubéole, les oreillons ou la varicelle) n'ont pas besoin d'adjuvants pour stimuler la système immunitaire. Les adjuvants sont donc indispensables à nombre de vaccins inertes protéiques (notamment les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, les hépatites A et B ou encore les papilomavirus) en tant que substituts des substances naturelles des agents infectieux qui stimulent la production des anticorps ainsi que l'immunité cellulaire.

Le comité explique que le recours à des vaccins protéiques sans adjuvant, comme suggéré par le jury citoyen, ne peut de ce fait être envisagé. Les recherches en cours n'ont pas pour but de remplacer les sels d'aluminium, dont l'efficacité et la sécurité d'utilisation sont bien démontrées dans les vaccins existants. Elles ont pour objectif d'améliorer encore la réponse spécifique contre les antigènes vaccinaux, tout en limitant au maximum la réaction inflammatoire non spécifique concomitante. Il est par ailleurs utile de poursuivre les études sur la tolérance des adjuvants actuellement utilisés. Il est également noté que le temps nécessaire pour le développement opérationnel (qui implique les tests de sécurité et d'efficacité) d'un nouvel adjuvant qui remplacerait les sels d'aluminium est de l'ordre de 10 ans. En ce qui concerne la sécurité, les données devraient être comparées avec celles des sels d'aluminium pour lesquels le recul d'utilisation est de près de 100 ans.

Axe 6 : élargissement transitoire de l'obligation vaccinale, avec à terme la levée de l'obligation vaccinale

La question du maintien ou de la levée de l'obligation vaccinale a fait l'objet de nombreux avis et débats avant la concertation citoyenne. L'obligation vaccinale concerne les vaccins en population générale chez les enfants (diphtérie-tétanos-poliomyélite). Le Haut Conseil de la santé publique, dans un avis daté du 13 mars 2013 et du 6 mars 2014, présentait les arguments et les freins pour la levée de l'obligation vaccinale.

Le jury des professionnels de santé de la concertation citoyenne et la moitié des membres du jury de citoyens sont en faveur d'une levée à court terme des obligations vaccinales, en conservant toutefois la possibilité d'un retour à l'obligation si nécessaire. Cette situation est celle des pays du nord de l'Europe et de la Grande-Bretagne, où l'adhésion à la vaccination est forte.

Le comité d'orientation recommande au contraire un élargissement temporaire de l'obligation vaccinale avec une clause de conscience appelée clause d'exemption par le comité, c'est-à-dire que les parents s'engageront par écrit à assumer leur refus de ne pas faire vacciner leur enfant. Cette clause de conscience était une demande de certaines associations (le représentant d'une association représentant les citoyens de santé a d'ailleurs fait part de sa satisfaction à ce sujet).

Pour cela, quatre conditions sont requises pour la mise en œuvre de cette mesure : la prise en charge à 100 % des vaccins par l'assurance maladie (et non 65 % comme c'est le cas aujourd'hui pour la plupart des vaccins), la gestion de l'indemnisation des effets indésirables, la disponibilité des vaccins concernés par l'obligation vaccinale et le déploiement de programmes d'intervention adaptés à chaque région et à chaque territoire de santé.

En conclusion , au-delà des échanges et des débats, la concertation citoyenne sur la vaccination a montré la forte implication des citoyens sur ce sujet. Restaurer la confiance dans la vaccination requiert certes des actions de communication et de formation, mais également des moyens logistiques et administratifs.

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