En métropole : pas de vaccin BCG avant l'âge d'un mois et pas d'IDR à la tuberculine avant l'âge de 6 ans

Publié le 9 mar. 2017 à 13h47

Biographie

- Professeur agrégé du Val-de-Grâce, professeur invité à l'Université de Bordeaux.

Liens d'intérêt

- Aucune perception de rémunération ou de tout autre avantage de l'industrie pharmaceutique.
- Aucun investissement financier dans une firme pharmaceutique.
- Aucune participation à des études cliniques de vaccins.
- Aucune rémunération ou avantages reçus de l'industrie pharmaceutique.
- Déclaration mise à jour le 12 avril 2023.

Le Haut Conseil de la santé publique a publié le 6 mars 2017 sur son site internet un nouvel avis et un rapport datés du 10 février 2017, concernant la vaccination contre la tuberculose par le vaccin BCG et plus précisément :

  • l'opportunité de décaler l'âge de la vaccination par le BCG dans le but de réduire le risque de BCGite généralisée chez des enfants porteurs d'un déficit immunitaire combiné sévère (DICS) non encore diagnostiqué ;
  • la pertinence de pratiquer une intradermoréaction à la tuberculine (IDR) préalablement à la vaccination.

1. Quelques rappels sur la tuberculose 

La tuberculose est une maladie infectieuse due à des bactéries appelées bacilles de Koch ou bacilles tuberculeux. La contamination est inter-humaine et se fait par voie aérienne. Il existe plusieurs formes de tuberculose : pulmonaire, ganglionnaire, méningée, osseuse, etc. La tuberculose pulmonaire est contagieuse. Les symptômes les plus fréquents en sont la toux, la fièvre, la fatigue, l'amaigrissement et le manque d'appétit. Quand un cas est diagnostiqué, une recherche d'autres cas dans l'entourage est mise en oeuvre. Le traitement repose sur une association d'antibiotiques antituberculeux pendant plusieurs mois. Les complications les plus graves chez le nourrisson sont la méningite tuberculeuse et la tuberculose miliaire.  

2. Le vaccin BCG

Le BCG (bacille de Calmette et Guérin, noms de ceux qui l'ont mis au point) est un vaccin vivant atténué contre la tuberculose. Ce vaccin ne tue pas les bacilles tuberculeux, il freine seulement leur diffusion dans l'organisme. Le BCG n'a donc pas d'action sur la transmission de la maladie (contrairement aux vaccins contre les méningocoques, les pneumocoques ou la rougeole, par exemple). Son intérêt est notamment lié à sa capacité de protéger les jeunes enfants contre les formes graves de la tuberculose (miliaire ou méningite).

Le vaccin BCG SSI était utilisé de manière exclusive en France depuis 2006. En rupture prolongée d'approvisionnement depuis novembre 2014, il a été remplacé par un vaccin importé de Pologne, le vaccin BCG Biomed Lublin.

Les contre-indications médicales temporaires à la vaccination BCG sont constituées par les dermatoses étendues en évolution et les contre-indications définitives par les déficits immunitaires congénitaux ou acquis, notamment dus à l'infection par le virus d'immunodéficience humaine (VIH).

Le vaccin BCG est injecté par voie strictement intradermique au niveau du deltoïde (épaule).

Pour les enfants exposés à un risque élevé de tuberculose, la vaccination par le BCG est recommandée dès la naissance. 

Dans certains cas, on réalise une IDR à la tuberculine avant la vaccination. Ce test a pour objectif de savoir si l'organisme a déjà été en contact avec une mycobactérie (vaccinale ou non). Il consiste à injecter des protéines issues d'une culture de bacilles tuberculeux dans le derme, au niveau de l'avant-bras : 72 heures après, le test est positif si la personne présente une induration cutanée d'un diamètre d'au moins 5 mm au site de l'injection. Ainsi, on admet qu'il n'est pas utile de vacciner un enfant qui possède une IDR à la tuberculine positive.

En France, avant la publication de cet avis, les nourrissons âgés de moins de 3 mois étaient vaccinés par le BCG sans test tuberculinique préalable car le risque qu'ils aient déjà été infectés est extrêmement faible. L'IDR à la tuberculine préalable à la vaccination devait être réalisée à partir de l'âge de 3 mois pour éviter de vacciner un enfant qui aurait déjà été infecté. La vaccination ne s'appliquait alors qu'aux enfants ayant une IDR à la tuberculine négative.

Concernant l'âge de la vaccination, le Haut Conseil de la santé publique précise que tous les pays qui ont maintenu une vaccination par le BCG recommandent de le faire dès la naissance. En France, les recommandations en vigueur ont fait suite à un avis du 9 mars 2007 du Conseil supérieur d'hygiène publique de France dans un contexte où la disparition du vaccin Haut Conseil de la santé publique Monovax® avait déstabilisé les médecins vaccinateurs réticents à l'utilisation du vaccin intradermique. La pratique de la vaccination à la maternité était censée favoriser sa pratique. La recommandation de vacciner à la naissance était donc essentiellement justifiée par des considérations logistiques. Chez les enfants à risque non vaccinés, la vaccination est toutefois recommandée jusqu'à l'âge de 15 ans.

3. Recommandations vaccinales contre la tuberculose : enfants à risque

La fréquence de la tuberculose a régressé au cours de ces dernières décennies dans les pays industrialisés. En France, l'obligation vaccinale des enfants et des adolescents vis-à-vis du BCG pour l'entrée en collectivité a été suspendue en 2007. Seuls les enfants à risque sont maintenant vaccinés. Il s'agit des enfants qui répondent à au moins l'un des critères suivants : 

  • nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse; 
  • dont au moins l'un des parents est originaire de l'un de ces pays; o devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un de ces pays ; 
  • ayant un antécédent familial de tuberculose; 
  • résidant en Île-de-France, en Guyane ou à Mayotte (en 2015, le taux d'incidence de la tuberculose était environ de 28 cas pour 100.000 personnes à Mayotte, où il progresse, 20 cas/100.000 en Guyane et 7 cas/100.000 en métropole) ;
  • dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux (enfant vivant dans des conditions de logement défavorables ou socioéconomiques défavorables ou précaires ou en contact régulier avec des adultes originaires d'un pays de forte endémie). 

Les zones géographiques où la tuberculose est fréquente sont les continents africain et asiatique (à l'exception du Japon, du Liban, de la Turquie, de l'Iran et de l'Arabie saoudite), les pays d'Amérique centrale et d'Amérique du sud (à l'exception du Costa Rica et de Cuba) et les pays d'Europe centrale et de l'est (à l'exception de la Hongrie et de l'Estonie).

Dans le contexte actuel de rupture d'approvisionnement de vaccin BCG, le HCSP a redéfini en mai 2015 les priorités en matière de populations à vacciner (avis du 18 avril 2016). Les ordres de priorité sont les suivants :

1er niveau 

  • Guyane et Mayotte : vaccination de tous les nouveau-nés avant la sortie de la maternité. 
  • Autres départements dont ceux de l'Île-de-France : vaccination des enfants âgés de moins de 5 ans ayant un facteur de risque de tuberculose identifié à l'exclusion de la seule résidence en Île-de-France. 

2ème niveau

  • Vaccination des enfants âgés de moins de 5 ans dont le seul facteur de risque est de résider en Île-de-France.

3ème niveau

  • France entière : vaccination de tous les enfants âgés de 5 ans à 15 ans révolus, sans antécédent de BCG, présentant un facteur de risque de tuberculose identifié et après test tuberculinique négatif. 

4. Première recommandation : révision de l'âge optimal de la vaccination par le BCG pour réduire le risque de BCGite généralisée

Cette révision fait suite aux observations suivantes :

  • La vaccination par le BCG en période néonatale expose à la survenue d'effets indésirables graves (bécégite généralisée) chez les enfants atteints de déficit immunitaire combiné sévère (DICS), affection rare mais habituellement non diagnostiquée à cet âge.
  • Le nombre de cas de tuberculose est très faible avant l'âge de trois mois.
  • En pratique, malgré les recommandations de vacciner les enfants par le BCG dès la naissance, le nombre d'enfants vaccinés en métropole durant le premier mois est faible et le nombre d'enfants vaccinés à la maternité marginal. Ce nombre augmente de manière très significative durant le deuxième mois.

L'idéal serait de ne vacciner que les nourrissons chez qui le diagnostic de DICS a été exclu. La possibilité de mise en place d'un dépistage est à l'étude. En attendant, vacciner après l'âge d'un mois réduit significativement le risque de présenter une BCGite généralisée et d'en mourir.

Au final, il est recommandé que la vaccination par le BCG des nourrissons à risque soit effectuée à partir de l'âge d'un mois et préférentiellement au cours du deuxième mois. Le vaccin BCG peut être co-administré avec tous les vaccins du nourrisson et de l'enfant. Il n'existe aucune nécessité de ménager un délai entre l'administration du BCG et celle de tout autre vaccin.

Cette recommandation sera revue si un dépistage néonatal systématique du DICS est mis en place chez les nouveau-nés.

La vaccination néonatale, préférentiellement avant la sortie de la maternité, reste recommandée dans les situations suivantes :

  • En Guyane et à Mayotte, pour des raisons épidémiologiques et surtout logistiques. 
  • Lorsqu'un membre de l'entourage familial du nouveau-né présente une tuberculose récente (moins de 5 ans).

5. Deuxième recommandation : abandon de la pratique de l'IDR à la tuberculine prévaccinale chez les enfants de moins de 6 ans

La Haut Conseil de la santé publique a pris en compte les éléments suivants :

  • la pratique de l'IDR à la tuberculine impose au moins une visite médicale supplémentaire ;
  • l'injection intradermique est douloureuse pour l'enfant ;
  • les critères d'interprétation du test (mesure de l'induration) ne sont pas toujours compris par les professionnels de santé ;
  • l'apport du test tuberculinique prévaccinal chez l'enfant n'est pas établi, notamment avant l'âge de 6 ans où il semble exceptionnellement positif en Europe de l'Ouest. 

En conséquence, le Haut Conseil de la santé publique recommande que l'IDR à la tuberculine prévaccinale ne soit plus pratiquée chez les enfants de moins de 6 ans, sauf s'ils ont résidé ou effectué un ou des séjours de plus d'un mois dans un pays de haute incidence de la tuberculose.

Ces nouvelles recommandations ont bien été intégrées dans le système expert de MesVaccins.net (audit vaccinal et carnet de vaccination électronique).

Source : Haut Conseil de la santé publique.