Un nouvel avis confirme la recommandation de suppression de l’obligation de vaccination par le BCG des professionnels

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Un nouvel avis "relatif à l''obligation de vaccination par le BCG des professionnels listés aux articles L.3112-1, R.3112-1 C et R.3112-2 du Code de la santé publique", daté du 10 mars 2017, a été publié sur le site du Haut Conseil de la santé publique le 18 mai 2017 (1).

Un avis sur ce sujet avait pourtant déjà été rendu (avis du 5 mars 2010). Cependant, sept ans plus tard, les données épidémiologiques ont évolué, justifiant une actualisation de l'avis des experts.

L'actualisation des données concerne d'une part l'évolution de l'épidémiologie de la tuberculose en France, dans la population générale et chez les professionnels de santé, et d'autre part l'efficacité vaccinale et la sécurité vaccinale du BCG.

1. Quelques rappels sur la tuberculose et la vaccination.

La tuberculose est une maladie infectieuse due à des bactéries appelées bacilles de Koch ou mycobactéries tuberculeuses (nom d'espèce :Mycobacterium tuberculosis).

La maladie atteint souvent les poumons (tuberculose pulmonaire) car la bactérie a besoin d'oxygène pour se multiplier. Mais d'autres organes peuvent être atteints :le rein, le cerveau, les os ou les ganglions.

Seule la tuberculose pulmonaire est contagieuse. Le bacille de Koch (BK) se transmet en effet de personne à personne par les aérosols contaminés rejetés lors de la toux ou des éternuements.

La tuberculose évolue en plusieurs étapes. La primo-infection tuberculeuse correspond au premier contact avec le bacille de Koch et survient après une période d'incubation d'un à trois mois. Si elle passe généralement inaperçue, elle peut entrainer une fièvre modérée (38 °C) ou de la fatigue. Dans 90 % des cas, la bactérie reste ensuite au repos dans l'organisme : c'est l'infection tuberculose latente. La personne atteinte ne présente alors aucun symptôme et n'est pas contagieuse. Après quelques mois ou quelques années (le plus souvent dans les deux ans après le premier contact), la bactérie peut se multiplier dans certains organes du corps humain, entraînant une "tuberculose maladie". Les complications les plus graves en sont la méningite tuberculeuse et la tuberculose miliaire (celle-ci est due à une dissémination importante du bacille tuberculeux).

Le traitement repose sur une association d'antibiotiques antituberculeux pendant plusieurs mois. Certains bacilles de Koch sont résistants à plusieurs antibiotiques : les tuberculoses qu'ils entraînent peuvent être difficiles à traiter.

La prévention de la tuberculose repose avant tout sur l'identification rapide des cas de tuberculose maladie et le traitement de ces cas : une personne guérie ne risque plus de contaminer d'autres personnes. Quand un cas de tuberculose est diagnostiqué, une recherche d'autres cas dans l'entourage est réalisée afin de les traiter à leur tour et d'interrompre ainsi la chaîne de transmission.

La vaccination par le BCG (bacille de Calmette et Guérin) n'est efficace que si elle est réalisée avant l'infection par un bacille tuberculeux. Contrairement à la plupart des autres vaccinations, elle n'empêche pas la transmission de l'agent infectieux de personne à personne. Par contre, la vaccination par le BCG diminue le risque individuel de survenue d'une tuberculose maladie et protège les jeunes enfants contre les formes graves de tuberculose.

L'intradermoréaction à la tuberculine est un test qui consiste à injecter dans le derme (habituellement au niveau de l'avant-bras) des protéines antigéniques issues d'une culture de bacilles tuberculeux. Le test est positif si une induration d'un diamètre supérieur ou égal à 5 mm est observé trois jours plus tard. Cette induration est en effet causée par un afflux de cellules de l'immunité, qui traduit lui-même l'existence d'une infection antérieure par un bacille tuberculeux. Ainsi, un test cutané à la tuberculine positif peut témoigner d'une infection tuberculeuse ou d'une vaccination par le BCG.

2. Epidemiologie de la tuberculose.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé pour l'année 2015 à 10,4 millions le nombre de nouveaux cas de tuberculose, soit 142 cas pour 100 000 habitants. L'OMS estime que l'incidence de la tuberculose a baissé en moyenne d'environ 1,4 % par an depuis l'an 2000. L'Asie et l'Afrique sont les continents les plus atteints.

Le nombre de nouveaux cas déclarés en France était de 5 187 cas en 2010, 4 991 cas en 2011, 4 975 cas en 2012, 4 934 cas en 2013, 4 827 en 2014 et 4741 cas en 2015. Mais la répartition de la maladie est inégale : elle est plus fréquente en Île-de-France, à Mayotte et surtout en Guyane. Les enfants et les adultes vivant dans ces départements sont donc exposés à un risque plus élevé de tuberculose.

Les rédacteurs de l'avis constatent que le taux d'incidence annuel (nombre de nouveau cas par an pour 100.000 habitants) de la tuberculose dans la population générale est en baisse constante depuis 30 ans. Elle était en 2015 de 7,1 pour 100 000, et 5,2 pour 100 000 pour les formes pulmonaires. Un petit bémol est toutefois apporté à cette bonne nouvelle, à savoir l'augmentation du nombre de cas de tuberculoses dont le traitement peut être compromis par la résistance des bacilles tuberculeux à plusieurs antibiotiques.

De plus, ces chiffres globaux cachent de fortes disparités. Ainsi, selon Santé publique France, le taux d'incidence atteignait en 2015 202 cas pour 100 000 chez les immigrants arrivés en France depuis moins de 2 ans et 167 cas pour 100.000 chez les personnes sans domicile fixe.

Les soignants sont certes plus à risque de contracter une tuberculose que la population générale, mais la réduction de l'incidence de la tuberculose dans la population générale et l'amélioration des mesures de prévention de la transmission semblent porter leurs fruits et expliquent probablement la faible incidence de la tuberculose chez les soignants en France, selon des sources concordantes. Une étude récente menée auprès des médecins du travail de centres hospitaliers a mis en évidence des taux d'incidence de la tuberculose plus bas que dans la population générale : 6 cas pour 100 000 chez les infirmiers et 5,3 cas pour 100 000 chez les aides-soignants (2).

Chez les personnels de la petite enfance, l'incidence de la tuberculose semble stable, aux alentours de 80 nouveaux cas par an.

Les dernières données épidémiologiques sontdisponibles ici.

3. Efficacité vaccinale du BCG.

Selon les études, les résultats de la mesure de l'efficacité vaccinale du BCG sont variables. Cette variabilité est probablement liée en grande partie à la prévalence de l'infection tuberculeuse dans la population étudiée, le vaccin n'étant efficace qu'en l'absence d'infection préalable par un bacille tuberculeux (NDLR). Le BCG est ainsi probablement plus efficace chez les adultes des pays industrialisés, où le risque d'infection tuberculeuse est plus faible.

Le nouvel avis résume ainsi les données de protection publiées :

  • sur sept études chez l'adolescent et l'adulte, quatre montrent une protection allant de 0 à 30 % et trois montrent une protection supérieure à 60 % ;
  • les quelques études menées spécifiquement chez des professionnels de santé très exposés et préalablement tuberculino-négatifs (indiquant l'absence probable de contact antérieur avec un bacille tuberculeux) sont en faveur d'une efficacité plus élevée, d'au moins 65 %, mais leur qualité méthodologique est très discutable.

Des travaux de modélisation ont par ailleurs montré que la vaccination par le BCG est une stratégie plus efficace que le suivi tuberculinique pour détecter et prendre en charge l'infection tuberculeuse avant que celle ci ne conduise à la maladie.

4. Autres éléments pris en compte.

Le nouvel avis prend également en compte un autre avis récent, relatif aux obligations vaccinales des professionnels de santé (avis daté des 27 septembre et 7 octobre 2016), qui proposait le respect des quatre conditions suivantes comme préalable à une obligation vaccinale dans un cadre professionnel :

  1. prévention d'une maladie grave ;
  2. risque élevé d'exposition pour le professionnel de santé ;
  3. risque élevé de transmission soignant-soigné ;
  4. existence d'un vaccin efficace et bien toléré, dont la balance bénéfices-risques est largement en faveur du vaccin.

La vaccination par le BCG a l'inconvénient de rendre positive l'IDR à la tuberculine (voir les rappels ci-dessus). Un nouveau test (détection de la production d'interféron gamma) permet théoriquement de différencier l'infection tuberculeuse d'une vaccination par le BCG, mais son interprétation est parfois délicate.

En Europe, la vaccination par le BCG est recommandée chez l'adulte dans seulement 7 pays pour certains groupes à risque, parmi lesquels les professionnels de santé en France et à Malte. Cette disparité n'est pas explicable par des différences entre pays sur l'efficacité des vaccins, leurs effets indésirables ou le niveau d'exposition des soignants.

Enfin, il existe d'autres moyens de prévention de la tuberculose que la vaccination : isolement et traitement précoce des cas de tuberculose, ventilation des locaux, mesures barrières adaptées au risque de transmission aérienne (notamment le port d'un masque respiratoire de protection adapté, masque de soins pour le patient ou masque de protection spécifique pour le soignant).

5. Nouvelle formulation, par rapport à l'avis de 2010, des recommandations relatives à l'obligation professionnelle de vaccination contre la tuberculose.

Les nouvelles recommandations du Haut Conseil de la santé publique sont les suivantes.

5.1. La levée de l'obligation de vaccination par le BCG pour les étudiants des carrières sanitaires et sociales et les professionnels

, visés par les articles R.3112-1 C et R.3112-2 du code de la santé publique.

5.2. Le renforcement de la prévention primaire et secondaire

par :

  • Le strict respect des mesures barrières, quel que soit le statut vaccinal.
  • L'amélioration du dépistage et du suivi médical en cas de contact avec un cas contagieux, ce qui nécessite de disposer pour ces professionnels d'un test immunologique de référence(intradermoréaction à la tuberculine ou test de détection de la production d'interféron gamma) et une bonne compliance aux mesures proposées.
  • La réduction des retards à l'isolement, par l'analyse systématique de ces événements et de leurs déterminants.

5.3. Que le médecin du travail puisse proposer, au cas par cas, une vaccination par le BCG en fonction de l'évaluation du risque

, pour les professionnels du secteur sanitaire et social non vaccinés antérieurement, ayant un test immunologique de référence négatif et susceptibles d'être très exposés, notamment :

  • Les personnels en contact répété avec des patients tuberculeux contagieux et tout particulièrement ceux à risque de tuberculose multirésistante ;
  • Les personnels de laboratoire travaillant sur les mycobactéries (cultures, modèles animaux ...).

5.4. Qu'un guide soit élaboré pour aider les médecins du travail à évaluer le risque de contamination.

Au total, les nouvelles recommandations du Haut Conseil de la santé publique sont globalement en accord avec celles de l'avis publié en 2010 : levée de l'obligation vaccinale par le BCG des professionnels de santé, importance et renforcement des mesures de surveillance et d'hygiène pour la prévention de la tuberculose. Elles incluent en outre la mise à disposition des médecins du travail d'un guide d'évaluation du risque de contamination des professionnels. Cependant, tant que les articles sus-mentionnés n'ont pas été modifiés, l'obligation vaccinale légale reste en vigueur.

6. Références.

  1. Avis relatif à l'obligation de vaccination par le BCG des professionnels listés aux articles L.3112-1, R.3112-1 C et R.3112-2 du Code de la santé publique.
  2. Gehanno JF, Abiteboul D, Rollin L. Incidence of tuberculosis among nurses and healthcareassistants in France. Occup Med 2017;67(1):58-60.