Nouvelles recommandations de l'OMS : la vaccination antirabique pré-exposition simplifiée

Publié le 30 avr. 2018 à 11h44

Biographie

- Médecin responsable du centre de vaccinations internationales et du centre antirabique de Strasbourg.
- Médecin spécialisé en vaccinologie, en médecine des voyages et en léprologie. Formateur en vaccinologie et médecine des voyages pour la SMV.
- Membre de la Société de Médecine des Voyages (2006) et secrétaire général de la SMV (2015).

Liens d'intérêt

- Participation à divers EPU organisés par des associations de Médecins, Pharmaciens et/ou l’industrie pharmaceutique ; rémunération à la prestation. Activité uniquement pédagogique, en toute liberté avec garanties d'indépendance, impartialité et déontologie.
- Aucun investissement financier personnel ou familial dans une firme pharmaceutique.
- Aucune participation à des études cliniques de vaccins.
- Déclaration mise à jour le 14 novembre 2016.

Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Groupe stratégique consultatif d'experts (SAGE) s'est réuni du 17 au 19 octobre 2017. Les recommandations du SAGE ont été intégrées dans une note de synthèse de l'OMS publiée dans le Relevé épidémiologique hebdomadaire du 20 avril 2018. Cette note de synthèse, qui exprime la position de l'OMS, est complétée par une présentation des points clefs et un résumé.

La rage, documentée depuis plus de 4 000 ans, est une maladie zoonotique virale évitable par la vaccination, dont on estime qu'elle provoque 59.000 décès chaque année dans le monde. On estime qu'elle fait perdre chaque année plus de 3,7 millions d'années de vie ajustées sur l'incapacité (DALY). La plupart des cas interviennent en Afrique et surtout en Asie. Près de 50 % d'entre eux concernent des enfants. La morsure par un chien enragé est à l'origine de plus de 99 % des cas humains de rage.

A. La prévention de cette maladie fait appel à deux stratégies principales

  • la vaccination des chiens pour interrompre la transmission du virus aux hommes et
  • la vaccination des humains, soit sous forme de prophylaxie pré-exposition (PrEP), utilisant le vaccin seulement, ou de prophylaxie post-exposition (PEP), utilisant le vaccin seul ou en association avec des immunoglobulines antirabiques (IGR), selon la nature de l'exposition. La prophylaxie pré-exposition rend inutile l'administration d'immunoglobulines antirabiques après exposition à un animal (morsure, griffure, léchage).

B. La prophylaxie vaccinale

  • Les vaccins antirabiques inactivés actuels (préparés sur cultures cellulaires ou sur œufs embryonnés) sont très bien tolérés et ne présentent aucune contre-indication.
  • La réponse immunitaire et l'efficacité clinique obtenues avec les schémas vaccinaux établis sont voisines de 100 %, lorsque ces schémas sont administrés de manière appropriée.
  • Même si les titres d'anticorps peuvent diminuer jusqu'à devenir parfois non mesurables après la vaccination, une dose de rappel, qui n'est administrée habituellement qu'en réponse à une exposition présumée à la rage, entraîne un rappel rapide de la réponse immunitaire. Ce rappel intervient même si aucun titre d'anticorps n'est mesurable ou si une période prolongée s'est écoulée depuis la dose vaccinale précédente.

C. Difficultés de la mise en œuvre de la prophylaxie vaccinale

  • Les obstacles à la mise en œuvre d'une prophylaxie post-exposition sont notamment la longueur et la complication des schémas vaccinaux pour réaliser cette prophylaxie, ainsi que le coût élevé, la faible demande, la disponibilité et l'approvisionnement incertains, la qualité variable et la courte durée de conservation des immunoglobulines antirabiques.
  • Les recommandations actuelles de l'Organisation mondiale de la santé pour la prophylaxie pré-exposition et la prophylaxie post-exposition se sont révélées difficiles à mettre en œuvre. Environ 1 % seulement des personnes qui en auraient besoin reçoivent des immunoglobulines antirabiques dans les pays d'endémie de la rage.
  • Même si la vaccination des chiens est la pierre angulaire de la stratégie pour réaliser l'objectif mondial "Zéro décès humain dû à la rage transmise par les chiens d'ici 2030", la vaccination des humains reste indispensable pour sauver des vies.
  • Le Groupe stratégique consultatif d'experts a réexaminé les expériences programmatiques et les éléments devenus disponibles depuis la parution en 2010 du document Vaccins antirabiques, et proposé des révisions des recommandations relatives à l'administration de la prophylaxie pré-exposition, de la prophylaxie post-exposition et des immunoglobulines antirabiques.
  • Le Groupe stratégique consultatif d'experts a publié des recommandations s'efforçant de viser davantage la santé publique et les économies de coûts, de doses et de temps, tout en garantissant la sécurité et en préservant l'efficacité. L'utilisation de doses vaccinales fractionnées, administrées par voie intradermique, permet de réduire les coûts et reste sûre et efficace dans les contextes où ce mode d'administration permet une meilleure utilisation des flacons de vaccin (présentation galénique sous forme intradermique non disponible en France). Des calendriers raccourcis ont été proposés pour la prophylaxie post-exposition et pour la prophylaxie pré-exposition.

D. Indications de la prophylaxie pré-exposition

La prophylaxie pré-exposition est indiquée pour :

  • les professionnels exposés au risque de rage ;
  • les voyageurs en pays endémique pour la rage ou en zone reculée, en cas d'activités à risque de contact avec des animaux (en particuliers des carnivores ou des chauves-souris) ou de séjour de longue durée ;
  • les populations vivant au long cours en zone d'endémie.

1. Schémas accélérés de prophylaxie pré-exposition pour les personnes non immunodéprimées, quel que soit l'âge.

C'est la principale nouveauté de cette position de l'OMS : au lieu de trois doses de vaccin en trois séances de vaccination à J0, J7, et J21 ou J28, il est possible de réaliser cette prophylaxie en deux séances seulement, avec un nombre d'injections différent selon qu'on utilise la voie intradermique ou intramusculaire.

  • un schéma intradermique en deux sites (0,1 ml par site) délivré à J0 et J7, ou
  • un schéma intramusculaire en un site (1 flacon) délivré à J0 et J7.

2. Schémas de prophylaxie pré-exposition pour les personnes immunodéprimées.

  • un schéma intradermique en deux sites (0,1 ml par site) délivré à J0, J7 et J21-28, ou
  • un schéma intradermique en deux sites (0,1 ml par site) délivré à J0 et J7 et contrôle sérologique à J14, ou
  • un schéma intramusculaire en un site (1 flacon) délivré à J0, J7 et J21-28 ou
  • un schéma intramusculaire en un site (1 flacon) délivré à J0 et J7 et contrôle sérologique à J14.

E. Schémas de prophylaxie post-exposition (aucune contre-indication)

La prophylaxie post-exposition injectée par voie intradermique permet des économies de coûts et de doses, même dans les dispensaires où le flux de patients est faible. Trois schémas de prophylaxie post-exposition se sont révélés efficaces et sont recommandés en fonction des besoins du service de santé et des patients :

  • schéma IPC en injection intradermique en deux sites (0,1 ml par site) à J0, J3 et J7 ou
  • schéma Essen en injection intramusculaire en un site (1 flacon) à J0, J3, J7 et J14-28, sans restriction pour l'ensemble des populations, ou
  • schéma Zagreb en injection intramusculaire (en deux sites) à J0 puis (en un site) à J7 et J21.

1. Schémas de prophylaxie post-exposition pour les patients immunocompétents exposés, ayant eu antérieurement une prophylaxie pré-exposition ou une prophylaxie post-exposition.

  • schéma vaccinal en injection intradermique (en un site) à J0 et J3 ou
  • schéma vaccinal en injection intramusculaire (en un site) à J0 et J3.

2. Schémas de prophylaxie post-exposition pour les patients immunodéprimés avérés, exposés, non vaccinés en prophylaxie pré-exposition ou ayant eu antérieurement une prophylaxie pré-exposition ou une prophylaxie post-exposition.

  • schéma vaccinal prophylaxie post-exposition complet (cf ci-dessus) ± immunoglobuline antirabique si besoin.

F. Remarques

  • En cas d'expositions répétées de moins de 3 mois après une précédente exposition et si l'individu a déjà reçu une prophylaxie post-exposition complète, seul un traitement des plaies est requis ; le vaccin et l'immunoglobuline antirabique ne sont pas nécessaires.
  • En cas d'expositions répétées au-delà de 3 mois après la dernière prophylaxie post-exposition, il faut suivre le schéma de prophylaxie post-exposition prévu pour les personnes déjà immunisées ; les immunoglobulines antirabiques ne sont pas indiquées.
  • Il n'y a aucune contre-indication à l'utilisation de la prophylaxie pré-exposition et de la prophylaxie post-exposition, y compris pour les enfants, les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées et celles recevant de la chloroquine ou de l'hydroxychloroquine.
  • De nouveaux éléments provenant du Cambodge et de Tanzanie montrent que, moyennant un lavage soigneux de la plaie et une administration rapide du vaccin, 99 % des victimes de morsures de catégorie 3 survivent.
  • Des essais et l'expérience programmatique indiquent que l'infiltration d'immunoglobulines antirabiques à l'intérieur et autour de la plaie neutralise le virus de la rage en l'espace de quelques heures, tandis que l'administration distante, par voie intramusculaire, de ces immunoglobulines est d'un intérêt limité. Ces procédures permettent d'économiser des doses d'immunoglobulines antirabiques en calculant la dose maximale d'après le poids corporel et en n'injectant que le volume nécessaire pour infiltrer la ou les plaies.
  • Les immunoglobulines antirabiques équines (IGRe) sont cliniquement équivalentes aux immunoglobulines antirabiques humaines (IGRh) et la pratique d'un test cutané avant leur administration n'est pas utile et ne devrait pas être poursuivie.

G. Conclusion

La position et les recommandations de l'OMS seront analysées par les autorités sanitaires françaises. Pour l'instant, elles ne sont pas intégrées dans les recommandations vaccinales nationales. On peut également noter que seule la voie intramusculaire est autorisée pour les vaccins antirabiques utilisés en France (RABIPUR et VACCIN RABIQUE PASTEUR).

Source : Organisation mondiale de la santé.