Nouvelles recommandations vaccinales contre la dengue à Mayotte, dans les Antilles françaises et en Guyane

Publié le 23 avr. 2019 à 09h24

Biographie

- Professeur agrégé du Val-de-Grâce, professeur invité à l'Université de Bordeaux.

Liens d'intérêt

- Aucune perception de rémunération ou de tout autre avantage de l'industrie pharmaceutique.
- Aucun investissement financier dans une firme pharmaceutique.
- Aucune participation à des études cliniques de vaccins.
- Aucune rémunération ou avantages reçus de l'industrie pharmaceutique.
- Déclaration mise à jour le 12 avril 2023.

Au mois de janvier 2019, la Haute Autorité de santé (HAS) recommandait de ne pas vacciner contre la dengue les personnes résidant ou devant se rendre à La Réunion.

Dans un avis mis en ligne le 26 mars, la HAS complète ses recommandations vaccinales contre la dengue pour d'autres territoires français d'outre-mer : Océan indien (Mayotte) et Amérique (Guadeloupe, Martinique et Guyane).

1. Rappels sur la dengue.

La dengue est une maladie causée par un virus dont il existe quatre sérotypes. C'est la deuxième cause de fièvre au retour d'une zone tropicale après le paludisme. Le virus de la dengue est transmis lors de la piqûre d'un moustique du gente Aedes ("moustique tigre"). La dengue sévit sous les tropiques (en particulier dans les départements français d'Amérique et de l'Océan indien) et a tendance à s'étendre aux zones semi-tropicales. En France métropolitaine, la colonisation d'un nombre croissant de départements de mai à octobre par les moustiques du genre Aedes a déjà entrainé la survenue de cas autochtones. 

2. Le vaccin contre la dengue Dengvaxia.

Le vaccin Dengvaxia a reçu en décembre 2018 une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne dans l'indication « prévention de la dengue due aux sérotypes 1, 2, 3 et 4 du virus de la dengue chez les sujets âgés de 9 à 45 ans ayant un antécédent d'infection par le virus de la dengue et vivant dans des zones d'endémie ».

Les données d'immunogénicité (production d'anticorps neutralisant le virus de la dengue), d'efficacité et de tolérance du vaccin Dengvaxia démontrent l'immunogénicité et l'efficacité adéquates de ce vaccin pour la prévention de l'infection par le virus de la dengue, et une réduction des cas hospitalisés et des cas sévères chez les enfants de 9 à 16 ans ayant déjà eu un contact avec la dengue

Une difficulté observée avec ce vaccin est qu'il induit à terme une augmentation du risque d'hospitalisation et de dengue sévère (dengue hémorragique) chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue (séronégatifs), en particulier chez les jeunes enfants. Cette observation, qui ne remet pas en cause l'intérêt du vaccin chez les personnes ayant déjà été infectées, a été à l'origine d'une polémique aux Philippines. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié en septembre 2018 de nouvelles recommandations sur le vaccin contre la dengue. Elle considère que les pays ne devront envisager l'introduction du vaccin Dengvaxia que s'ils sont en mesure de minimiser les risques parmi les individus séronégatifs. A cet effet elle recommande en priorité une stratégie de dépistage pré-vaccinal afin de ne vacciner que les personnes de plus de 9 ans et présentant des preuves d'une infection antérieure par le virus de la dengue (sur la base d'un test de détection des anticorps ou de l'expérience attestée d'une infection antérieure par la dengue, confirmée en laboratoire). Si cette stratégie n'est pas praticable, l'OMS considère qu'on pourra envisager la vaccination sans dépistage préalable du statut sérologique dans les zones où la présence d'un taux de séroprévalence de la dengue chez les enfants de 9 ans et plus est d'au moins 80 % (en d'autres termes, dans les zones ou au moins 80 % des enfants à vacciner ont déjà contracté la dengue).

3. Recommandations vaccinales contre la dengue.

3.1. Recommandations pour Mayotte.

Tout comme La Réunion, Mayotte n'est pas actuellement une zone d'endémie élevée de dengue, et logiquement la vaccination contre la dengue n'est pas recommandée aux personnes qui y vivent. 

3.2. Recommandations pour les territoires français d'Amérique.

Les recommandations sont en revanche légèrement différentes pour les territoires français d'Amérique : Antilles (Guadeloupe et Martinique) et Guyane.

Ces territoires sont actuellement des zones d'endémie élevée de dengue. Cependant, nous avons vu ci-dessus qu'il fallait s'assurer de ne vacciner que les personnes ayant déjà été infectées par le virus de la dengue. Or les incertitudes sur la performance des tests de sérodiagnostic disponibles dans un contexte de diagnostic rétrospectif de l'infection par le virus de la dengue ne permettent pas d'envisager la mise oeuvre d'une stratégie de dépistage pré-vaccinal efficace pour remplir cette condition.

C'est pourquoi la Haute Autorité de santé estime que la vaccination contre la dengue par Dengvaxia ne peut être proposée qu'aux personnes vivant dans les territoires français d'Amérique et apportant la preuve documentée d'une infection antérieure par le virus de la dengue confirmée virologiquement.

3.3. Voyageurs. 

Il n'y a pas de données sur la tolérance, l'immunogénicité ou l'efficacité permettant d'envisager la vaccination de voyageurs vivant dans des zones non endémiques et qui se rendent dans des zones d'endémie. La vaccination de ces personnes, dont la probabilité d'infection préalable est faible, n'est donc pas recommandée.

3.4. Patients à risque.

Des données de faible niveau de preuve suggèrent une augmentation du risque de dengue grave en cas de drépanocytose (notamment pour les formes graves de drépanocytose de type SS et SC) d'une part et de diabète d'autre part. Mais aucune donnée d'efficacité ou de tolérance vaccinale n'est disponible dans ces populations.

Au total, les données actuelles ne sont pas suffisamment solides pour envisager une stratégie vaccinale spécifique en direction des personnes atteintes de drépanocytose ou de diabète.

4. Conclusion.

La Haute Autorité de santé annonce que ces recommandations pourront être révisées d'une part en cas de modification de l'épidémiologie de la dengue dans les territoires concernés et d'autre part en cas de mise à disposition d'un test diagnostique performant permettant de réaliser le diagnostic rétrospectif de l'infection par le virus de la dengue (ce test devra être validé dans le cadre d'une évaluation indépendante).

Elle recommande également la réalisation d'une étude de séroprévalence chez les enfants âgés de 9 à 18 ans résidant aux Antilles.

Le système intelligent pour la vaccination a pris en compte ce dernier avis de la Haute Autorité de santé.

Source : Haute Autorité de santé.