Covid 19 : réflexion de la Haute Autorité de santé sur la place de la vaccination des 12-15 ans

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Les formes graves de covid 19 se produisent surtout chez les adultes les plus âgés et chez ceux qui sont atteints de comorbidités. Chez les individus de moins de 18 ans, l'infection est la plupart du temps asymptomatique ou n'entraine que des signes modérés. Cependant, des formes sévères sont possibles, particulièrement en cas de facteur de risque associé, comme une obésité, et les sujets jeunes peuvent être des vecteurs d'infection pour les adultes au contact desquels ils peuvent se trouver. D'autre part, d'après plusieurs modèles, la fin de l'épidémie "que les mesures individuelles (gestes barrière) et collectives (couvre-feu, confinement) sont incapables de contrôler dans la durée" nécessite une couverture vaccinale estimée à 90 % de la population adulte et 80 % de la population totale, incluant les enfants et adolescents (1, 2). Ces chiffres sont fondés notamment sur la contagiosité du variant anglais (ou "alpha" dans la nouvelle nomenclature de l'Organisation mondiale de la santé), mais on vient d'apprendre que celle du variant indien ("delta") serait 40 % plus élevée (3). Le niveau de couverture à atteindre pour interrompre la transmission serait alors supérieur.

Dès lors, la vaccination des sujets jeunes doit être envisagée ; outre le bénéfice pour la collectivité dans son ensemble, elle pourrait avoir pour effet direct de protéger les individus susceptibles de faire des formes graves de covid 19, de faciliter le rétablissement des liens sociaux pour la tranche d'âge visée et d'éviter les fermetures d'établissements d'enseignement. Alors que les populations prioritaires ont accès à la vaccination depuis fin décembre 2020, que la vaccination est ouverte à toutes les personnes majeures sans comorbidités depuis le 31 mai 2021 et qu'elle doit prochainement être étendue aux 16-17 ans, et bien que les objectifs de couverture ne soient atteints dans aucune des catégories de personnes visées, la Haute autorité de santé (HAS) vient de faire part de sa réflexion sur la vaccination des adolescents de 12 à 15 ans (4).

Pour envisager la vaccination, la HAS avance plusieurs arguments.

Il est tout d'abord rappelé que si la mise à disposition progressive de doses de vaccins a été déterminante dans les choix stratégiques opérés au moment du lancement de la vaccination fin 2020, cet approvisionnement ne semble plus limitant à présent. D'autres critères sont à prendre en considération :

  • disponibilité d'un vaccin disposant d'une autorisation pour la population visée,
  • bénéfice attendu de la vaccination dans cette population,
  • bénéfice pour la collectivité,
  • effets indésirables éventuels,
  • acceptabilité,
  • aspects logistiques et organisationnels.

La réflexion ne concerne pour l'instant que le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech, qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle en Europe le 21 décembre 2020 "pour l’immunisation active pour la prévention de la covid 19 causée par le virus SARS-CoV-2, chez les personnes âgées de 16 ans et plus". L'indication du vaccin a été étendue aux adolescents de 12 à 15 ans le 28 mai 2021. Dans le cadre d'une possible extension de l'AMM à cette tranche d'âge, la HAS a passé en revue les données épidémiologiques et cliniques et celles d'efficacité et de tolérance vaccinales.

Les bénéfices attendus de la vaccination des personnes de moins de 18 ans sont variés. En France, depuis mars 2020, 4 295 mineurs ont été hospitalisés pour covid 19, dont 737 en soins critiques. Dans 45 à 75% des cas, les formes les plus sévères étaient constatées chez des adolescents présentant des comorbidités. Ceux-ci pourraient donc bénéficier d'une vaccination en priorité, en l'absence de données sur les conséquences possibles de la diffusion de variants viraux chez les sujets les plus jeunes.

La protection de personnes immunodéprimées ou vulnérables au contact desquelles les adolescents sont susceptibles de se trouver peut également constituer un motif de vaccination (stratégie de cocooning).

L'accès au vaccin pour tous les jeunes de 12 à 17 ans révolus faciliterait la reprise des interactions sociales et de la scolarité, deux facteurs essentiels pour la santé mentale de cette population. Il contribuerait également à réduire la circulation du SARS-CoV-2 en population générale, rendant possible l'abandon des mesures de protection complémentaires (port du masque, distanciation, limitations d'accès).

Les données produites lors des essais du vaccin Comirnaty chez les personnes de moins de 18 ans sont encore incomplètes mais rassurantes. Il n'a pas été possible d'évaluer l'efficacité du vaccin sur l'infection asymptomatique ou sur la transmission du virus, ni sur les formes graves de covid 19, trop rares dans cette tranche d'âge. Cependant, le vaccin administré en 2 doses de 30 µg espacées de 21 jours induit une forte réponse humorale 1 mois après la 2ème injection chez les sujets de 12 à 15 ans, qu'ils aient été ou non précédemment infectés par le SARS-CoV-2. La réponse immunitaire chez les adolescents sans antécédents de covid n'est pas inférieure à celle obtenue chez les sujets de 16 à 25 ans. Sept jours après la fin de la vaccination, l'efficacité contre les formes d'infection symptomatiques, confirmés par PCR, a été évaluée à 100 %.

La tolérance a été étudiée chez 2 260 adolescents de 12 à 15 ans suivis pendant 2 mois. Les effets indésirables observés ont été les effets habituels pour un vaccin, toujours d'intensité légère à modérée. Des cas de myocardite, survenus en France chez des adultes vaccinés avec Comirnaty (fréquence de 2,3 sur 1 million pour les 16-49 ans et de 0,6 pour les 50 ans et plus), plus souvent chez des hommes et après la 2ème dose de vaccin, ne remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque très favorable du vaccin mais font l'objet d'une surveillance nationale et internationale qui se poursuit.

Partant de cette analyse, " la HAS estime que le vaccin Comirnaty peut être utilisé à partir de l'âge de 12 ans, comme le prévoit son AMM conditionnelle, conformément à la stratégie de vaccination recommandée précédemment :

  • en priorité chez les adolescents présentant une comorbidité ou chez les adolescents appartenant à l’entourage d’une personne immunodéprimée ou vulnérable ;
  • chez les adolescents sans comorbidité, dès lors que la campagne de vaccination de la population adulte sera considérée comme suffisamment avancée."

La Haute autorité recommande de vacciner par tout moyen, et en particulier en milieu scolaire. Elle déplore cependant que l'AMM n'englobe pas les enfants dès l'âge d'entrée au collège, que l'efficacité du vaccin ne soit pas encore totalement établie dans la population visée, en particulier contre les différents variants viraux, et qu'on ne dispose pas encore d'étude d'acceptabilité chez les adolescents et leurs parents. Elle encourage donc la poursuite des essais et de la surveillance dont le vaccin fait l'objet.

  1. "Obligation" n'est pas un gros mot lorsqu'il s'agit de vacciner contre la Covid-19. Communiqué de l'Académie nationale de médecine, 25 mai 2021.
  2. Kiem CT, Massonnaud C, Levy-Bruhl D, Poletto C, Colizza V, Bosetti P, et al. Short and medium-term challenges for COVID-19 vaccination: from prioritisation to the relaxation of measures [Internet]. 2021 [cited 2021 Jun 6].
  3. Delta variant is around 40% more transmissible - Hancock [Internet]. BBC News. [cited 2021 Jun 6].
  4. Stratégie de vaccination contre la Covid-19. Place du vaccin à ARNm Comirnaty chez les 12-15 ans. Synthèse de la HAS, 2 juin 2021.

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