Situation de la fièvre jaune dans le monde et conséquences pour les voyageurs
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié en octobre 2021 un bilan concernant la fièvre jaune (FJ) dans le monde en 2020, une année marquée par des flambées épidémiques dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest et par une transmission étendue dans d’autres zones d’Afrique et dans les Amériques. Cette nouvelle a pour objectif de décrire cette situation épidémiologique en prenant en compte les données supplémentaires recueillis en 2021 pour l'Afrique et les Amériques, et d’en tirer les conséquences pour ce qui concerne les recommandations à fournir aux voyageurs.
1. Bilan de la fièvre jaune
1.1. Afrique
Le nombre de pays ayant signalé des flambées de FJ en Afrique n’avait pas été aussi élevé depuis 2009. Cette situation s’explique par un défaut de couverture vaccinale, y compris dans certains pays qui n’ont pas réussi à maintenir une couverture suffisante au décours de campagnes de vaccination parfois anciennes initialement efficaces. La pandémie de covid 19 a constitué un facteur aggravant supplémentaire, en particulier entre mars et août 2020, avec des impacts sur la prévention de la FJ (défaut de surveillance et donc de dépistage précoce, chute des actions de vaccination systématique, interruptions de campagnes de vaccinations ponctuelles).
L’OMS, en fonction des données épidémiologiques, de la couverture vaccinale et des mesures de lutte mises en place, a catégorisé les 29 pays de la région Afrique à risque de FJ en quatre groupes : (a) les pays avec épidémie(s) signalée(s), (b) les pays à potentiel épidémique, (c) les pays avec cas sporadiques et (d) les pays sans cas signalé.
a. Pays avec épidémie(s) signalée(s)
Ils sont au nombre de 6, l’Éthiopie, la Guinée, le Nigeria, l’Ouganda, le Sénégal et le Soudan du Sud.
En 2020 le pays qui n’a pas intégré la vaccination contre la FJ dans son calendrier vaccinal montre une couverture vaccinale contre cette maladie de 40 % (2020). Le pays a signalé 85 cas suspects de FJ (deux cas confirmés). Une épidémie a atteint la zone de Guarage, dans la région des Nations nationalités et peuples du Sud. Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021. Une campagne de vaccination est planifiée pour 2022.
En 2020 le pays, dont la couverture vaccinale contre la FJ était de 40 % en 2019, a signalé 54 cas suspects de FJ (7 cas confirmés). L’épidémie a atteint une zone rurale reculée, le district de Koundara (région de Boke). Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021. Les dernières campagnes de vaccinations sont antérieures à 2016.
En 2020 le pays, dont la couverture vaccinale contre la FJ était de 54 % en 2019, a signalé 3 426 cas suspects de FJ (145 cas confirmés). En 2020, l’épidémie concernait des zones rurales dans les États de Bauchi, Benue, Borno, Delta, Ebonyi et Enugu. En 2021, du 1er janvier au 30 septembre, 1 518 cas suspects ont été signalés dans 36 États et le territoire de la capitale fédérale (FCT). Les 39 cas confirmés en 2021 étaient issus des états suivants : Anambra, Benue, Delta, Enugu, Imo, Kogi, Nasarawa, Niger, Ondo, Osun et Oyo. Des actions de vaccination ont été planifiées pour l’année 2021.
En 2020 le pays, qui n’a pas intégré la vaccination contre la FJ dans son calendrier vaccinal, a signalé 46 cas suspects de FJ (10 cas confirmés). L’épidémie touche le Nord-ouest du pays (zone frontière avec la République Démocratique du Congo (RDC) et le Soudan du Sud). Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021. Une campagne de vaccination est planifiée pour 2022.
La couverture vaccinale est élevée dans ce pays (88 % en 2020). En 2020, 35 cas suspects de FJ (dont 7 confirmés) y ont été signalés. L’épidémie concernait les zones rurales de l’est du pays. Les cas confirmés ont été identifiés dans trois régions limitrophes de la Mauritanie et du Mali : 4 cas dans le district sanitaire de Kidira (région de Tambacounda), un cas dans celui de Thilogne (région de Matam), un cas dans celui de Saraya et un dans celui de Kedougou (région de Kedougou). Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021. Les dernières campagnes de vaccinations sont antérieures à 2016.
En 2020 le pays, qui n’a pas intégré la vaccination contre la FJ dans son calendrier vaccinal, a signalé 100 cas suspects de FJ (2 cas confirmés). Les cas sont survenus dans le comté de Kajo Keji. Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021.
b. Pays à potentiel épidémique
Ils sont au nombre de trois, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad.
En 2020, la couverture vaccinale contre la FJ était estimée à 85 % au Burkina Faso. Quatre cas confirmés de FJ ont été déclarés dans la Région des Cascades (Sindouet Banfora) et la Région de l’Est(Fada). Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021. Les dernières campagnes de vaccination sont antérieures à 2016.
Mali.
La couverture vaccinale contre la FJ était estimée à 58 % en 2020. Un cas confirmé a été déclaré à Sikasso. Aucun événement nouveau n’a été signalé en 2021. Les dernières campagnes de vaccinations sont antérieures à 2016.
La couverture vaccinale contre la FJ était estimée à 29 % seulement en 2019. Un cas confirmé de FJ a été déclaré dans le district de Lai, région de Tandjile. Un autre cas confirmé a été signalé en 2021. Une campagne de vaccination est planifiée pour 2022.
c. Pays avec cas sporadiques
Ils sont au nombre de quatre, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Togo.
Ces pays ont identifié des cas dans des zones rurales reculées. L’OMS constate qu’il n’y a pas eu de propagation locale ultérieure et qu’à l’exception du Cameroun (couverture vaccinale de 57 %), ces pays ont une couverture vaccinale contre la fièvre jaune modérée à élevée (69 %, 61 % et 66 % respectivement pour la Côte d’ivoire, le Gabon et le Togo), qui devrait atténuer le risque de propagation à grande échelle.
Cependant, en 2021, au Cameroun, 19 cas confirmés de FJ ont été identifiés. Ils provenaient de sept régions différentes, avec un total de 15 districts de santé (DS) touchés : région de l'Adamaoua (DS rural de Ngaoundéré), région du Centre (DS d'Eséka), région de l'Extrême-Nord (DS de Maga, Mogode, Yagoua, Kousseri, et Goulfey), région du Littoral(DS Yabassi, Cité des palmiers), région du Nord (DS Guider, Garoua 1), région du Nord-Ouest (HD Bamenda) et région de l'Ouest (DS Dschang, Bafang, Malentouen).
De même, en Côte d’Ivoire, 3 cas confirmés de FJ ont été signalés en août 2021.
d. Pays sans cas signalé en 2020
En 2020, les autres pays de la région Afrique identifiés par l’OMS comme potentiellement à risque pour la FJ (Angola, Bénin, Burundi, Congo, République centrafricaine, RDC, Guinée Équatoriale, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Kenya, Liberia, Mauritanie, Niger, Sierra Leone et Soudan) n’ont pas signalé de cas de FJ en 2020.
En 2021, la RDC a identifié deux cas de FJ le 18 juillet : un cas chez un homme de 34 ans de la zone de santé d'Abuzi, province du Nord-Ubangi, et un cas chez une femme de 47 ans non vaccinée contre la FJ de la zone de santé d'Ango, province de Bas Uele. De plus, les résultats de confirmation sont en attente pour trois autres cas présumés positifs provenant des provinces de l'Équateur, de Kinshasa et du Nord-Ubangi. En RDC, la couverture vaccinale était de 56 % en 2019 et une campagne de vaccination a été planifiée pour 2021.
1.2. Amériques
Dans cette région, le nombre de cas confirmés de FJ est en continuelle diminution depuis la saison 2017-2018. Le bilan publié par l’OMS cité en référence dans cette nouvelle signale des cas de FJ confirmés entre juin 2020 et juin 2021 parmi les populations faiblement immunisées au Brésil, en Guyane et au Pérou. Le bilan publié le même mois par l’Organisation pan-américaine de la santé (PAHO) montre que de nouveaux cas ont été identifiés au Brésil et au Pérou ainsi qu’au Venezuela.
a. Brésil
Une ré-émergence du virus de la FJ a été signalée dans la région extra-amazonienne du Brésil depuis 2014. L’OMS considère que la vague de transmission de FJ continue de se propager dans le sud du pays et qu’un risque de transmission selvatique (en forêt) de la FJ persiste dans les zones d’endémie.
Cas humains
Entre juin 2020 et juin 2021, 291 cas ont été suspectés et 8 cas ont été confirmés, dont 3 sont décédés (47 cas sont en cours d’évaluation). Les 8 cas confirmés sont survenus dans l’Etat de Santa Carina en 2021 au sud du pays. Entre le 1er juillet et le 27 septembre 2021, 17 cas humains suspects de FJ ont été signalés, dont un cas confirmé dans l'État de Paráau nord du pays (un homme de 21 ans résidant dans la municipalité d'Afua) et deux cas en cours d'évaluation.
Epizooties chez les primates non humains
En novembre 2020, une nouvelle zone de transmission a été signalée dans la Région Sud, avec des épizooties signalées chez des primates non humains (notamment des singes) dans les États du Paraná et de Santa Carina au sud du pays, poursuivant leur route en direction de Rio Grande do Sul, avec la possibilité d'atteindre les pays limitrophes (Argentine et Paraguay). Après une augmentation de la transmission de la FJ à Santa Carina en décembre 2020, l'État frontalier de Rio Grande do Sul a été atteint en janvier 2021 et en février 2021 ; des cas ont été signalés dans les régions métropolitaines du Grand Florianópolis et du Sud de Santa Catarina (Etat de Santa Carina).
Des épizooties de FJ ont également été confirmées dans la Région du Centre-Ouest à partir de septembre 2020, alertant les autorités sur le risque de propagation de la FJ à de nouvelles régions. Les études génomiques ont indiqué une lignée différente du virus par rapport à celui qui est réapparu dans la région extra-amazonienne à partir de 2014 et qui a causé les épidémies survenues dans les régions du Sud-Est et du Sud ces dernières années. Cette découverte indique une nouvelle introduction du virus à partir de la région endémique amazonienne.
Au cours de la période 2020-2021, la plupart des épizooties confirmées (88 %) ont été signalées dans la Région Sud du pays (191/218), suivie par la Région Centre-Ouest (24/218), la région du Sud-Est (2/218) et la région du Nord (1/218). En mars 2021, une épizootie de FJ parmi les primates non humains a été confirmée dans l'État d'Acre. Au cours de la période de surveillance actuelle (du 1er juillet au 27 septembre 2021), un total de 198 épizooties a été signalé chez des primates non humains, dont 10 ont été confirmées pour la FJ dans les États de Minas Gerais,Rio Grande do Sul et Santa Carina (28 sont toujours en cours d'investigation).
b. Pays avec cas sporadiques détectés dans des milieux propices à la transmission selvatique (notamment à proximité de la jungle) et parmi les populations non vaccinées
En Guyane, deux cas, probablement selvatiques, ont été signalés en 2020, tous deux sont décédés.
En 2020, le **Pérou**a notifié 9 cas de FJ dont 7 ont été confirmés et 3 sont décédés. Au moins un des décès est survenu dans une zone où aucun cas de FJ selvatique n’avait été signalé auparavant, mais ce cas est demeuré isolé et aucune épizootie n’a été signalée. Entre les semaines 1 et 37 de 2021, 14 cas de FJ ont été signalés, dont 10 ont été confirmés (4 cas probables restent en cours d'investigation). Sur les 14 cas, 85 % sont des hommes et 43 % sont des adultes non vaccinés âgés de 18 à 57 ans. Sept décès sont survenus dans les départements de Puno (4), San Martín (2) et Loreto (1).
Au Venezuela, au cours de la semaine 39 de 2021, 7 cas de FJ ont été signalés, tous confirmés en PCR. Le site probable de l'infection pour les cas confirmés était la localité de Carapal, une paroisse rurale située au sud de la municipalité de Maturín (Etat de Monagas). Le premier cas signalé est une femme enceinte âgée de 16 ans ayant des antécédents de vaccination. Parmi les six autres cas, cinq sont des hommes âgés de 24 à 82 ans, tous sans antécédents de vaccination. A ce jour, aucun décès n'a été signalé.
Entre les semaines 32 et 39 de 2021, 10 épizooties ont été signalées chez des primates non humains, sept dans l'Etat de Monagas et trois dans l'Etat d'Anzoátegui. Deux des épizooties signalées dans l'État de Monagas confirmées en laboratoire ont été identifiées à 35 km et 150 km de la zone urbaine de Maturín. Les huit autres ont été confirmées par un lien épidémiologique.
2. Recommandations pour le voyageur
Les Recommandations sanitaires 2021 pour les voyageurs sont claires ; La vaccination (vaccin Stamaril) contre la fièvre jaune (à partir de l’âge de 9 mois) est indispensable (qu’elle soit obligatoire ou non) pour un séjour dans une zone endémique (régions intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud) ou épidémique, même en l’absence d’obligation administrative. » - et leur application, compte tenu de l’efficacité du vaccin anti-amarile, permettra d’écarter tout risque de FJ si la vaccination est pratiquée plus de 10 jours avant le voyage. Ces zones d’endémie sont définies annuellement par l’OMS et leur cartographie est accessible sur différents sites de l’internet [Centers for Disease Control and Prevention (Afrique, Amérique du Sud), National Travel Health Network and Centre (cartes par pays)]. Rappelons par ailleurs que l’amendement à l’annexe 7 (fièvre jaune) du Règlement sanitaire international (2005) de novembre 2016 prolonge la période de validité du certificat international de vaccination contre la fièvre jaune et la durée de la protection conférée par la vaccination antiamarile aux termes du RSI (2005), lesquelles passent de dix ans à la vie entière de la personne vaccinée.
Une injection de rappel reste cependant recommandée indépendamment du niveau d’exposition dans les 3 cas suivants :
- à partir de l’âge de 6 ans pour les personnes ayant été vaccinées avant l’âge de 2 ans, si la vaccination initiale date de plus de 10 ans ;
- les femmes ayant été vaccinées en cours de grossesse ;
- les personnes vivant avec le VIH et les personnes immunodéprimées, si elles satisfont les conditions précisées dans le rapport du Haut Conseil de la santé publique sur la vaccination des personnes immunodéprimées ou aspléniques de 2014.
Il existe cependant d'importantes variations spatiales internationales et infranationales dans le risque relatif à la fièvre jaune. Ainsi, certains types de séjour peuvent exposer le voyageur à un risque accru d’exposition à la FJ (séjour en milieu en milieu rural ou forestier de zone d’endémie, séjour dans une zone d’épidémie). Ce risque sera d’autant plus important qu’un niveau élevé de protection contre les piqûres de moustiques n'est pas possible. Dans ce cas, les recommandations d’ordre général nécessiteront des adaptations : le report, voire l’annulation du voyage, pourra être la première mesure proposée. D'autres adaptations sont possibles :
- Nourrisson : en cas de séjour à haut risque inévitable, la vaccination pourra exceptionnellement être effectuée dès l’âge de 6 mois. Il existe un risque plus élevé de développer une encéphalite à la suite de la vaccination contre la FJ chez le nourrisson de moins de 9 mois.
- Femme enceinte : comme tout vaccin vivant atténué, Stamaril ne doit pas être administré à la femme enceinte et un séjour en zone à haut risque de FJ doit être évité. Si le voyage ne peut être reporté, la vaccination pourra être proposée après une évaluation rigoureuse du rapport bénéfice/risque. Le Centre de référence sur les agents tératogènes, dans un avis du 24 novembre 2020, considère que dans cette situation la vaccination contre la FJ doit être effectuée quel que soit le terme de la grossesse.
- Femme qui allaite : le vaccin Stamaril ne doit pas être administré aux femmes qui allaitent un nourrisson de moins de 6 mois du fait d’un risque de transmission au nourrisson du virus vaccinal. En cas de séjour à haut risque, si la voyage ne peut être reporté, la vaccination de la mère est possible à condition que l’allaitement soit suspendu pendant les deux semaines qui suivent la vaccination (délai de synthèse des anticorps maternels). Si l’enfant est âgé de 6 mois ou plus, la vaccination de la mère est possible sans suspension de l’allaitement, un nourrisson pouvant être vacciné dès cet âge en cas de séjour à haut risque.
- Contre-indication à la vaccination par Stamaril : tout séjour en zone à haut risque devrait être proscrit, et les séjours en zone d’endémicité amarile sont formellement déconseillés. Si la décision de voyage est maintenue, après une information claire sur les risques et un rappel sur le caractère primordial de la protection personnelle anti-vectorielle (PPAV), un certificat médical de contre-indication sera délivré si le voyageur est soumis à une des règles d’obligation vaccinale.
- Personne âgée de plus de 60 ans : Ce critère ne constitue pas une contre-indication au vaccin, mais en raison d’un risque potentiellement plus élevé d’effets indésirables graves chez les personnes âgées, le bénéfice attendu de la vaccination sera systématiquement évalué en fonction du type de séjour. Tout voyage dans une zone à haut risque fera pencher la balance vers une vaccination par Stamaril.
- Vaccination anti-amarile datant de plus de 10 ans : une dose de rappel est recommandée pour les séjour à haut risque.
- Co-administration Stamaril et vaccin rougeole-oreillons-rubéole (voir cet article) : les recommandations préconisent un intervalle minimum d'un mois entre l’administration des deux vaccins, la co-administration restant possible en cas de départ imminent en zone d’endémie amarile. Même si le cas d’un séjour en zone à haut risque ne constitue pas une réserve à l’application de cette dernière règle, il parait licite d’évaluer le bénéfice d’une co-administration au regard du risque d’efficacité vaccinale moindre contre la FJ en cas de séjour en zone à haut risque.
Source : Organisation mondiale de la santé.