Un nouvel avis conforte la prévention conjointe du cancer du col par la vaccination et le dépistage

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Des médecins de l'association Med'Océan ont écrit une lettre au Ministre de la santé dans laquelle ils remettent en question la vaccination contre les papillomavirus aux motifs qu'elle ne serait pas efficace, voire qu'elle serait à l'origine d'une recrudescence des cancers du col chez les femmes déjà porteuses du virus lors de la vaccination.

C'est dans ce contexte que le Ministre de la santé a demandé au Haut Conseil de la santé publique de répondre aux questions suivantes :

  • L'efficacité du vaccin anti-papillomavirus GARDASIL® peut-elle être remise en cause ?
  • Convient-il de procéder à des recommandations particulières pour l'utilisation de ce vaccin chez certaines femmes ?
  • De nouvelles données publiées modifient-elles les recommandations faites en 2007, 2010 et 2011, notamment en termes de sécurité de ce vaccin, de stratégie vaccinale et de stratégie de dépistage du cancer du col ?

Quelques rappels

Généralités

Il existe plus de 200 génotypes de papillomavirus (encore appelés Human Papillomavirus ou HPV). Certains génotypes se transmettent par voie sexuelle et infectent les muqueuses génitales, d'autres se transmettent par contacts cutanés et infectent la peau. Les papillomavirus sont responsables de tumeurs épithéliales bénignes ou malignes. Certains génotypes (HPV 2 et 4 par exemple) sont à l'origine de lésions très courantes et bénignes, les verrues dites “vulgaires”. D'autres génotypes entraînent des verrues génitales (encore appelées condylomes génitaux, végétations vénériennes ou crêtes de coq), dont le caractère disgracieux peut avoir de graves conséquences psychologiques : dans 90 % des cas il s'agit des HPV 6 ou 11. D'autres génotypes encore sont oncogènes, c'est-à-dire capables de provoquer l'apparition d'un cancer (HPV 16 et 18 surtout, mais aussi les HPV 31, 33, 35, 45, 51, 52, 58), notamment le cancer du col utérin. Cependant, certains HPV induisent d'autres cancers de la sphère génitale (vagin, anus et pénis) ou de la sphère O.R.L.

Le cancer du col de l'utérus

Il est considéré que tous les cancers du col de l'utérus sont liés à une infection persistante par des papillomavirus oncogènes.

Au niveau mondial, le cancer du col de l'utérus est au second rang des cancers de la femme et au premier rang en termes de mortalité, principalement dans les pays en voie de développement. En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, la pratique du dépistage par frottis cervico-utérin a permis d'en diminuer fortement l'incidence et la mortalité. Les projections pour 2011 sont cependant d'environ 3.000 cas et 1.000 décès. Une étude à large échelle conduite dans 38 pays dont dix pays européens montre une prévalence globale des papillomavirus dans les cancers invasifs du col de l'utérus de 85 %. En Europe, les génotypes les plus fréquents étaient par ordre de fréquence l'HPV 16 (66 %), l'HPV 18 (7 %), l'HPV 33 (6 %), l'HPV 45 (4 %) et l'HPV 31 (3 %). Les HPV sont par ailleurs impliqués dans d'autres cancers féminins : une étude a estimé la proportion de cancers attribuables à l'HPV à environ 50 % pour le cancer du vagin et celui de la vulve et à plus de 90 % pour le cancer de l'anus. De 80 % à plus de 90 % de ces cancers sont liés à une infection par un HPV 16 ou 18.

Le vaccin anti-papillomavirus GARDASIL® est-il efficace ?

Il existe un vaccin bivalent (CERVARIX®), qui contient les types 16 et 18, et un vaccin quadrivalent (GARDASIL®), qui contient les types 6, 11, 16 et 18.

L'efficacité du vaccin Gardasil® pour la prévention des lésions cervicales de haut grade liées aux HPV 16 et 18, génotypes contenus dans le vaccin et responsables d'environ 73 % des cancers de col de l'utérus, a été démontrée dans les différentes études randomisées contrôlées. Cette efficacité avec quatre ans de recul dans les études combinées est de 98,2 % (IC 95 % : 93,5-99,8) chez les femmes qui n'étaient pas infectées et qui ne l'ont pas été jusqu'à la 3e injection et ayant reçu trois doses (population per protocole) et de 51,8 % (IC 95 % : 40,1-60,7) dans la population d'étude incluant des femmes infectées et qui pourraient n'avoir reçu qu'une dose de vaccin (population en intention de traiter).

L'efficacité pour la prévention des verrues génitales liés aux génotypes contenus dans le vaccin est de 99,0 % (IC 95 % : 96,2-99,9) dans la population per protocole et de 80,3 % (IC 95 % : 73,9-85,3) dans la population en intention de traiter. L'efficacité de Gardasil® pour la protection contre les lésions vulvaires de haut grade liées aux génotypes 6, 11, 16 et 18 est de 100 % (IC 95 % : 67,2-100,0) dans la population per protocole et de 73,3 % (IC 95 % : 40,3-89,4) dans la population en intention de traiter. L'efficacité de Gardasil® dans la protection contre les lésions vaginales de haut grade liées aux génotypes 6, 11, 16 et 18 est de 100 % (IC 95 % : 55,4-100,0) dans la population per protocole et de 85,7 % (IC 95 % : 37,6-98,4) dans la population en intention de traiter.

L'efficacité sur le terrain reste à ce jour difficile à démontrer du fait du temps nécessaire pour que la vaccination des jeunes filles ait un impact mesurable en termes de réduction de l'incidence des lésions précancéreuses dépistées. Toutefois, une équipe australienne a publié en juin 2011 les résultats d'une première étude comparant l'incidence des anomalies du col de l'utérus détectées avant et après le début du programme de vaccination HPV démarré dans les écoles de l'état de Victoria en avril 2007 auprès des jeunes filles âgées de 12-13 ans avec un rattrapage jusqu'à 18 ans en 2007-2008. La couverture vaccinale est évaluée entre 71 et 79 %. Il est observé dans cette étude une diminution significative de l'incidence des lésions précancéreuses de haut grade qui passe de 0,80 % à 0,42 % chez les jeunes filles âgées de moins de 18 ans entre ces deux périodes.

Par ailleurs, une autre étude australienne réalisée dans huit dispensaires spécialisés dans les infections sexuellement transmissibles montre, après le démarrage des vaccinations, une baisse de 59 % des verrues génitales chez les jeunes femmes résidant en Australie et éligibles à la vaccination HPV. Cette même étude montre une diminution significative de l'incidence de ces lésions génitales chez les hommes hétérosexuels (non vaccinés), observation en faveur d'une immunité de groupe induite par une couverture vaccinale élevée et permettant une protection indirecte chez l'homme. Une étude plus récente conduite dans un dispensaire renforce cette observation et montre la quasi-disparition des condylomes chez les jeunes femmes et hommes âgés de moins de 21 ans quatre années après le démarrage du programme vaccinal en Australie.

L'impact du vaccin Gardasil® a par ailleurs été étudié vis-à-vis de tous les génotypes d'HPV, contenus ou non dans le vaccin. Les données actuellement disponibles portant sur le suivi à quatre ans des femmes incluses dans les études concernées montrent une réduction significative du risque de 18,4 % contre les lésions cervicales de grade 2 associées à tous les types de HPV dans une population de femmes potentiellement infectées, y compris par les HPV vaccinaux. Dans cette même analyse, dans la population de femmes naïves vis-à-vis de tous les HPV et ayant reçu au moins une dose de vaccin, l'efficacité est de 42,7 % (IC95 % : 23,7-57,3). Ces résultats montrent que la vaccination est d'autant plus efficace qu'elle est faite avant l'âge des premiers rapports sexuels. C'est pourquoi il est recommandé de vacciner les jeunes filles dès l'âge de 14 ans, moins de 5 % d'entre elles ayant alors déjà initié une activité sexuelle, tout en réalisant un rattrapage jusqu'à l'âge de 23 ans chez les femmes n'ayant pas eu d'activité sexuelle ou ayant eu une activité sexuelle depuis moins d'un an. Cette vaccination peut être effectuée indifféremment avec l'un ou l'autre des deux vaccins existants, c'est-à-dire soit le vaccin bivalent (CERVARIX®), soit le vaccin quadrivalent (GARDASIL®).

En conséquence, le HCSP estime qu'il n'existe actuellement aucune donnée susceptible de remettre en cause l'efficacité de la vaccination anti-papillomavirus.

Le vaccin GARDASIL® est-il bien toléré ?

Le suivi des effets indésirables notifiés dans les suites d'une vaccination contre les papillomavirus HPV n'a révélé à ce jour aucun signal de pharmacovigilance. Le nombre de cas observés d'affections auto-immunessuivant l'administration de plus de 4 millions de doses vaccinales est inférieur au nombre de cas attendus dans la population générale. Le HCSP a estimé qu'il n'existe aujourd'hui aucune donnée suggérant un caractère potentiellement délétère du vaccin dans certaines catégories de la population, en particulier de risque de survenue de cancer chez des femmes préalablement infectées.

Couverture vaccinale contre les papillomavirus en France

Au 31 décembre 2010, les couvertures vaccinales anti-HPV chez les jeunes filles nées en 1993 (17 ans), 1994 (16 ans) et 1995 (15 ans) étaient respectivement de 53 %, 50 % et 39 % pour une dose et de 36 %, 33 % et 20 % pour trois doses.

Place du dépistage du cancer du col par frottis cervico-utérin

La prévention secondaire (par le frottis cervico-utérin) de tous les cancers du col de l'utérus quel que soit le génotype, s'intègre de façon parallèle et complémentaire à la prévention primaire (par la vaccination) de la majorité des cancers, ceux dus aux types vaccinaux. Les deux démarches doivent être conduites de façon optimale dans les populations respectives concernées. Une modélisation, rapportée dans l'avis du 9 mars 2007, avait montré que sur les 70 premières années, sous l'hypothèse que la décision de participation au dépistage n'est pas influencée par une vaccination antérieure, l'organisation du dépistage, par rapport à un dépistage opportuniste, réduirait de 16 % le nombre de cancers diagnostiqués et que l'adjonction de la vaccination le réduirait de 34 %.

Renouvellement des recommandations antérieures

A l'appui de ces données, le HCSP recommande :

  • La poursuite de l'amélioration du dépistage du cancer du col de l'utérus, ainsi que la généralisation rapide du système de dépistage par le frottis cervico-utérin.
  • La poursuite (en conformité avec l'avis du HCSP du 17 décembre 2010), de la vaccination contre les papillomavirus des jeunes filles âgées de 14 ans et le rattrapage jusqu'à l'âge de 23 ans chez les femmes n'ayant pas eu d'activité sexuelle ou l'ayant initiée depuis moins de un an. Cette vaccination peut être effectuée indifféremment avec l'un ou l'autre des deux vaccins existants.
  • Une amélioration de la couverture vaccinale grâce à un meilleur accès à la vaccination et à l'optimisation de son organisation. Certains pays européens (Royaume Uni, Portugal) ont obtenu une couverture vaccinale égale ou supérieure à 80 % après avoir mis en place la vaccination dans les structures de soins publiques ou en milieu scolaire.
  • Que soit mis en œuvre tout moyen qui permette d'atteindre les populations chez lesquelles le dépistage risque d'être le moins réalisé, même si la vaccination ne saurait en aucun cas remplacer ce dépistage.

Source : Haut Conseil de la santé publique.