Un décès de fièvre hémorragique de Crimée-Congo au Pakistan

medecinedesvoyages.net

Au Pakistan, selon les médias, un homme de Liaquatabad est décédé de fièvre hémorragique de Crimée-Congo(FHCC), pendant son traitement dans un hôpital privé de Karachi, pakistanais.

Le malade était abatteur, transformateur et vendeur de viande de profession. Il travaillait dans les magasins de viande d'un supermarché situé à Liaquatabad. Le 30 avril, le patient a eu de la fièvre et des maux de tête, pour lesquels il a pris des comprimés de paracétamol à la maison. Le 2 mai, il a développé une très forte fièvre et a été transporté à l'hôpital médical Habib, où il a été admis pendant une journée. Le patient a ensuite présenté des épisodes de saignement du nez et des muqueuses. Les premiers examens effectués pour détecter la dengue et le paludisme se sont révélés négatifs. Son état s'est détérioré au bout de deux jours et il a été transféré et admis à l'hôpital Ziauddin de North Nazimabad le 4 mai, où il a reçu des soins intensifs. Malgré les soins intensifs, le patient est décédé le 5 mai.

Rappels sur la fièvre hémorragique de Crimée-Congo :

Décrite pour la première fois en 1944 chez des militaires soviétiques en Crimée, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) a également été mise en évidence en 1956 au Congo, d’où son nom. La FHCC figure depuis 2015 sur la liste de l'OMS des maladies infectieuses émergentes les plus importantes susceptibles de provoquer des épidémies majeures et elle est considérée à l'heure actuelle comme une maladie prioritaire à potentiel pandémique.

Répartition géographique

La FHCC endémique a une large répartition géographique. Elle touche la majeure partie de l’Afrique, l’Asie (de la Chine occidentale à l'Asie méridionale), le Moyen-Orient, l’Europe de l'Est et du Sud-Est et, depuis peu, Europe du Sud-Ouest. Avec plus de 50 cas autochtones par an la Russie (ouest de l’Oural), la Turquie, l’Iran et l’Ouzbékistan sont les plus touchés. Des cas sont également rapportés en Albanie, en Bulgarie, à Oman, au Kazakhstan, au Pakistan, en Inde, au Kirghizistan, au Tadjikistan, en Chine, en Afrique du sud, en Mauritanie et au Soudan. De rares cas ont été rapportés en Espagne (7 cas autochtones entre août 2016 et août 2020) et en Grèce.

Par ailleurs, des cas d’importation ont été rapportés dans plusieurs pays situés hors zone d’endémie.

Le virus

La FHCC est due au virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (VFHCC), un virus à ARN du genre Orthonairovirus (famille des Nairoviridae, ordre des Bunyavirales).
Actuellement jusqu'à neuf clades génétiquement différents sont proposés pour le virus de la FHCC : quatre d'entre elles sont principalement distribuées en Afrique, deux en Asie et trois en Europe. Le VFHCC a été classé comme un agent pathogène de niveau de biosécurité 4.

Réservoir de virus

La FHCC n'affecte que l'homme, mais le VFHCC vit dans un cycle naturel qui touche les mammifères sauvages, le bétail, les oiseaux et les tiques. Les tiques ixodes, en particulier celles du genre Hyalomma, sont à la fois un réservoir (le virus se maintient à tous les stades de maturation de la tique et se transmet à sa descendance) et un vecteur du virus de la FHCC. La distribution géographique des tiques Hyalomma se superpose à celle de la FHCC. Le virus se maintient dans la nature dans un cycle endémique tique-vertébré hôte. L’importance du réservoir peut être évaluée par la recherche du virus de la FHCC sur des tiques prélevées dans l’environnement et par la recherche d’anticorps dirigés contre le virus chez les animaux qui entre dans le cycle naturel, et plus particulièrement chez les animaux au contact de l’homme (bétail, animaux domestiques).

Transmission

La FHCC est transmise à l'homme par les piqûres de tiques (ou par écrasement de spécimens engorgés) et/ou par contact direct avec des sécrétions, des fluides ou des tissus d'animaux virémiques (activité d'abattage, avortement d'animaux …).

La transmission interhumaine à partir d’humains infectés par contact avec du sang ou d’autres fluides biologiques est possible. Elle peut de faire dans un contexte nosocomial. La transmission verticale a également été rapportée, et les contacts sexuels peuvent représenter un risque supplémentaire de transmission de la FHCC. Des cas d'accidents de laboratoire liés à la manipulation de matériel viral ont également été décrits.

Les éleveurs, les travailleurs du secteur de l'élevage et les travailleurs des abattoirs dans les zones endémiques sont exposés au risque de FHCC. Les professionnels de la santé des zones endémiques sont exposés au risque d'infection. Les voyageurs internationaux peuvent également être exposés.

La dissémination de la FHCC peut se faire à partir de cas importés de FHCC, par le transport d’animaux virémique et/ou porteurs de tiques, mais les oiseaux migrateurs porteurs de tiques infectés joueraient un rôle clé. Le rôle de ces derniers a été évoqué pour expliquer l’émergence de la FHCC en Espagne.

Signes et symptômes

Les infections asymptomatiques semblent courantes, atteignant jusqu'à 90 % des cas dans certaines études réalisées dans des zones hyperendémiques. Quand elle est symptomatique, après une phase d’incubation de 3 à 7 jours, la FHCC évolue en trois phase :

  • La phase préhémorragique qui dure environ 1 à 7 jours associe fièvre, céphalées, myalgies, troubles digestifs, conjonctivite et hyperhémie du visage, du cou et de la poitrine.
  • La phase hémorragique dure 2 à 3 jours. Elle est caractérisée par l’apparition d’ecchymoses, de pétéchies ou d’hématomes spontanés ainsi que par différents saignements extériorisés (saignement de nez, hémorragies digestives…). Sur le plan biologique on note une chute du nombre de plaquettes, des anomalies de la coagulation, des perturbations du bilan hépatique et une insuffisance rénale. Selon les études, la mortalité atteint 3 à 30 % à ce stade.
  • La convalescence s’ensuit durant 10 à 20 jours pour les survivants, mais la récupération complète peut nécessiter une année. Il n’y a pas de rechute connue de la maladie.

Traitement et prévention

Le traitement est symptomatique nécessitant parfois une prise en charge en réanimation. Bien que le traitement par la ribavirine ait donné des résultats satisfaisants, son utilisation est controversée. Aucun vaccin commercial n'est disponible.

Pour éviter la contamination par les piqûres de tiques, le voyageur doit prendre certaines précautions :

  • rester sur des sentiers balisés et éviter les buissons, zones boisées et humides ;
  • préférer des vêtements couvrants (pantalon, manches longues, chaussures fermées) ;
  • traiter éventuellement les vêtements avec un insecticide ;
  • protéger les zones de peau exposées avec un répulsif à base de DEET ;
  • en fin d'activité, inspecter toutes les parties du corps, afin d'enlever une éventuelle tique dès que possible ;
  • extraire la tique à l'aide d'un tire-tique disponible en pharmacie, ou d'une pince-à-épiler ;
  • éviter d'écraser la tique, de la brûler ou d'appliquer diverses substances.

En cas de fièvre, de rougeur de la peau ou d'autres symptômes apparaissant après une piqûre de tique, le voyageur doit consulter rapidement un médecin.

Références : (1)StavropoulouE, Troillet N. Fièvre hémorragique de Crimée-Congo : une maladie virale émergente en Europe. Rev Med Suisse 2018; volume 14. 1786-1789. (2)PortilloA et al. Epidemiological Aspects of Crimean-Congo Hemorrhagic Fever in Western Europe: What about the Future? Microorganisms 2021, 9, 649.

Source : Outbreak News Today.

Pages associées