Thaïlande : plusieurs centaines de cas d'infection à Streptococcus suis
En Thaïlande, de janvier à novembre 2023, 500 cas d'infections à Streptococcus suis et 24 décès ont été enregistrés dans plusieurs provinces, selon le Département de contrôle des maladies (DDC). Les patients ont déclaré avoir mangé du porc cru ou insuffisamment cuit, des repas contenant du sang de porc ou avoir travaillé avec des animaux potentiellement infectés.
L'infection à _S.__suis_a tendance à se produire sporadiquement, en raison du risque lié à la consommation d'un plat local à base de porc cru avec du sang frais ou au contact avec des porcs sans protection personnelle adéquate. Les autorités sanitaires thaïlandaises recommandent vivement de ne pas consommer de porc cru ou insuffisamment cuit.
En juin 2023, la Thaïlande a organisé un symposium international sur les maladies porcines émergentes et réémergentes (ISERPD) et un atelier international sur Streptococcus suis. Les experts ont discuté de l'épidémiologie et du diagnostic de S. suis, du contrôle et de la prévention de la maladie, et de l'infection chez l'homme.
Rappels sur l'infection à Streptococcus suis : Streptococcus suis est une bactérie de la famille des Streptococcaceae (streptocoques) pouvant infecter essentiellement les porcs et les sangliers. Cette bactérie de répartition mondiale est fréquemment présente dans les voies respiratoires des porcs et peut se retrouver dans l'environnement contaminé (déjections, poussières …). Chez l'animal l'infection est en général asymptomatique, mais en cas de stress (surpopulation, transport …) elle peut être responsable de pneumonies, de méningites, d'endocardites …
Cette bactérie est responsable d'une zoonose, l'homme pouvant s'infecter de trois manières. Les deux modes de transmission les plus fréquents sont la voie cutanée , essentiellement à l'occasion d'une piqûre ou d'une coupure, ou par souillure de lésions cutanées, et la voie digestive. La transmission par voie respiratoire serait possible.
Les facteurs favorisant l'infection sont liés à l'activité professionnelle et/ou au comportement alimentaire. Le travail au contact des porcs, de leur viande ou de leurs viscères (éleveurs de porcs, vétérinaires, personnel d'abattoir, bouchers-charcutiers …) ou des sangliers (garde-chasse …) est un facteur de risque fréquemment retrouvé (une blessure cutanée en présence de porc ou lors de la manipulation de viande porcine est trouvée dans plus de 20% des infections à S. suis et une exposition professionnelle est particulièrement fréquente dans les pays industrialisée (80%). La consommation de viande de porc crue ou mal cuite, voire de sang de porc qui rentre par exemple dans la composition de plats traditionnels comme le nam tok en Thaïlande, sont des facteurs de risques fréquemment associés aux infections décrites en Asie. Globalement, une « exposition » au porc est retrouvée dans 60% des cas dans certaines séries de méningites.
Les infections humaines à S. suis sont ubiquitaires. Elles sont considérées comme endémiques dans certains pays d'Asie du sud-est (trois pays sont particulièrement concernés : la Thaïlande, le Viêt Nam et la Chine). L'importance de la consommation de viande de porc et la fréquence des élevages porcins de petite taille expliquent probablement cet aspect épidémiologique. L'infection se manifeste le plus souvent sous forme de cas sporadiques, mais des épidémies ont déjà été rapportées. En Asie, ces infections surviennent plus fréquemment en été et durant la saison des pluies. Dans le reste du monde les infections à S. suis restent très rares (en dehors de l'Asie les Pays-Bas sont le pays où la prévalence d'infection est la plus élevée, les employés d'abattoir étant la principale cible de cette infection).
L'infection touche quasi exclusivement les adultes, avec une fréquence plus importante chez les adultes de sexe masculin. Après une incubation de 1 à 5 jours, l'infection chez l'homme se traduit en général par une méningite bactérienne se caractérisant par une fréquence importante des séquelles à type de surdité (plus de 50% des cas), et plus rarement de trouble vestibulaire, d'acouphènes et d'ataxie. D'autres formes d'infection sont possibles (septicémie, endocardite, arthrite) de même qu'un syndrome de choc toxique (SCT) dont la fréquence a pu atteindre 60% dans certaines épidémies. Le taux de létalité varie en fonction des formes cliniques. Il est de l'ordre de 3% en cas de méningite et peut atteindre 80% en cas de SCT ou 50% en cas d'endocardite dans certaines séries de patients.
Le diagnostic des infections repose sur des méthodes classiques de bactériologie mais l'identification de l'espèce S. suis peut être difficile selon les techniques utilisées. La plupart des infections humaines sont liées aux souches de S. suis de sérotype 2 (85% des cas) ; le sérotype 14 est décrit dans des infections sporadiques en particulier Thaïlande et au Viêt Nam et le sérotype 4 ainsi que les souches non typables sont rares.
Le traitement repose sur l'utilisation d'antibiotiques (pénicilline G, ceftriaxone) et les corticoïdes permettent de réduire la fréquence des complications neurologiques.
Pour prévenir la maladie le voyageur en zone d'endémie (Asie du Sud-est) veillera à :
- éviter tout contact avec des porcs, leurs excréments et leur environnement ;
- éviter la manipulation de viande porc crue en particulier avec des instruments coupant ou porter des gants si cette manipulation est indispensable ;
- avoir une hygiène des mains après tout contact avec les animaux, les déchets ou les déjections animales et avant les repas ;
- nettoyer et couvrir correctement toutes les plaies cutanées ;
- ne pas consommer de viande de porc cru ou mal cuite, ou du sang frais de porc. La viande de porc doit être cuite pour atteindre une température interne de 70°C.
Source : Food Safety News