Royaume-Uni : le Joint Committee on Vaccination and Immunisation émet un avis en faveur d’une vaccination systématique ciblée pour la prévention des infections à gonocoques

mesvaccins.net

Le 10 novembre, au Royaume-Uni, le Joint Committee on Vaccination and Immunisation (JCVI) a publié un avis en faveur d’un programme de vaccination systématique ciblé pour la prévention des infections à gonocoques (principalement les hommes gays et bisexuels et les autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes), ainsi qu’un programme de vaccination systématique contre le Mpox pour les personnes les plus à risque.

L’avis du JCVI sur les gonococcies indique que ce programme ciblé devrait utiliser le vaccin 4CMenB (vaccin qui correspond au Bexsero) qui est utilisé dans le cadre du programme de vaccination systématique des enfants pour la prévention des infections invasives à méningocoques.

Le JCVI précise que les bactéries responsables de méningococcie (Neisseria meningitidis) et de gonorrhée (Neisseria gonorrhoeae) sont étroitement liées sur le plan génétique, et que des données montrent que le vaccin 4CmenB confère une certaine protection croisée contre la gonorrhée. Ainsi, avec la modeste efficacité documentée du vaccin contre la gonorrhée (entre 32,7 % et 42 %), de nombreux cas de gonorrhée pourraient être évités. Ceci est d’autant plus important que la maladie elle-même ne protège pas de l’infection et que les personnes affectées sont souvent réinfectées.

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Importance des infections à gonocoques

N. gonorrhoeae, ou gonocoque, est responsable de la gonorrhée, une infection génitale aussi appelée blennorragie ou chaude-pisse. L’infection transmise lors de rapports sexuels génitaux, oraux ou anaux, se manifeste chez l’homme de façon souvent bruyante par une urétrite pouvant se compliquer de prostatite ou d’épididymite. Chez la femme, l’évolution est initialement plus discrète (75 % de cas asymptomatiques), et les complications sont tardives et potentiellement graves (infection pelvienne, possibles infections viscérales secondaires, risque de stérilité, infection oculaire congénitale du nouveau-né). L’incidence des infections à gonocoque augmente actuellement à peu près partout dans le monde, particulièrement chez les jeunes. D’après l’OMS, il y aurait eu plus de 82 millions de nouveaux cas d’infection en 2020 dans le monde, dont beaucoup devraient être évités par l’utilisation de préservatifs. Alors que le traitement par antibiotique a longtemps été simple et rapide (en dose unique dans les infections non compliquées, urétrites et cervicites), des résistances aux antibiotiques les plus utilisés (pénicillines, quinolones, aminosides) sont apparues et sont de plus en plus fréquentes.

En Angleterre, le nombre de gonococcies était de 31 000 en 2013 contre 82 600 en 2022, avec une augmentation de 50% des cas entre 2021 et 2022. En France, on estime qu’en 2021 13 800 infections ont été diagnostiquées par les CeGIDD (Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic) et 21 750 en médecine générale.

Données d’efficacité du vaccin 4CMenB correspondant au vaccin Bexsero sur l’incidence des infections à gonocoques

Une nouvelle publiée en mars 2023 sur le site mesvaccins.net avait fait un premier point sur l’efficacité de protection d’un vaccin anti-méningocoque B à 4 composants contre la gonorrhée.

Plusieurs études publiés récemment vont dans le même sens. Une étude prospective menée chez des étudiants californiens entre 2016 et 2020 conclut à une diminution de l’incidence des infections à gonocoques de 46% dans le bras vacciné avec le 4CmenB. Une autre étude menée chez des étudiants de l’Oregon suivis pendant 2 ans a rapporté une efficacité de deux doses de vaccin 4CMenB de 47%. Une efficacité de 42% a été rapportée dans le cadre d’une étude italienne conduite chez des hommes infectés par le VIH et ayant des rapports sexuels avec des hommes.

L'efficacité vaccinale parait diminuer avec le temps. Une étude australienne récemment publiée évalue l’efficacité du vaccin 4CMenB trois ans après la mise en œuvre de cette vaccination chez des adolescents et des jeunes adultes. L’efficacité globale du 4CMenB sur la prévention des gonococcies était de 33,2%, ce taux chutant à 23,2% plus de trois ans après la vaccination.

Enfin, une étude de modélisation réalisée en Angleterre a estimé qu’un programme de vaccination contre les infections à gonocoques assurant une couverture vaccinale de 85% avec un vaccin d’efficacité de 31% assurant une protection de 6 ans, pourrait permettre d'éviter 50 000 (intervalle de crédibilité à 95 %, ICR 31 000-80 000) infections à gonocoques sur 10 ans.

Pourquoi seul le vaccin 4CMenB montre-t-il une efficacité vis-à-vis des infections à méningocoque ?

Le vaccin 4CMenB tel que le vaccin Bexsero, est un vaccin à quatre composants antigéniques (4C) :

  • trois antigènes recombinants (NHBA (antigène de liaison à l’héparine de Neisseria), NadA (adhésine A de Neisseria), fHbp (protéine de liaison du facteur H) et,
  • des vésicules de membrane externe (OMV) de N. meningitidis groupe B.

Plusieurs protéines de la membrane externe abondamment exprimées comme composants majeurs de l'OMV du vaccin 4CMenB présentent une grande similarité de séquence entre _N. gonorrhoeae_et N. meningitidis, ce qui suggère la possibilité d’un mécanisme de protection croisée. Ceci explique probablement que le vaccin 4CMenB possède une certaine efficacité vis-à-vis des infections à gonocoques contrairement aux vaccin dits « non OMV » tel que le vaccin Trumenba qui utilise deux antigènes vaccinaux recombinants de N. meningitidis, le fHbp de la sous-famille A et le fHbp de la sous-famille B.

Source : Joint Committee on Vaccination and Immunisation