La vaccination contre la fièvre jaune : état des connaissances

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Après une vaccination contre la fièvre jaune, la protection est de longue durée, mais il y a des variations.

En 2013, l’OMS a fait savoir que, à la lumière des données « vraiment très fiables » disponibles, il n’apparaissait plus nécessaire de répéter les injections de vaccin contre la fièvre jaune après une première vaccination, celle-ci suffisant à conférer une protection pour toute la durée de vie (1). La recommandation de ne plus administrer de rappels tous les dix ans a été appliquée dans les pays membres de l’OMS, dont la France. Elle avait des conséquences importantes pour les pays situés en zone d’endémie, qui pouvaient alléger leurs programmes de vaccination.

Depuis, des observations ont toutefois paru remettre en cause cette recommandation. Une méta-analyse publiée en 2022 a conclu que les données sur la persistance d’une immunité au-delà de 10 ans après une vaccination unique étaient rares et qu’aucune étude fiable ne renseignait sur cette immunité au-delà de 20 ans (2). Les auteurs relevaient par ailleurs que l’immunité semble ne pas persister plus de 5 ans chez près de la moitié des enfants vaccinés avant l’âge de 2 ans, et que sa durée est également raccourcie chez les immunodéficients, dont les personnes vivant avec le VIH.

Une nouvelle méta-analyse est revenue sur ces résultats (3), considérant que la première analyse avait négligé à tort les études portant sur de petits effectifs, alors qu’elle avait pris en considération d’autres études où le statut vaccinal des participants n’était pas parfaitement établi. Partant de plus de 7000 articles publiés, les auteurs ont sélectionné 20 études ayant porté sur des personnes vaccinées 10 à 60 ans auparavant. Ils observent que, globalement, 94% des adultes en bonne santé vivant hors des zones d’endémie ont des anticorps protecteurs plus de 10 ans après leur vaccination. Ce taux n’est plus que de 76% pour les études faites au Brésil, en zone d’endémie, où un seuil de séropositivité plus élevé est utilisé. Il est encore plus bas (47%) chez les enfants vaccinés à l’âge de 9 à 23 mois, et de 61% chez les personnes porteuses du VIH.

Les auteurs relèvent une importante hétérogénéité des critères retenus par les différents investigateurs pour affirmer une séroprotection. Les taux de protection globaux déterminés cachent donc de grandes disparités. Ainsi, selon les études, 50 à 100% des personnes immunodéficientes sont considérées protégées contre la fièvre jaune 10 ans après la vaccination, et la fourchette varie avec la cause de l’immunodéficience (traitement immunosuppresseur ou infection VIH). Pour les adultes en bonne santé, le taux de protection estimé au-delà de 10 ans est inférieur en zone d’endémie de fièvre jaune. Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que, pour cette catégorie de personnes, ils n’ont pris en compte que des études menées au Brésil, les études menées dans d’autres pays n’ayant pas la qualité requise. L’explication tiendrait alors dans le choix d’un seuil de séroprotection spécifique, mais d‘autres facteurs pourraient intervenir (patrimoine génétique de la population, nature du vaccin, effet de l’environnement ou de co-infections, …).

Avec ses critères redéfinis, cette nouvelle méta-analyse parvient à des conclusions proches de celles de la précédente. Les adultes en bonne santé vivant hors des zones d’endémie de fièvre jaune (le cas des voyageurs) sont bien protégés par une seule dose de vaccin pour plus de 10 ans et probablement à vie. Par contre, pour les enfants vaccinés avant l’âge de 2 ans et les personnes immunodéprimées, des vaccinations de rappel apparaissent toujours justifiées. Pour les zones d’endémie, les données sont insuffisantes ou mal établies, laissant subsister des incertitudes. En particulier, les auteurs signalent l'insuffisance, à la fois quantitative et qualitative, des études menées sur le continent africain. Ils considèrent par conséquent que dans les pays concernés, des injections de rappel pourraient rester nécessaires.

Le vaccin antiamaril est un vaccin vivant, en principe contrindiqué chez les personnes immunodéprimées, dont les porteurs du VIH, et chez les femmes enceintes ou allaitantes. Il peut être toutefois proposé à ces personnes en cas de risque élevé d’exposition au virus, comme en situation d’épidémie, lorsque les bénéfices attendus l’emportent sur les risques. La grossesse s’accompagnant de perturbations immunitaires, la revaccination à 10 ans des femmes initialement vaccinées pendant leur grossesse reste également recommandée.

La possibilité de se dispenser de vaccination antiamarile de rappel est donc à considérer en fonction de nombreux facteurs. En France, les autorités de santé indiquent que « l’administration d’une seconde dose de vaccin est recommandée pour les enfants vaccinés avant l’âge de 2 ans, les femmes primo-vaccinées en cours de grossesse, les personnes vivant avec le VIH et les personnes immunodéprimées. Cette option devrait également être considérée en cas d’évidence de circulation active du virus de la fièvre jaune chez les personnes vaccinées depuis plus de dix ans » (4).

Références :

  1. Le rappel de vaccination contre la fièvre jaune n'est pas nécessaire. Communiqué de presse de l’OMS, 17 mai 2013.

  2. K. Kling, C. Domingo et coll. Duration of protection after vaccination against yellow fever: a systematic review and meta-analysis

  3. J.L. Schnyder, H.K. de Jong et coll. Long-term immunity following yellow fever vaccination: a systematic review and meta-analysis

  4. Fièvre jaune. Fiche du Ministère du travail, de la santé et des solidarités, 13 juin 2023