Allemagne : premiers cas connus de gonorrhée avec transmission autochtone de gonocoques XDR/MDR
Les souches de Neisseria gonorrhoeae ultrarésistantes (XDR-NG) constituent un problème majeur de santé publique et sont en pleine émergence en Europe.
Un article récemment publié dans la revue Eurosurveillance rapporte quatre cas d'acquisition de XDR-NG par transmission autochtone confirmée en Allemagne. Il s’agit des premiers cas connus de gonorrhée avec transmission autochtone de NG-XDR/MDR en Allemagne.
En Allemagne, les cas de NG présentant une sensibilité réduite à l'azithromycine (AZT), au céfixime (CFM) ou à la ceftriaxone (CRO) doivent être déclarés. En 2023 et 2024, un cas de gonorrhée ultrarésistante par an a été diagnostiqué et déclaré en Allemagne. Ces cas restaient isolés et non liés, et avaient des antécédents de voyage en Asie du Sud-Est confirmés ou suspectés.
En 2025, cinq cas de NG résistants aux antibiotiques ont été signalés : un cas avait des antécédents de voyage confirmés en Asie du Sud-Est, mais quatre autres cas, tous survenus en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, n'ont pas signalé de voyage récent.
- Cas 1 : Il s’agissait d’un homme de 20 ans présentant une urétrite symptomatique due à une souche de NG résistant à la CRO) et au CFM, ainsi qu’à l’AZT (résistance élevée) traitée avec succès par CRO et AZT. Il rapporte un contact avec une travailleuse du sexe en Allemagne.
- Cas 2 : Il s’agissait d’un homme d’une quarantaine d’année présentant une urétrite symptomatique due à une souche de NG résistant à la CRO, à la CFM et à l’AZT, traitée avec succès par CRO. Il rapporte des rapports sexuels avec une travailleuse du sexe en Allemagne.
- Cas 3 : Il s’agissait d’un homme d’une soixantaine d'années présentant une urétrite symptomatique due à une souche de NG résistant à la CFM et à un haut niveau à l’AZT, mais sensible à la CRO, traitée par CRO et AZT. Il n’y a pas eu de contrôle bactériologique de la guérison. Le patient est suspecté d’un contact avec une travailleuse du sexe.
- Cas 4 : Il s’agissait d’un homme présentant une urétrite symptomatique due à une souche de NG résistant à la CFM et à CRO, et à un haut niveau à l’AZT. Il a reçu une ordonnance de CRO et a été perdu de vue par la suite. Il a déclaré avoir eu des rapports sexuels avec une femme qui n'était pas sa partenaire régulière.
Tous les isolats, à l'exception de celui du cas 3, ont été testés en centre de référence.
Les trois isolats ont présenté une résistance élevée à l’AZT et étaient résistants à la CFM, à la ciprofloxacine et à la tétracycline. Ils étaient sensibles à une exposition accrue à la pénicilline et ne produisaient pas de β-lactamase.
Les isolats des cas 1 et 2 étaient résistants à la CRO et ont été classés comme XDR [(les isolats XDR résistent à la céfixime et à la CRO, ont une CMI > 1 mg/L pour l'AZT et une résistance à au moins deux autres substances (ciprofloxacine, pénicilline, spectinomycine ou tétracycline)]. La résistance à la CRO signalée pour le cas 4 n'a pas été confirmée et la souche a été classée comme MDR. L'isolat du cas 3, non testé en centre de référence a été classée MDR au regard des résultats initiaux.
Toutes les infections sont survenues chez des hommes hétérosexuels atteints d'urétrite symptomatique et résidant dans la même région géographique. Parmi les quatre cas notifiés, une forte connexion moléculaire a été confirmée entre trois d'entre eux et leurs isolats respectifs disponibles. Les isolats des cas 1, 2 et 4 portaient l'allèle qui entraînait une sensibilité réduite au CFM et à la CRO et une mutation associée à une résistance élevée à l'AZT. Les trois isolats étaient génétiquement très proches. La souche européenne XDR-NG la plus proche était une souche du Royaume-Uni, signalée en 2024 et liée à un voyage au Cambodge. Sur l'arbre phylogénétique, ces isolats formaient un groupe distinct des autres souches européennes XDR-NG et de la souche allemande XDR-NG précédemment identifiée, qui n'étaient pas étroitement apparentées aux isolats liés à une transmission autochtone en Allemagne.
Actuellement, ces événements semblent limités aux hommes hétérosexuels en contact avec le travail du sexe dans une zone géographique restreinte. La relation moléculaire étroite entre trois des quatre isolats analysés suggère une transmission prolongée de l'agent pathogène potentiellement par contact avec le même cas index, actuellement inconnu, dans le contexte du travail du sexe.
Cet événement témoigne d'une propagation géographique accrue d'isolats XDR.
Le succès du traitement par CRO s'explique par des CMI relativement faibles pour la CRO malgré la résistance, ce qui suggère que la CRO à doses plus élevées (1 à 2 g) pourrait constituer une option thérapeutique efficace dans ce contexte. Le succès du traitement pourrait également dépendre du site d'infection, la plupart des échecs thérapeutiques connus concernant des infections pharyngées.
Source : Eurosurveillance