Fièvre de Lassa : un candidat vaccin donne des résultats encourageants lors d'un essai de phase 1
La fièvre de Lassa est une maladie virale hémorragique qui provoque chaque année entre 100 000 et 300 000 infections, dont 5 000 à 10 000 décès, principalement en Afrique de l'Ouest. Le virus est endémique en Guinée, au Libéria, au Mali, au Nigéria et en Sierra Leone, mais d'autres pays de la région sont également exposés. Des cas liés aux voyages ont également été signalés, et le changement climatique menace de créer de nouvelles régions endémiques en Afrique. Il n'existe actuellement aucun vaccin.
Le New England of Medicine vient de publier les résultats d’un essai de phase 1 évaluant l’immunogénicité et la sécurité d’un vaccin contre la fièvre de Lassa. Ce vaccin développé par l'Agence de santé publique du Canada et sous licence de l'International AIDS Vaccine Initiative (IAVI), est basé sur une plateforme également utilisée pour le vaccin ERVEBO. Il s’agit d’un vaccin recombinant vectorisé qui utilise le virus de la stomatite vésiculeuse, capable de se répliquer et codant pour un complexe glycoprotéique du virus Lassa (LASV), appelé rVSVΔG-LASV-GPC.
Cet essai de phase 1 en double aveugle a été conduit aux États-Unis et au Liberia chez des adultes en bonne santé (âgés de 18 à 50 ans). Les participants ont été répartis selon un ratio de 4:1 pour recevoir le vaccin rVSVΔG-LASV-GPC à l'une des quatre doses testées [2×10⁴ unités formant des plages (UFP), 2×10⁵ UFP, 2×10⁶ UFP ou 2×10⁷ UFP], ou un placebo. Une deuxième dose facultative a été proposée aux participants vaccinés avec le vaccin à 2×10⁷ UFP à 6 à 20 semaines d'intervalle. L’incidence des événements indésirables sollicités et non sollicités (critère d'évaluation principal) a été estimée. La fièvre de Lassa pouvant entraîner une perte auditive neurosensorielle, l'acuité auditive a été mesurée avant et après l'injection. Les critères d'évaluation secondaires étaient la réponse anticorps (IgG dirigés contre la glycoprotéine du virus LASV et anticorps neutralisants), l’obtention de lymphocytes T spécifiques du LASV, ainsi que l'absence d'ARN viral dans le plasma, l'urine et la salive.
L'essai clinique s'est déroulé de juillet 2021 à décembre 2023. Au total, 114 participants en bonne santé ont été recrutés.
Sécurité
- Aucun événement indésirable (EI) grave lié au vaccin n'a été signalé. Le vaccin a provoqué des réactions locales minimes et des réactions systémiques d'apparition précoce, d'intensité légère à sévère et transitoires, dépendantes de la dose.
- Au moins un EI de réactogénicité locale, a été signalé par 67 % des personnes vaccinées aux États-Unis, 31 % des personnes vaccinées au Libéria, 40 % des personnes ayant reçu un placebo aux États-Unis et aucune personne ayant reçu un placebo au Liberia. Les évènements les plus fréquents étaient la sensibilité au point d'injection et la douleur.
- Au moins un EI de réactogénicité systémique a été signalé par 88 % des personnes vaccinées aux États-Unis, 52 % des personnes vaccinées au Liberia, 80 % des personnes ayant reçu un placebo aux États-Unis et 42 % des personnes ayant reçu un placebo au Liberia. Les événements les plus fréquents étaient le malaise, les maux de tête, les myalgies et les frissons.
- Des EI non sollicités ont été signalés jusqu'au 28e jour par 51 % des personnes vaccinées aux États-Unis, 27 % des personnes vaccinées au Liberia, 20 % des personnes ayant reçu le placebo aux États-Unis et 25 % des personnes ayant reçu le placebo au Liberia. Parmi ces EI, trois ont été considérés comme probablement lié au vaccin : une élévation du taux d’ASAT survenue 14 jours après la vaccination et ayant évolué sur 5 jours, une lymphadénopathie de grade 1 et une tachycardie sinusale de grade 1.
- Aucune perte auditive n'a été détectée.
Immunogénicité
- Une réponse IgG spécifiques du LASV GPC était mise en évidence chez 98% des vaccinés aux Etat-Unis et 92% des vaccinés au Liberia, avec une réponse persistante au 12ème mois pour respectivement 86% et 62% des vaccinés. Des réponses en anticorps neutralisants sériques ont été observées 98 % des vaccinés aux États-Unis et 75% des vaccinés au Liberia, avec une réponse persistant au 12ème mois chez 94% des personnes vaccinées aux Etats-Unis.
- Une deuxième immunisation n’a pas eu d’effet stimulant sur les deux types de réponses anticorps.
- Les deux types d’anticorps entrainaient une réactivité croisée contre les lignées courantes du virus LASV.
- Les 31 personnes vaccinées aux États-Unis chez qui des échantillons de cellules mononucléées du sang périphérique ont été prélevés ont toutes présenté des réponses des lymphocytes T spécifiques au vaccin lors du test ELISpot à l'interféron-γ au 29e jour.
- Aucune particule virale vaccinale infectieuse n'a été détectée dans le plasma, l'urine ou la salive.
Les auteurs concluent que le vaccin rVSVΔG-LASV-GPC a entraîné des réactions locales et systémiques transitoires, mais aucune perte auditive ni aucun événement indésirable grave, et que le vaccin a démontré son immunogénicité sur une large gamme de doses chez des adultes en bonne santé aux États-Unis et au Libéria.
Source : CIDRAP, New England of Medicine