Voyageurs sentinelles pour le virus Chikungunya

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Le virus Chikungunya s'est fait connaitre du grand public à l'occasion de l'épidémie survenue dans les archipels de l'Océan Indien entre 2004 et 2006. Ce virus est responsable chez l'homme d'un syndrome pseudo-grippal associé à des arthralgies invalidantes. L'épidémiologie de cette maladie a été marquée ces dernières années par de nombreuses émergences dans des régions jusqu'alors indemne de la maladie (Réunion, 2005, 2009, 2010 ; Italie, 2007 ; France, 2010 ; Nouvelle Calédonie, 2011…). Toutes ces émergences sont dues à un transport du virus par des voyageurs infectés dans des zones où un moustique vecteur du virus (Aedes aegypti ou albopictus) était présent.

En France, la prévention de l'émergence de maladies vectorielles (dengue et Chikungunya) sur le territoire métropolitain a été bâtie en 2006 sur le diagnostic précoce des cas d'importation. Ces deux maladies sont inscrites de puis cette date sur la liste des maladies à déclaration obligatoire. Les voyageurs présentant un tableau clinique compatible avec l'une ou l'autre de ces deux infections font l'objet d'une prise en charge diagnostique spécifique. Une procédure et accélérée est déclenchée dès lors que ces voyageurs séjournent dans l'un des départements infestés par Aedes alpopictus.(www.sante.gouv.fr/chikungunya,959.html). Le déclenchement de mesures de lutte antivectorielle dépend des résultats du diagnostic. Elles visent à limiter le risque d'installation d'un cycle de transmission autochtone ou de contenir les foyers d'infection.

L'intérêt d'un tel système de surveillance est illustré dans un article publié dans la revue Emerging Infectious Diseases. L'expérience française de 2010 et de Nouvelle Calédonie en 2011 en ont montré l'efficacité pratique. La sensibilisation des voyageurs à la nécessité d'une consultation médicale dès la survenue d'un syndrome fébrile après leur retour est au cœur de la gestion du risque d'introduction d'un nouvel agent pathogène sur leur territoire national. De même, celle des médecins est nécessaire afin d'évoquer rapidement l'hypothèse de ces maladies et de déclencher sans délais le système d'alerte.

Une gestion de risque basée uniquement sur l'éradication des vecteurs est connue pour être coûteuse et peu efficace sur le long terme. En plus du bénéfice diagnostique pour le malade, un système de veille basé sur les voyageurs sentinelles permet de mener des actions de lutte anti-vectorielle ciblée et efficace. L'utilisation raisonnée des insecticides limite l'impact sur l'environnement et réduit le risque d'émergence de moustiques résistants. Il n'en demeure pas moins nécessaire d'éduquer les populations vivant dans une zone d'expansion d'un vecteur pour freiner sa dispersion par des actions au niveau individuel et pour réduire les densités de population du vecteur.

Source : Travelers as sentinels for Chikungunya fever, Emerging Infectious diseases, Vol. 18 N°3 March 2012-03-12).

Références :

  1. Grandadam M, Caro V, Plumet S, Thiberge JM, Souares Y, Failloux AB, Tolou HJ, Budelot M, Cosserat D, Leparc-Goffart I, Despres P. Chikungunya virus, southeastern France. Emerg Infect Dis. 2011 May;17(5) : 910-3.
  2. D'Ortenzio E, Grandadam M, Balleydier E, Jaffar-Bandjee MC, Michault A, Brottet E, Baville M, Filleul L. A226V strains of Chikungunya virus, Réunion Island, 2010. Emerg Infect Dis. 2011 Feb;17(2) : 309-11.
  3. D'Ortenzio E, Grandadam M, Balleydier E, Dehecq JS, Jaffar- Bandjee MC, Michault A, Andriamandimby SF, Reynes JM, Filleul L. Sporadic cases of chikungunya, Réunion Island, August 2009. Euro Surveill. 2009 Sep 3;14(35). pii : 19324.
  4. Grandadam M. Surveillance et diagnostic des arboviroses en France mètropolitaine. Revue Francophone des Laboratoires. 2007 ; 396 : 75–84.