Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a mis en ligne le 2 avril 2013 un avis daté du 22 février 2013 relatif à la vaccination antirabique préventive, au traitement post-exposition et au suivi sérologique des personnes régulièrement exposées au virus de la rage (voyageurs, professionnels, chiroptérologues). Un rapport complète cet avis.
Quelques rappels sur la rage
La rage est une zoonose virale due à un lyssavirus qui se caractérise par une encéphalite inéluctablement mortelle une fois les signes cliniques déclarés. Elle est présente de manière enzootique dans plus de 100 pays et on estime qu'elle est responsable de 55 000 décès par an dans le monde, essentiellement en Asie et en Afrique ; plus de 98 % des cas de rage humaine sont en lien avec une rage canine. Tous les mammifères peuvent être atteints, mais la réceptivité varie selon les espèces. Les carnivores terrestres et les chauves-souris (chiroptères) constituent les espèces hôtes principales appelées aussi réservoirs du virus. Le risque que courent les voyageurs dans les zones d'endémie (Asie, Afrique y compris l'Afrique du Nord, Amérique du Sud) est proportionnel à la fréquence de leurs contacts avec des mammifères susceptibles d'être enragés.
La vaccination pré-exposition (préventive) a deux finalités
Elle doit être une protection contre les contaminations non reconnues, tout particulièrement pour les sujets professionnellement exposés de manière continue (personnel de laboratoire, chiroptérologue) ou fréquente. Elle est aussi une forme d'anticipation sur les contaminations identifiables, risque encouru en particulier par les voyageurs ou résidents en zone enzootique dans des conditions où l'isolement ne permet pas de mettre en oeuvre un traitement post-exposition dans des délais brefs avec des moyens fiables. Dans ces conditions, elle sécurise au plan psychologique et elle donne le temps d'atteindre une structure médicale fiable. Aucun cas de rage humaine n'a été rapporté chez des personnes exposées ayant eu une vaccination préventive antirabique à jour ou un traitement post-exposition correctement mis en oeuvre. Dans tous les cas, elle simplifie le traitement post-exposition. La vaccination rabique avant exposition comprend trois injections de vaccin aux jours 0, 7 et 21 ou 28. Ces trois doses de vaccin induisent une mémoire immunitaire persistante qu'un rappel vaccinal à un an réactive très rapidement. Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), depuis 2010, les doses de rappel de vaccin antirabique ne sont plus nécessaires chez les personnes vivant ou se rendant dans des zones à haut risque qui ont déjà reçu une série primaire complète d'injections prophylactiques de vaccin antirabique avant ou après l'exposition. Deux vaccins sont autorisés en France :
Dans les pays à risque élevé, les voyageurs qui passent beaucoup de temps dans des zones rurales où ils pratiquent des activités comme la course à pied, le cyclisme, le camping ou la randonnée doivent bénéficier de la prophylaxie préventive. Elle est recommandée également aux personnes exposées à un risque professionnel important, comme les vétérinaires, et aux expatriés vivant dans des zones où ils risquent d'être exposés à des animaux domestiques, en particulier des chiens, et à des carnivores sauvages. Les enfants doivent être vaccinés car ils sont plus exposés du fait qu'ils jouent avec les animaux, en particulier les chiens et les chats, et qu'ils peuvent être mordus plus grièvement ou qu'ils sont moins susceptibles de signaler un contact avec un animal soupçonné d'être enragé.
Les nouvelles recommandations du Haut Conseil de la santé publique concernent les voyageurs, les professionnels exposés à la rage et les chiroptérologues
1. Voyageurs
Pour les voyageurs chez lesquels la vaccination antirabique préventive est recommandée ou ayant déjà reçu une série de vaccination post-exposition, le HCSP recommande de suivre les recommandations de l'OMS de 2010 et ne plus proposer un rappel à 1 an puis tous les 5 ans, sous réserve de la possibilité d'une revaccination rapide avec une première dose délivrée après exposition et une autre dose à J3. L'administration d'immunoglobulines antirabiques n'est pas indiquée dans un tel cas. Cette recommandation avait déjà été citée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 20-21 du 29 mai 2012.
2. Professionnels exposés à la rage
Une surveillance sérologique est recommandée pour les professionnels exposés à la rage. Les modalités de ce suivi sont différentes selon la catégorie de professionnels et le degré d'exposition au risque. Le suivi sérologique pourra être effectué par la technique Elisa, qui est disponible dans plusieurs laboratoires en France. La technique de référence de séroneutralisation sur culture cellulaire (RFFIT : Rapid Fluorescent Focus Inhibition Test) n'est réalisée que dans le centre national de référence (CNR) de la rage, notamment en cas de résultat inférieur à 0,5 UI/ml obtenu chez un même patient de manière répétée et ce en dépit de l'injection de rappel.
Ces recommandations s'appliquent pour les personnes immuno-compétentes. Dans le cas contraire, il est souhaitable de prendre avis auprès des experts du Centre national de référence de la rage, qui se trouve à l'Institut Pasteur de Paris.
Dans le cas où la surveillance sérologique n'est pas possible, la périodicité des rappels sera systématiquement de 2 ans pour les professionnels vaccinés qui, dans leurs activités, ne sont pas soumis à un risque continu ou fréquent d'exposition et de 1 an pour les professionnels vaccinés pouvant être exposés en milieu de laboratoire à des concentrations élevées de virus rabique car l'objectif est de couvrir une exposition non reconnue.
En cas de pénétration potentielle du virus dans l'organisme, une première dose de vaccin sera immédiatement délivrée et une autre dose à J3. L'administration d'immunoglobulines antirabiques n'est pas indiquée dans un tel cas. Le calcul de la périodicité du suivi sérologique et des injections de rappel s'appuiera alors sur la date de cette dernière injection de vaccin.
3. Chiroptérologues
Chez les chiroptérologues, le suivi sérologique sera assuré spécifiquement par la technique de référence de séroneutralisation sur culture cellulaire (RFFIT) ; les échantillons seront donc adressés pour analyse au Centre national de référence de la rage.
Le HCSP maintient les recommandations du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) publiées en 2005. Le protocole de vaccination préventive comprendra 3 injections selon le schéma suivant, le jour 0 étant le jour de la première injection : J0, J7 et J28 (ou 21) et un rappel un an après.
La surveillance sérologique sera effectuée par un Centre antirabique 15 jours après la primovaccination. Par la suite, un contrôle sérologique sera pratiqué 2 semaines après le rappel à 1 an puis tous les ans avant la saison de capture (printemps). La fréquence des rappels sera déterminée en fonction du taux d'anticorps lors du contrôle sérologique annuel :
L'exposition aux lyssavirus des chiroptères devrait être limitée et arrêtée dès que le contrôle sérologique met en évidence un taux d'anticorps est inférieur à 1 UI/ml.
En cas d'exposition aux lyssavirus de chiroptères, le Centre antirabique adapte sa prescription au cas par cas, selon les modalités suivantes définies par l'avis du CSHPF de 2005. Il est impérativement recommandé de pratiquer un rappel immédiat et deux modalités peuvent se présenter selon l'avis d'expert :
En cas de résultat sérologique insuffisant (inférieur à 1 UI/ml), le protocole vaccinal post-exposition sera poursuivi et un contrôle sérologique effectué 10 jours après la dernière dose. Il n'est pas indiqué d'administrer des immunoglobulines dans cette situation.
Dans le cas particulier de personnes exposées fréquemment (c'est-à-dire de chiroptérologues mordus de manière récurrente), il paraît illusoire voire contre-productif de proposer un rappel à chaque exposition. Ces personnes se contaminant régulièrement devraient être fortement sensibilisées aux moyens de se protéger voire être dissuadées de manipuler des chauves-souris. Il est néanmoins indispensable que ces personnes soient suivies par un Centre antirabique. Ces situations constituent des cas particuliers pour lesquels aucune donnée ou étude ne permet de proposer une conduite à tenir générale à appliquer dans tous les cas de figure.
Ce nouvel avis est pris en compte par le système expert d'aide à la décision de MesVaccins.net, qui peut être testé ici.
Source : Haut Conseil de la santé publique.