L'Organisation mondiale de la santé précise sa position sur la vaccination antiamarile

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L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pour mission de conseiller ses Etats membres sur les questions de politique sanitaire. A cette fin, elle publie régulièrement des synthèses sur les vaccins et les associations vaccinales utilisés contre les maladies qui peuvent avoir un impact sur la santé publique internationale. Elle vient ainsi de faire connaitre sa position sur la vaccination contre la fièvre jaune. La publication datée du 5 juillet 2013 remplace la précédente, qui datait de 2003. Elle a pris en compte les connaissances acquises dans l'intervalle sur la maladie et son vaccin, a été soumise à différents experts avant d'être approuvée par le Groupe stratégique consultatif d'experts sur la vaccination (SAGE).

La fièvre jaune reste une maladie redoutable, fréquemment mortelle (mortalité de 15 à 30 % selon les épidémies). Elle est aujourd'hui endémique dans 31 pays africains et 13 pays d'Amérique du sud et d'Amérique centrale mais, sans qu'on en connaisse la raison, ne s'est jamais implantée en Asie du Sud-Est. Le virus se maintient dans un réservoir sauvage, constitué de primates et de moustiques. Il est transmis à l'homme de façon sporadique par plusieurs espèces de moustiques très abondants dans les régions tropicales (cycle selvatique, c'est-à-dire dans la forêt vierge, ou intermédiaire). Une transmission interhumaine, plus efficace et responsable de vastes épidémies, peut également se produire dans les zones urbanisées ; elle fait alors intervenir le moustique Aedes aegypti, désormais présent dans toutes les régions tropicales. Ce cycle urbain n'est observé actuellement qu'en Afrique, mais on redoute son apparition dans les grandes villes d'Amérique tropicale ou du Sud-Est asiatique. On ne dispose d'aucun traitement spécifique contre la fièvre jaune déclarée et la vaccination, qui utilise des vaccins dérivés de la souche atténuée 17D mise au point dans les années 1940, est le seul moyen de la prévenir efficacement.

Plusieurs observations permettent de considérer le vaccin antiamarile, dont 540 millions de doses ont été administrées dans le monde, comme l'un des plus efficaces et des plus sûrs. Comme pour tous les vaccins, son administration peut parfois être suivie de réactions bénignes, localisées ou généralisées (fièvre peu élevée, myalgies, céphalées, éruption cutanée). On a aussi observé des réactions sévères, de 3 types : des réactions allergiques, des atteintes neurologiques (YEL-AND), parfois également de nature allergique ou directement provoquées par une infection virale, des atteintes multiviscérales (YEL-AVD) évoquant une fièvre jaune véritable. Les accidents de type YEL-And et YEL-AVD sont rares (0,25 à 0,8 et 0,25 à 0,4 cas pour 100 000 vaccinations, respectivement), mais leur pronostic est extrêmement sévère, avec une létalité atteignant 60 %. Ils ne s'observent que chez des primo-vaccinés, essentiellement les très jeunes enfants (la fréquence des YEL-AND dans cette population a fait contre-indiquer la vaccination avant l'âge de 6 mois et ne pas la recommander avant 8 mois, sauf en cas d'épidémie déclarée) et les sujets de plus de 60 ans, le risque augmentant alors avec l'âge.

Comme pour tout vaccin vivant, l'administration du vaccin antiamaril aux femmes enceintes est contre-indiquée. Elle a toutefois été effectuée en plusieurs occasions, soit par ignorance de l'état de grossesse, soit en raison d'un risque élevé de fièvre jaune (épidémie en cours). Les études consacrées à ces cas sont limitées et contradictoires. L'efficacité vaccinale mesurée varie de 39 % de séroconversion pour des femmes vaccinées durant le 3ème trimestre, à 95 % pour des femmes qui l'ont été durant le 1er trimestre, sans qu'on puisse établir si la différence observée est liée au terme de la grossesse. Certaines études n'ont pas relevé d'augmentation de risque de malformation ou de décès pour le fœtus, alors qu'une étude américaine a suggéré un taux plus élevé d'avortement spontané chez 39 femmes enceintes ayant reçu le vaccin.

Ces données, comme celles qui concernent l'association du vaccin antiamarile à d'autres vaccins ou le rapport coût/efficacité de la vaccination (selon qu'elle et effectuée largement à titre préventif, ou de façon plus ciblée en période d'épidémie), souvent peu argumentées mais de nature à inquiéter les personnes devant se faire vacciner et leurs médecins, ont conduit l'OMS à préciser sa position. Elle tient en plusieurs points :

  • La vaccination garde pour objectif de protéger les populations vivant en zone d'endémie ou d'épidémie et les voyageurs se rendant dans ces zones, et d'empêcher la propagation du virus, par des voyageurs virémiques, dans les pays où il est absent.
  • Une seule dose de vaccin antiamarile suffit pour assurer une protection tout au long de la vie. Aucun rappel n'est nécessaire (mais ces rappels restent pour l'instant exigés par les autorités sanitaires). L'OMS recommande à tous les pays d'endémie d'introduire le vaccin contre la fièvre jaune dans leurs programmes de vaccination.
  • Dans les pays d'endémie, comportant des régions soumises au risque de fièvre jaune, le vaccin antiamaril devrait être administré aux enfants entre 9 et 12 mois, en même temps que le vaccin antirougeoleux. Si la couverture vaccinale est faible, des campagnes de vaccination de masse doivent viser tous les individus de plus de 9 mois.
  • Le vaccin doit être proposé à tous les voyageurs de plus de 9 mois se rendant dans une zone d'endémie ou quittant une telle zone, à moins qu'ils soient déjà vaccinés ou qu'ils présentent une contre-indication.
  • Le vaccin antiamaril peut être proposé aux personnes infectées par le VIH asymptomatiques dont la numération des cellules T CD4 est ≥ 200/mm3. Bien que les données disponibles sur l'innocuité et l'immunogénicité de ce vaccin chez des enfants infectés par le VIH soient limitées, il peut être administré à tous les enfants dont l'état clinique est jugé satisfaisant. Le dépistage du VIH n'est pas obligatoire avant de procéder à la vaccination.
  • Pour les femmes enceintes ou allaitantes, le rapport bénéfice/risque doit être évalué. En cas d'épidémie, il est probable que le bénéfice apporté par la vaccination l'emportera sur le risque d'une transmission du virus vaccinal au fœtus ou au nourrisson. Les femmes enceintes ne pouvant pas éviter de se trouver en zone à risque doivent être conseillées afin de prendre une décision éclairée.
  • La vaccination antiamarile est strictement contre-indiquée chez les enfants de moins de 6 mois et n'est pas recommandée chez ceux de 6 à 8 mois, sauf en cas d'épidémie, lorsque le risque d'infection par le virus de la fièvre jaune est très élevé.
  • D'autres contre-indications à la vaccination antiamarile demeurent : hypersensibilité sévère aux antigènes de l'œuf et immunodéficience sévère (immunodéficiences primaires, troubles thymiques, présence d'une infection à VIH symptomatique ou d'une numération des lymphocytes T CD4 <200/mm3, néoplasmes malins (cancers) traités par chimiothérapie, greffes récentes de cellules souches hématopoïétiques, traitements possédant des propriétés immunosuppressives ou immunomodulatoires : corticoïdes systémiques à hautes doses, médicaments alkylants, antimétabolites, inhibiteurs du TNF-α, agent bloquant l'IL-1 ou autres anticorps monoclonaux visant les cellules immunitaires, exposition actuelle ou récente à une radiothérapie visant les cellules immunitaires.
  • Les personnes de plus de 60 ans présentent un risque majoré, bien que faible, d'effets indésirables potentiellement graves. La prudence est recommandée, et la réalisation de la vaccination devra s'appuyer sur une analyse du rapport risque/bénéfice, confrontant le risque encouru d'exposition à la fièvre jaune et le risque de manifestation post-vaccinale indésirable (MAPI), fonction de l'âge, des antécédents, des pathologies sous-jacentes et traitements associés.
  • La vaccination antiamarile peut être administrée en même temps que d'autres vaccins. En règle générale, tout vaccin vivant peut être administré simultanément ou avec un intervalle de 4 semaines. A noter toutefois que selon les recommandations françaises, en cas de départ imminent en zone d’endémie amarile, les vaccins contre la rougeole et contre la fièvre jaune peuvent être administrés à n’importe quel intervalle. Le vaccin antipoliomyélitique oral (non recommandé en France mais d'un usage répandu dans de nombreux pays), est administrable à un moment quelconque par rapport à la vaccination antiamarile.

L'OMS rappelle enfin que la fièvre jaune et les effets indésirables post-vaccinaux doivent faire l'objet d'une surveillance épidémiologique rigoureuse. Elle devrait servir à identifier des groupes(nourrissons ou personnes infectées par le VIH, notamment)devant bénéficier de mesures spécifiques (2ème dose de vaccin ou injection de rappel par exemple). Des recherches sur l'immunogénicité et l'innocuité du vaccin dans tous les groupes (dont les femmes enceintes et les personnes âgées) et sur les effets de sa co-administration avec d'autres vaccins vivants sont attendues afin de compléter les données actuelles, encore insuffisantes.

Source : Relevé épidémiologique hebdomadaire, 5 juillet 2013, No. 27, 2013, 88, 269–284.