Blessures par raies armées marines et d’eau douce
Le Journal of venomous animals and toxins including tropical diseases, une revue scientifique en accès libre, vient de publier un article de synthèse sur les blessures par raies armées marines et d'eau douce au Brésil. Les raies armées sont des poissons cartilagineux (comme les requins) et venimeux. Les espèces marines (principalement les genre Rhinoptera et Dasyatis) sont habituellement présentes le long des côtes et dans les estuaires des fleuves. Les espèces d'eau douce responsables d'accidents chez l'homme sont surtout représentées par le genre Potamotrygon. Elles sont tapies au fond des rivières et quasiment invisibles grâce à leur camouflage. Leur appareil venimeux consiste en un ou plusieurs aiguillons venimeux situés à la base de la queue et recouverts d'une membrane glandulaire productrice de toxines.
Ces poissons étant peu agressifs, les accidents avec l'homme sont rares. Les victimes sont principalement les pêcheurs qui tentent de les défaire de leurs filets ou de leurs crochets, ainsi que les nageurs et les plongeurs qui leur marchent dessus par inadvertance. Les cas surviennent principalement la journée. Les autorités de santé ont tendance à négliger ces accidents du fait d'une faible mortalité alors que la morbidité reste importante.
De part les circonstances d'accident, plus de 90 % des patients sont blessés au niveau des membres inférieurs. Une douleur majeure est le maître symptôme. Un érythème (rougeur) et un œdème local sont également observés. Une nécrose cutanée péri-lésionnelle est observée dans 75 % des piqûres par raies marines et 100 % des cas pour les raies d'eau douce. Un ulcère avec un aspect typique en section d'oignon peut persister pendant plusieurs mois et peut se compliquer par une surinfection favorisée par les fragments d'aiguillon venimeux laissés en place dans la plaie. Les signes systémiques associent fièvre, sueurs froides, nausées, vomissements, angoisse. Des décès ont été rapportés, liés à des lésions pénétrantes thoraciques ou céphaliques.
Sur place, le traitement de la douleur repose sur le principe du choc thermique (faire passer le membre piqué d'un récipient d'eau froide à un récipient d'eau chaude). L'hospitalisation est la règle afin de procéder à une exploration chirurgicale à la recherche des éventuels fragments et à un parage de la plaie. La prise en charge comprend également une prophylaxie du tétanos, une antibioprophylaxie (traitement préventif de l'infection), des analgésiques locaux et systémiques. L'utilisation des corticoïdes est controversée car elle semble aggraver le délai de guérison de l'ulcère. Il n'existe pas d'antivenin, la production n'étant pas justifiée d'un point de vue épidémiologique. La convalescence peut durer plusieurs mois.
La prévention repose sur l'utilisation d'un bâton pour tapoter le fond de l'eau afin de faire fuir les raies armées. Dans les cas où une manipulation de l'animal est nécessaire (coincé dans un filet par exemple), il est essentiel au préalable d'immobiliser leur queue avec un bout de bois ou tout autre moyen de fortune. Bloquer la queue en marchant dessus, même avec des bottes, est déconseillé. Enfin, les recommandations usuelles pour les plongeurs s'appliquent : éviter de caresser ou d'attraper un animal et faire attention où l'on pose ses mains en plongée.
Source : Haddad V Jr et al. Injuries by marine and freshwater stingrays : history, clinical aspects of the envenomations and current status of a neglected problem in Brazil. J Venom Anim Toxins Incl Trop Dis. 2013. 29;19 :16.