Vers une déclaration obligatoire de la rubéole en France

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Suite à une demande de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les autorités sanitaires françaises ont sollicité le Haut Conseil de la santé publique pour évaluer la pertinence d'une déclaration obligatoire de la rubéole.

1. Rappels sur la rubéole

La rubéole est une maladie bénigne qui passe inaperçue une fois sur deux. Mais sa survenue chez une femme enceinte peut être responsable de morts foetales ou de graves malformations congénitales.

Transmission. L'homme est le seul hôte connu. Le virus de la rubéole se transmet lors de contacts inter-humains directs par les sécrétions rhinopharyngées émises par les personnes infectées. Une transmission indirecte par des objets ou des surfaces fraichement contaminés par des sécrétions rhino-pharyngées est possible. Les urines infectées peuvent être une source de transmission en cas de rubéole congénitale. La gravité de la maladie est liée au passage transplacentaire du virus en cas d'infection d'une femme enceinte pendant les premiers mois de la grossesse. La période de contagiosité s'étend approximativement de 7 jours avant l'éruption à 14 jours après mais la contagiosité est maximale entre 5 jours avant et 6 jours après l'éruption. Les enfants atteints de rubéole congénitale excrètent du virus pendant plusieurs mois. L'incubation, de 16 jours à 18 jours en moyenne , va de 14 jours à 23 jours.

Clinique et diagnostic. Lorsqu'elle est symptomatique, la maladie débute par une fièvre modérée (38,5 °C) suivie d'une éruption maculeuse (tâches rouges sans relief) ou maculo-papuleuse (les papules sont surélevées à la palpation) fugace morbilliforme (c'est-à-dire simulant celle de la rougeole, avec des macules et des papules pouvant confluer en plaques séparées par des intervalles de peau saine) débutant au visage pour s'étendre en moins de 24 heures au tronc et aux membres supérieurs. Elle disparait sans laisser de traces au troisième jour. L'apparition précoce d'adénopathies (ganglions hypertrophiés) derrière les oreilles et à l'arrière du cou est assez caractéristique. Les complications sont rares (atteintes articulaires, neurologiques, thrombopénie) et la mortalité quasi nulle. L'immunité résiduelle est définitive.

Le traitement est symptomatique.

En présence d'une éruption ou après contage, le diagnostic de la rubéole est biologique et repose sur :

  • la mise en évidence du génome du virus de la rubéole par une technique de biologie moléculaire (PCR ou polymerase chain reaction) ;
  • ou la mise en évidence des anticorps dirigés contre le virus de la rubéole (anticorps de type IgM ou IgG).

En cas de passage transplacentaire du virus pendant les premiers mois de grossesse, le risque de malformations congénitales est très élevé (de 70 % à 100 %) quand la primo-infection maternelle survient avant 11 semaines d'aménorrhée ; il varie de 15 % à 80 % entre la 12ème et la 18ème semaine d'aménorrhée pour devenir quasi nul après ce délai. Le passage transplacentaire du virus peut être responsable de mort foetale ou d'une rubéole congénitale malformative ou asymptomatique. L'atteinte au cours de l'embryogenèse se traduit par des malformations du système nerveux central, de l'oeil, de l'oreille interne, de l'appareil cardiovasculaire, isolées ou associées entre elles. La foetopathie se caractérise par un retard de croissance intra-utérin souvent associé à une hépatosplénomégalie, un purpura thrombopénique et une anémie hémolytique. Les enfants atteints d'un syndrome de rubéole congénitale peuvent présenter une déficience auditive, des malformations oculaires ou cardiaques et ultérieurement des maladies ayant une origine auto-immune (diabète sucré, dysfonctionnement de la thyroïde).

2. Les recommandations vaccinales contre la rubéole

Tous les enfants devraient avoir reçu deux doses du vaccin trivalent contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. La première dose est administrée à 12 mois, la deuxième à 16-18 mois.

Les personnes nées depuis 1980 devraient avoir reçu au total deux doses de vaccin trivalent, en respectant un délai minimum d'un mois entre les deux doses, quels que soient les antécédents vis-à-vis des trois maladies. En effet, les personnes qui ont présenté l'une de ces maladies ne sont habituellement pas protégées contre les deux autres et administrer un vaccin vivant atténué à une personne déjà immunisée ne présente aucun inconvénient du fait de l'inactivation du virus vaccinal par les anticorps préexistants.

La vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole est contre-indiquée pendant la grossesse et celle-ci doit être évitée dans le mois suivant la vaccination. Cependant, une vaccination réalisée par inadvertance chez une femme enceinte n'est pas un motif d'interruption de grossesse. Il convient de conseiller aux femmes ayant l'intention de débuter une grossesse de différer leur projet.

Le vaccin contre la rubéole étant d'une efficacité remarquable, les sérologies sont inutiles pour les personnes ayant reçu deux doses de vaccin (deux doses équivalent à une protection acquise définitive contre la rubéole). Si les résultats d'une sérologie confirmant l'immunité de la femme vis-à-vis de la rubéole sont disponibles, il est inutile de la vacciner. De même, il n'est pas nécessaire de revacciner les femmes ayant reçu deux doses de vaccins, quel que soit le résultat de la sérologie. Pour les femmes avec une sérologie prénatale (dépistage obligatoire des IgG depuis 1992) négative ou inconnue, il est recommandé de faire la vaccination immédiatement après l'accouchement, puisque les vaccins vivants sont contre-indiqués pendant la grossesse.

La vaccination contre la rubéole est un remarquable succès : le nombre annuel d’infections maternelles recensées par le réseau Renarub est inférieur à 15, le nombre connu de grossesses interrompues dans un contexte d’infection maternelle inférieur ou égal à 3, le nombre d’infections congénitales inférieur ou égal à 5 et le nombre de nouveau-nés atteints de rubéole congénitale malformative est inférieur ou égal à 3.

3. Demande de déclaration obligatoire de la rubéole : le contexte

Devant ce succès, on pourrait se poser la question de la nécessité d'un renforcement de la surveillance de la rubéole par la mise en place d'une déclaration obligatoire de cette maladie. Voici l'explication.

La rubéole fait l'objet d'un plan de l'OMS pour son élimination. Trois des six régions de l'OMS (dont la région des Amériques) satisfont aux critères d'élimination. Deux des trois autres régions (dont la région Europe) ont pour objectif d'éliminer la rubéole en 2020.

Depuis 2012, l'OMS a mis en place une commission régionale européenne de vérification de l'élimination de la rougeole et de la rubéole (CRV). Selon le dernier rapport de cette commission, 32 États membres de la Région européenne de l'OMS ont interrompu la transmission endémique de la rougeole et/ou de la rubéole au cours de la période 2012-2014 : 21 pour la rougeole et 20 pour la rubéole. En France, la transmission endémique de la rubéole s'est poursuivie. Comme l'ensemble des pays de la zone Europe de l'OMS, la France s'est engagée à éliminer la rougeole et la rubéole. Or la mise en place d'une notification individuelle des cas de rougeole et de rubéole est nécessaire pour être en mesure de certifier l'élimination de ces maladies. Seuls quatre pays (dont la France) ne disposent pas d’un système de notification de la rubéole. En effet, si la notification obligatoire de la rougeole a été mise en place dès 2005, il n'existe pas en France de système de surveillance de la rubéole en population générale. Cette surveillance s'exerce uniquement sur les infections materno-foetales grâce au réseau Renarub, qui comprend à ce jour environ 150 laboratoires publics et privés. Le suivi des infections est assuré grâce à la coopération exercée entre ces laboratoires, le centre national de référence (CNR) de la rubéole et l'agence nationale Santé publique France.

4. Les recommandations du Haut Conseil de la santé publique concernant la déclaration obligatoire de la rubéole

Outre la position relativement isolée de la France au sein de l'Europe sur cette question, d'autres éléments plaident en faveur de la mise en place d'une déclaration obligatoire de la rubéole :

  • Plusieurs éléments (nombre très faible de cas de rubéole observés, niveau de la couverture vaccinale contre une maladie bien moins contagieuse que la rougeole avec un vaccin de plus grande efficacité et séroprévalence élevée) montrent que la situation française est proche de l'élimination. Dès lors, la charge de travail liée à la déclaration obligatoire devrait être limitée. En situation d'élimination, chaque état doit être en mesure de prouver que l'absence de cas notifié n'est pas liée à une défaillance de son système de surveillance.
  • L'expérience anglaise montre que le système de surveillance peut s'appuyer pour la confirmation des cas sur les prélèvements salivaires, qui sont plus acceptables et pourraient être pratiqués directement par les patients ou leur famille.
  • La survenue de bouffées épidémiques localisées ne peut être exclue en raison des disparités régionales et selon le type de population : la déclaration obligatoire devrait permettre de repérer ces cas groupés et la mise en place de campagnes de vaccination de rattrapage dans les populations concernées.
  • La couverture vaccinale plus élevée chez les femmes que chez les hommes ne garantit pas l'absence de circulation du virus chez les hommes, si on se contente de surveiller les infections rubéoleuses durant la grossesse.
  • La mise en place de cette déclaration devrait permettre de pérenniser et d'améliorer la surveillance des infections rubéoleuses pendant la grossesse et d'améliorer la surveillance de la rubéole congénitale, notamment grâce à la prise en compte des cas de rubéole congénitale malformative diagnostiqués après la naissance.

Une procédure de mise en oeuvre de la déclaration obligatoire est présentée dans ce rapport du Haut Conseil à titre indicatif. Elles devra être définie plus précisément avec Santé publique France.

La surveillance renforcée de la rubéole devra permettre d'identifier les éventuels cas groupés de rubéole témoignant d'une circulation localisée du virus. A partir des données de la surveillance, des actions de promotion de la vaccination pourront être menées dans l'optique de la prévention des rubéoles materno-foetales. Elle conduira à une évolution du réseau Renarub vers l'investigation complémentaire des infections materno-foetales. Le but ultime de cette surveillance utilisant la déclaration obligatoire est l'élimination de la rubéole. Compte tenu de l'excellente efficacité du vaccin, cette déclaration serait ciblée sur la confirmation du diagnostic de rubéole chez des personnes non correctement vaccinées ou sans preuve d'immunité antérieure. La confirmation pourrait être biologique ou par un lien avec un cas confirmé biologiquement.

5. Les nouvelles définitions de cas

Les nouvelle définitions de cas proposées dans le rapport sont les suivantes (les changements par rapport aux définitions antérieures sont indiqués en gras).

5.1. En population générale

Toute personne (à l'exclusion des femmes enceintes) n'ayant reçu aucune dose de vaccin contenant la valence rubéole ou ayant un statut vaccinal inconnu, qui présente une éruption maculo-papuleuse avec ou sans fièvre,

ET cliniquement, au moins l'un de ces symptômes :

  • adénopathies cervicales, sous occipitales ou rétro-auriculaires ;
  • arthralgie ;
  • arthrite.

ET sur le plan biologique,

  • une recherche virale positive par PCR ou un dosage d'IgM positif dans le liquide salivaire ou le sérum OU qui a été en contact avec un cas de rubéole confirmé dans les 12 jours à 23 jours précédant l'éruption.

5.2. Chez la femme enceinte

Toute femme en cours de grossesse ayant reçu moins de deux doses de vaccin contenant la valence rubéole , qui présente une éruption maculo-papuleuse avec ou sans fièvre, ET une recherche d'IgM positive sur des prélèvements sanguins,

OU toute femme en cours de grossesse qui présente une séroconversion pour la rubéole entre la 12ème et la 20ème semaine d'aménorrhée.

5.3. Syndrome de rubéole congénitale (SRC)

Chez le nourrisson ( de moins d'un an ) : surdité neurosensorielle et/ou anomalies oculaires (cataracte, microphtalmie, glaucome, rétinopathie pigmentaire, choriorétinite) et/ou microcéphalie, et/ou anomalies cardiovasculaires (rétrécissement pulmonaire, persistance du canal artériel ou communication interventriculaire).

En période néonatale : les mêmes manifestations et/ou méningoencéphalite, pneumonie interstitielle, hépatite, hépatosplénomégalie, purpura, retard de croissance,

ET sur le plan biologique,

  • détection du virus dans les urines, les sécrétions pharyngées, le liquide cérébrospinal (LCS) ou le cristallin ;
  • OU présence d'IgM dans le sérum.

 

Les cas sont identifiés par les cliniciens et les déclarations obligatoires sont complétées sur un document spécifique. Tout cas de rubéole résidant, même provisoirement, sur le territoire français devra être notifié à l'Agence régionale de santé (ARS) du lieu d'exercice du clinicien. Pour ce qui est des cas en population générale, l'ARS devra alors envoyer systématiquement un kit de prélèvement salivaire pour confirmer le cas, soit au médecin déclarant soit au cas lui-même (ou à sa famille). La mise à disposition de kits salivaires dans les services d'urgences pédiatriques est jugée souhaitable.