Coronavirus : il existe une immunité croisée et une mémoire immunitaire
Un vaccin est considéré comme le principal sinon l'unique moyen de protéger partout les populations contre le SARS-CoV-2 (le coronavirus responsable de lacovid 19). Cependant, depuis l'émergence du virus fin 2019, des questions sur la possibilité d'une réponse immunitaire durable apte à protéger d'une infection ou d'une ré-infection restent sans réponse. En effet, il a été observé que l'immunité qui se développe chez l'homme à l'occasion d'une infection par un des coronavirus déjà connus, responsables de rhume, était généralement de courte durée (quelques mois) et ne protégeait pas contre une nouvelle infection par le même virus. Concernant le SARS-CoV-2, on manque encore de recul depuis le début de la pandémie pour connaitre la durée de l'immunité protectrice développée par les convalescents de covid 19. La possibilité de ré-infection est encore débattue, la preuve étant difficile à apporter : certaines infections sont asymptomatiques, la durée de portage du virus est longue chez certains sujets, les tests de mise en évidence du virus, dont la RT-PCR, peuvent détecter des traces alors que le virus n'est plus infectieux, ou au contraire manquer de sensibilité. On ignore donc si les anticorps qui apparaissent chez les sujets infectés, qu'ils aient été malades ou asymptomatiques, sont aptes à protéger en cas de nouveau contact avec le virus, et pendant combien de temps. La capacité d'un vaccin à faire au moins aussi bien que l'infection naturelle est ainsi l'objet d'interrogation, sinon d'inquiétude.
L'étude de P. Nguyen-Contant et coll.parue dans mBio apporte quelques éléments de réponse. Elle a porté sur des sujets non infectés par le SARS-CoV-2 et des convalescents de covid 19, dont les anticorps et les cellules immunitaires ont été testés vis-à-vis de plusieurs antigènes du virus. Ceux-ci étaient soit spécifiques de SARS-CoV-2 (domaine de fixation au récepteur de la protéine de surface, RBD), soit au contraire communs à d'autres coronavirus (région S2 de cette protéine). Les chercheurs font deux observations importantes. D'une part, alors que les sujets jamais infectés par le SARS-CoV-2 n'ont pas d'anticorps dirigés contre le domaine RBD, beaucoup d'entre eux en ont qui reconnaissent la région S2. D'autre part, les convalescents de covid 19 présentent des taux élevés d'anticorps contre tous les antigènes du virus et des lymphocytes B mémoire spécifiques de ces antigènes. Les chercheurs concluent que l'immunité développée contre un coronavirus pourrait assurer un certain niveau de protection contre d'autres coronavirus et que cette immunité, qui met en jeu des cellules mémoire, pourrait être durable. Avant eux, des chercheurs qui s'étaient intéressés à l'immunité cellulaire (lymphocytes T "helper" et cytotoxiques) étaient parvenus à une conclusion similaire.
Outre que ces observations donnent quelques motifs d'optimisme, elles sont précieuses pour la mise au point ou l'amélioration des vaccins, qui peuvent être conçus pour favoriser certaines composantes de la réponse immunitaire.
Références
- P. Nguyen-Contant, A. Karim Embong et coll. S Protein-Reactive IgG and Memory B Cell Production after Human SARS-CoV-2 Infection Includes Broad Reactivity to the S2 Subunit. DOI: 10.1128/mBio.01991-20
- A. Grifoni, D. Weiskopf et coll. Targets of T cell responses to SARS-CoV-2 coronavirus in humans with COVID-19 disease and unexposed individuals. May 14, 2020 DOI:10.1016/j.cell.2020.05.015