Covid 19 : de plus en plus d'arguments en faveur d'une immunité de longue durée, mais très variable selon les individus

Publié le 16 jan. 2021 à 13h11

Biographie

MD, PhD, ancien directeur scientifique de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), Brétigny sur Orge, France.

Habilitation à diriger les recherches.

Enseignant à l’Ecole du Val-de-Grâce, à l’université d’Aix-Marseille, à l’Institut de formation en soins infirmiers Saint Joseph, Marseille.

Expert auprès de Santé publique France, de la Haute autorité de santé (HAS) et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC).

Membre du Comité de protection des personnes (CPP) Sud-Ouest et Outre-mer II.

Liens d'intérêt

Absence de lien avec l’industrie pharmaceutique.

Aucune participation à des études cliniques de médicaments ou vaccins.

Déclaration établie le 2 janvier 2012, mise à jour le 21 septembre 2021.

Depuis le début de l'épidémie de covid 19, on s'interroge sur la durée de l'immunité qui se développe à l'occasion de l'infection, censée nous protéger contre une deuxième infection ou ses effets. Cette immunité acquise, spécifique du microorganisme responsable et qu'on cherche à obtenir par la vaccination, est généralement durable et nous évite les récidives de la plupart des maladies infectieuses. Mais alors qu'elle nous protège pendant plusieurs années et parfois à vie contre certaines maladies, les observations faites sur les infections par les coronavirus font craindre qu'elle ne soit que de très courte durée dans ce type d'infection. En effet, les coronavirus responsables de rhumes banals sont capables de nous réinfecter tous les hivers, et les données dont on dispose pour deux coronavirus apparus avant le SARS-CoV-2 et associés à des syndromes respiratoires sévères, le SARS-CoV-1 (2002) et le MERS-CoV (2012), sont encore insuffisantes et parfois discordantes (1).

Très tôt, à la lumière de ces connaissances imparfaites, les chercheurs se sont intéressés à l'immunité chez les personnes infectées par le SARS-CoV-2, malades et asymptomatiques. Beaucoup d'études se sont portées sur les anticorps, qui constituent la première ligne de défense et sont plus faciles à étudier. Elles ont montré que les anticorps apparaissent assez tardivement, pour atteindre des taux différents selon le type d'infection (asymptomatique ou symptomatique, d'évolution bénigne ou grave), et que ces taux pouvaient diminuer rapidement chez beaucoup de convalescents. Toutefois, ce n'est qu'avec le temps et en étudiant les cas des premières personnes infectées par le virus que l'on peut préciser ces connaissances.

L'immunité acquise a plusieurs composantes. Alors que les anticorps (produits pas des lymphocytes B activés devenus des plasmocytes) et les cellules T cytotoxiques (CD8+) neutralisent ou éliminent les agents infectieux, d'autres cellules ont pour rôle d'aider la réponse immunitaire à se développer (lymphocytes T "helper" CD4+). Toutes ces cellules deviennent très nombreuses tant que l'infection se développe, en provoquant éventuellement une maladie, mais, en raison de leur durée de vie courte, leur nombre diminue très vite après la guérison, jusqu'à devenir difficilement détectable. Cependant, une autre population de cellules, composée de lymphocytes B et T à durée de vie longue, va permettre de garder le souvenir de l'infection. En cas de nouveau contact avec le même agent infectieux, ces cellules "mémoires" rendent la réponse immunitaire plus rapide et efficace, empêchant la réapparition de la maladie. La persistance d'anticorps ou de cellules effectrices cytotoxiques n'est donc pas le seul indicateur de l'existence d'une immunité qui peut être protectrice.

L'équipe de J.M. Dan a analysé toutes les composantes de l'immunité chez des personnes infectées par le SARS-CoV-2 entre 1 et 8 mois auparavant (2). Sur les 188 cas étudiés, certains avaient présenté des formes asymptomatiques (2 %), la majorité des formes bénignes de covid 19 (90 %), alors que 7 % avaient dû être hospitalisés pour des formes modérées ou graves. Sur les 254 échantillons prélevés pour analyse, 43 l'ont été plus de 6 mois après l'infection. Ils ont permis aux chercheurs de mettre en évidence que des anticorps (IgG) dirigés contre la protéine S du virus se maintenaient à un taux relativement stable sur la période observée, alors que les cellules B mémoires spécifiques de cet antigène étaient plus abondantes à 6 mois qu'à 1 mois après le début de l'infection et se maintenaient au 8ème mois. Les populations de lymphocytes T CD4+ et CD8+ déclinaient par contre sensiblement à partit du 3ème mois.

Il semble donc qu'une infection par le SARS-CoV-2 puisse laisser, au moins chez certaines personnes, une immunité durable, susceptible de constituer une protection en cas de nouvelle rencontre avec le virus. Une vaste étude menée chez des professionnels de santé au Royaume-Uni (SIREN) (3) montre que la première infection réduirait de 83 % le risque d'être infecté une deuxième fois. Auparavant, d'autres études ont montré que l'immunité contre les coronavirus pouvait même être croisée : développée à l'occasion d'une infection par un coronavirus du rhume, elle peut être active secondairement contre le SARS-CoV-2 (actualité du 11/10/2020).

La persistance d'une immunité est la règle, mais on observe une grande variabilité dans ses composantes. Ces variations doivent être corrélées avec l'existence, ou non, d'une protection effective contre une réinfection, ou au moins contre une forme clinique grave de covid 19. Une immunité acquise peut également se traduire parfois par une "facilitation" rendant la 2ème infection plus agressive. Les études qui s'intéressent aux quelques cas où la réalité d'une deuxième infection a bien été établie commencent à donner des informations. Dans l'étude SIREN, des réinfections ont été identifiées chez moins de 1 % de 6 600 participants ; il a été montré que chez beaucoup d'entre eux, même lorsqu'ils ne présentaient que des infections asymptomatiques, le virus était très abondant au niveau de la gorge et du nez et pouvait donc être transmis. L'étude doit encore déterminer si les réinfections sont globalement plus ou moins graves que les infections initiales, et quels sont les facteurs qui les rendent possibles. Il apparait en effet dans toutes ces études que les individus réagissent de façon très variable à l'infection par le SARS-CoV-2, présentant une grande hétérogénéité dans la nature et le niveau des composantes de l'immunité mises en jeu.

Malgré les progrès réalisés, les connaissances sur l'immunité anti-covid 19 restent incomplètes, mais certaines ne seront acquises qu'avec le temps et un recul suffisant. Elles seront très utiles dans plusieurs domaines : la clinique et la prise en charge des malades, l'adaptation des mesures de protection en population générale, celle des stratégies vaccinales et peut-être des vaccins eux-mêmes.

Références

  1. Tolou H. Covid 19 et immunité : la Haute Autorité de santé fait le point des connaissances. MesVaccins, 10 décembre 2020.
  2. J.M. Dan, J. Mateus et coll., Immunological memory to SARS-CoV-2 assessed for up to 8 months after infection. Science(2021).
  3. Etude SIREN - COVID reinfections are unusual — but could still help the virus to spread.