Il est possible de vacciner les femmes enceintes dès le premier trimestre de grossesse

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Le ministre de la santé, Olivier Véran, l'avait annoncé le mardi 20 juillet 2021 : les femmes enceintes peuvent être vaccinées contre la covid 19 dès le premier trimestre avec un vaccin à ARNm (Comirnaty de BioNTech-Pfizer ou Spikevax de Moderna). Cette annonce vient d'être confirmée par la Direction générale de la santé dans un message "DGS-Urgent" [1].

Les données et textes supportant cette recommandation ont été apportés par le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale (COSV) dans un avis du 21 juillet 2021 [2], l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, dossier thématique "COVID-19 - Vaccins et femmes enceintes" et rapport de l'enquête de pharmacovigilance sur les effets indésirables des vaccins Covid19 chez les femmes enceintes et allaitantes [3]) et le centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT, avis du 30 juillet 2021).

La vaccination des femmes enceintes à partir du deuxième trimestre de grossesse est recommandée depuis le 3 avril 2021. L'objectif de cette vaccination est d’éviter les complications obstétricales et les conséquences pour le foetus au cours du troisième trimestre (avis du COSV du 6 avril 2021). Considérant qu'il n’y a pas d'argument pour considérer qu’une vaccination plus précoce présenterait un danger pour l’embryon ou le foetus, le COSV propose que la vaccination pour les femmes enceintes qui le souhaiteraient soit possible au cours du premier trimestre de la grossesse.

Toutefois, la DGS précise que la vaccination ne peut être requise dans le cas de l’obligation faite aux professionnelles avant le début du deuxième trimestre de grossesse.

La sécurité vaccinale de la vaccination contre la covid 19 chez les femmes enceintes.

Selon le dernier rapport de pharmacovigilance de l'ANSM sur la vaccination anti-covid des femmes enceintes, la majorité des événements indésirables rapportés après l'administration du vaccin à ARNm Comirnaty, qui est le plus utilisé chez les femmes enceintes, sont des fausses couches (28 cas rapportés). Ce chiffre semble faible, les fausses couches étant très fréquentes en population générale (de 12 à 20 % selon les études). Dans plusieurs cas, il existait des facteurs de risque de fausse couche tels que l’obésité, des antécédents de fausse couche ou un âge supérieur à 35 ans. Pour ces fausses couches spontanées, le lien avec la vaccination ne peut pas être établi.

Ces données sont toutefois difficiles à interpréter car le dénominateur (le nombre de femmes enceintes vaccinées) n'est pas connu. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle MesVaccins a proposé d'utiliser l'outil de pharmacovigilance renforcée associé au carnet de vaccination électronique, celui-ci permettant, avec la participation des citoyens, d'obtenir un recueil exhaustif des événements indésirables post-vaccinaux et leur comparaison avec un groupe contrôle, ce qui permettrait de prouver la non responsabilité du vaccin. On peut ainsi rappeler qu'une étude réalisée par Steven Black avait montré que, pour 10 000 femmes enceintes, le chiffre attendu d'avortements spontanés est de 170.

En lien avec les Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), l’ANSM souhaite consolider ces données en mettant en place une étude de cohorte prospective pour laquelle elle fait appel à des femmes enceintes volontaires, enceintes et vaccinées contre la covid 19.

Le CRAT rappelle que les vaccins à ARNm contre la covid 19 ne sont pas tératogènes ni foetotoxiques chez l’animal. Les données publiées à ce jour concernent environ 4 000 femmes vaccinées en cours de grossesse suivies dans un registre : 25 % ont été vaccinées au premier trimestre, 50 % au deuxième trimestre et 25 % au troisième trimestre.
Sept cent enfants sont nés de mères vaccinées au troisième trimestre sans problème particulier. L’issue des grossesses vaccinées au premier ou au deuxième trimestre n'est pas encore connue car les grossesses sont en cours.

Par ailleurs, la tolérance vaccinale est identique à celles de femmes non enceintes.

En conclusion, les données de la littérature et du suivi de pharmacovigilance ne mettent pas en évidence, à ce jour, un risque de la vaccination contre la covid 19 chez la femme enceinte.

Bénéfices de la vaccination pendant la grossesse.

Les femmes enceintes sont un groupe à risque de formes graves et la vaccination est particulièrement efficace contre ces formes graves.

Par rapport à une femme non enceinte infectée par le SARS-CoV-2, une femme enceinte a 2,13 fois plus de risque d’admission en soins intensifs, et 2,59 fois plus de risque d’avoir besoin d’une ventilation mécanique. Par rapport à une femme enceinte non infectée, il y a un risque multiplié par 18 d’admission en soins intensifs, par 2,8 de perte fœtale et par 5 d’admission du nouveau-né en soins intensifs.

Ces chiffres sont très augmentés en cas de maladie chronique associée : par exemple, la mortalité maternelle est multipliée par 15 en cas de diabète préexistant et le risque de recours à une ventilation mécanique est multiplié par 64 en cas d'hypertension artérielle chronique. Il existe de plus en plus d’arguments en faveur d’un risque augmenté de mort_in utero_ en cas de covid chez la femme enceinte et une augmentation des complications hypertensives de la grossesse. Les atteintes placentaires sont fréquentes, en relation avec le risque de retard de croissance_in utero_.

Efficacité vaccinale contre la covid chez la femme enceinte.

Bien que ne reposant que sur un faible nombre de patientes évaluées, les premières données montrent que la réponse vaccinale chez la femme enceinte est équivalente à celle des femmes non enceintes qui ont eu la covid. Une transmission des anticorps neutralisants maternels au nouveau-né à travers le placenta a été observée, sans que l’on puisse conclure à une protection. Ces données semblent confirmées par une étude multicentrique comparant 86 femmes enceintes vaccinées, 65 femmes enceintes infectées et 62 contrôles (femmes enceintes ni vaccinées ni infectées), mettant en évidence une réponse humorale (production d'anticorps) maternelle robuste et se transmettant efficacement au foetus après vaccination prénatale par un vaccin à ARNm. Chez le foetus, les titres en anticorps sont proches des titres maternels dans les 15 jours suivant la première dose.

La réponse immunitaire est plus importante chez les femmes vaccinées que chez les femmes ayant une infection confirmée. Il existe également un transfert d’anticorps dans le lait mais les IgA sont transmis à un taux plus bas, sauf chez les femmes allaitantes vaccinées pendant la grossesse.

Ces études ne permettent néanmoins pas de corréler l’immunogénicité et la protection réelle conférée. Nous avons récemment rapporté les résultats d'une étude en vie réelle qui montre une légère baisse de l'efficacité vaccinale chez les femmes enceintes par rapport à la population générale.

Références

  1. Message DGS-Urgent n° du 30 juillet 2021. Vaccination des femmes enceintes au premier trimestre, vaccin à ARNm après une première dose de vaccin AstraZeneca (Vaxzevria), infection juste après la vaccination.
  2. Avis du 21 juillet 2021 du conseil d’orientation stratégique sur la vaccination anti Covid concernant la vaccination des femmes enceintes au cours du 1er trimestre.
  3. ANSM - Enquête de Pharmacovigilance sur les effets indésirables des vaccins Covid 19 chez les femmes enceintes et allaitantes - Rapport n° 3 du 27/12/2020 au 01/07/2021.

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