Evolution des recommandations vaccinales contre la covid 19 pour les adolescents

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Lorsqu'ils sont infectés par le SARS-CoV-2, les sujets jeunes présentent le plus souvent des formes asymptomatiques ou légères. La population pédiatrique (0-17 ans) ne se retrouve que dans 2 % des hospitalisations pour covid 19 en soin classique, et 1 % en soin critique. Depuis le début de l'épidémie en France, seuls 10 décès d'enfants ont été imputés à la covid, dont 8 survenus chez des enfants porteurs de facteurs de risque. Des formes particulières de l'infection, dont le syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS), ont été observées, mais elles restent rares et leur pronostic vital est généralement favorable (voir cette actualité du 1er aout).

La population des enfants et adolescents n'a donc pas été considérée prioritaire pour la mise en œuvre de certaines mesures de protection, particulièrement les vaccins dont la disponibilité a été progressive. D'autre part, la mise au point de ces vaccins est passée par des essais cliniques initiaux (phase 1 à 3) dont sont généralement exclus a priori les sujets de moins de 18 ans. A présent, alors que la vaccination s'étend et apparait comme une mesure efficace et nécessaire pour établir, en population générale, une immunité protectrice contre les formes de covid qui nécessitent une hospitalisation, se pose naturellement la question de l'immunisation des plus jeunes.

La Haute Autorité de santé (HAS a rendu deux avis à près de deux mois d'intervalle sur la vaccination des adolescents, chacun faisant suite à l'autorisation délivrée par l'agence européenne des médicaments (EMA) d'utiliser le vaccin Comirnaty puis le vaccin Spikevax dans cette tranche d'âge.

Les enjeux sont nombreux et importants, et en pratique, ils ne concernent plus aujourd'hui que les vaccins à ARN, puisque les vaccins vectorisés de Janssen (Janssen COVID-19 Vaccine) et d'AstraZeneca (Vaxzevria) ne sont recommandés que chez les plus de 55 ans :

  • Bien que les études aient commencé, on dispose de peu de données sur la sécurité et l'efficacité des vaccins chez les plus jeunes. La décision de les vacciner repose donc sur une estimation de la balance bénéfice/risque qui pourrait être remise en question à l'avenir avec la progression de la couverture vaccinale.
  • Si l'efficacité des vaccins contre les formes graves de covid 19 est bien établie et se maintient en présence des variants identifiés, dont le variant Delta qui devient prépondérant, cette efficacité est moindre contre l'infection elle-même et donc contre le portage et la transmission éventuelle du virus. Or, l'infection des jeunes représente plus un risque de contamination secondaire des plus fragiles que de maladie grave, et leur vaccination serait avant tout altruiste.
  • Même si l'impact de la covid 19 est modéré chez les jeunes, il est loin d'être nul, à plus forte raison si on fait intervenir les effets collatéraux de l'infection (effets sur la vie sociale, l'éducation). Coïncidant avec la diffusion du variant Delta, l'incidence des cas d'infection dans la tranche 10-19 ans, passée par un minimum de 26 pour 100 000 fin juin, est montée à 132 dans la semaine du 11 au 17 juillet. Seule une immunisation très large, dans toutes les tranches d'âge accessibles, semble en mesure d'atténuer cet impact, en limitant la nécessité de recours aux mesures barrières : fermetures de classes, contraintes sur l'accès aux événements et structures diverses (spectacles, sports, distractions, …).
  • On n'a pas encore élucidé les mécanismes des complications de la covid 19 observées chez l'enfant, particulièrement le PIMS qui se développe en moyenne 4 à 5 semaines après le début de l'infection, mais un mécanisme immunitaire est suspecté. En l'absence de connaissances plus précises, la survenue de ce syndrome constitue une contre-indication à une vaccination ultérieure contre le SARS-CoV-2.
  • Un autre domaine où les connaissances font encore défaut est celui des effets durables, variables et potentiellement évolutifs de l'infection, un "covid long" dont l'existence et la définition sont encore discutées et qui constituerait une menace potentielle pour tous les sujets infectés, que l'infection ait été apparente et diagnostiquée ou non. La persistance de certains symptômes (fatigue, essoufflement, perte du goût et de l'odorat, troubles de la concentration et de la mémoire) pourrait également affecter des sujets jeunes. On manque de recul pour appréhender les effets de la vaccination sur ces formes, même si certaines observations semblent indiquer un effet non seulement protecteur mais aussi curatif (des personnes présentant des symptômes longtemps après le début de l'infection ont vu leur état s'améliorer après une vaccination).

Dans les documents publiés, la HAS avance plusieurs arguments :

  • Le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech a été évalué chez des jeunes de 12 à 15 ans et la réponse obtenue (production d'anticorps) s'est révélée non inférieure à celle observée dans la tranche 16-25 ans. Les essais sont en cours pour le vaccin Spikevax, et les données préliminaires indiquent également un bon niveau d'efficacité sur les formes symptomatiques d'infection. Les effectifs concernés sont toutefois peu nombreux, et la rareté des formes graves de covid 19 chez les jeunes fait que la protection contre ces formes n'est pas encore évaluée.
  • Les observations faites en "vie réelle" sur les vaccins à ARN depuis leur mise en service dans plusieurs pays (Israël, Etats Unis, Royaume Uni) suggèrent qu'ils sont efficaces contre la transmission du virus. Ces données obtenues chez l'adulte doivent toutefois être confirmées, particulièrement en présence du variant Delta.
  • Les données de tolérance sont également rassurantes. Les effets indésirables observés chez les sujets jeunes sont de même nature que dans les autres tranches d'âge, le plus souvent locaux, transitoires et d'intensité légère à modérée. Un risque de myocardite/péricardite lié aux vaccins à ARN a toutefois été signalé, touchant particulièrement les hommes jeunes. Aucun cas n'a été observé lors du suivi, sur une période médiane de 2 mois, de 2 260 adolescents âgés de 12 à 15 ans vaccinés avec Comirnaty, mais la surveillance doit être poursuivie. Cette surveillance portera également sur d'éventuels cas de PIMS en lien avec la vaccination, dont aucun n'a été rapporté à ce jour.
  • Au vu des données disponibles, l'EMA a considéré que le bénéfice de la vaccination des jeunes de 12 à 15 ans l'emportait sur les risques. Elle a autorisé l'utilisation du vaccin Comirnaty chez les 12-15 ans le 28 mai 2021 (Comirnaty était déjà autorisé à partir de 16 ans), et celle de Spikevax chez les 12-17 ans le 23 juillet. L'ANSM a également considéré le rapport bénéfice/risque du vaccin Spikevax dans cette tranche d'âge comme favorable le 27 juillet.

Dans un document daté du 2/06/2021, "la HAS estime que le vaccin Comirnaty peut être utilisé à partir de l'âge de 12 ans, comme le prévoit son AMM conditionnelle, conformément à la stratégie de vaccination recommandée précédemment :

  • en priorité chez les adolescents présentant une comorbidité ou chez les adolescents appartenant à l’entourage d’une personne immunodéprimée ou vulnérable ;
  • chez les adolescents sans comorbidité, dès lors que la campagne de vaccination de la population adulte sera considérée comme suffisamment avancée."

Dans le document du 27/07/2021, "la HAS estime que le vaccin Spikevax peut être utilisé à partir de l'âge de 12 ans, comme le prévoit son AMM conditionnelle, conformément à la stratégie de vaccination recommandée précédemment (et qui jusqu’à présent reposait uniquement sur le vaccin Comirnaty) :

  • en priorité chez les adolescents présentant une comorbidité ou chez les adolescents appartenant à l’entourage d’une personne immunodéprimée ;
  • et plus largement chez tous les adolescents à partir de 12 ans sans comorbidité, afin de diminuer la circulation virale, de permettre aux adolescents de normaliser leur vie sociale et de maintenir leur accès à l’éducation."

Même si les avis ont été différés, au final peu de différences sont faites entre les deux vaccins à ARN dont les données d'efficacité et de tolérance sont concordantes. Toutefois, alors que la seule contre-indication rappelée pour Comirnaty est un antécédent d'allergie immédiate grave à l'un des composants du vaccin, l'utilisation de Spikevax n'est pas recommandée en cas d'antécédent de PIMS ou de myocardite/péricardite ayant fait suite à une première injection. Mais cette contre-indication, qui n'était pas identifiée lors de l'avis sur Comirnaty, concerne bien les deux vaccins à ARN autorisés dans l'Union européenne (DGS-Urgent du 13 juin 2021).

L'épidémie se prolonge et s'amplifie même dans certains territoires, elle continue de faire des dégâts dans de nombreux domaines. La vaccination est à coup sûr l'un des moyens les plus efficaces dont nous disposions pour y mettre fin et des décisions doivent être prises et appliquées. Les documents émis par la HAS, intitulés "recommandations" sont très complets (123 pages pour Comirnaty, 95 pour Spikevax) et surtout conçus pour éclairer la décision des autorités sanitaires. Une information plus concise devrait être adressée aux citoyens afin d'entraîner leur adhésion. Même si nos connaissances ne sont pas à ce jour exhaustives et doivent continuer de progresser, la décision de vacciner doit être prise sans trembler, au risque sinon d'entretenir des hésitations ou des doutes préjudiciables. Le carnet de vaccination électronique a entre autres pour ambition d'aider à cette prise de décision en présentant une conduite à tenir personnalisée, sous la forme d'un "diagnostic vaccinal" établi en fonction des caractéristiques de la personne et du contexte à l'instant où ce diagnostic est consulté.

Au fur et à mesure de l'expérience acquise au cours du déroulement de la campagne de vaccination, les conditions pratiques de sa mise en oeuvre évoluent. Le projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire prévoit de nouvelles dispositions pour la vaccination des enfants. Ainsi les adolescents âgés de 12 à 16 ans pourront se faire vacciner avec l’accord écrit d’un seul parent et les plus de 16 ans sans accord parental. La présence d’un parent de l’adolescent est recommandée mais n’est pas obligatoire pendant la vaccination (DGS-Urgent 2021-61 du 18 juin). Le ministère de la santé a ajouté sur son site internet une page dédiée à la vaccination des mineurs, avec les réponses à la plupart des questions que peuvent se poser les adolescents et leurs parents.

Source : Haute Autorité de santé.

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