Vaccination anti-covid 19 : raccourcissement du délai entre primovaccination et rappel et réflexions sur l'évolution des recommandations

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Il a été démontré que l’immunité conférée par une primovaccination (2 doses de vaccin à ARN ou de Vaxzevria, 1 dose de COVID-19 Vaccine Janssen) devait être restimulée au bout de quelques mois en raison de la diminution des taux d’anticorps et de la protection contre l’infection constatée chez tous les individus, dans toutes les tranches d’âge. Ce rappel s’est également révélé nécessaire pour les individus infectés par le SARS-CoV-2, dont l’immunité décroit rapidement et rend possible des réinfections.

Un délai de 6 mois entre primovaccination ou infection et dose de rappel a tout d’abord été retenu car il est connu pour être optimal pour renforcer l’immunité après une stimulation initiale. Un délai plus court pourrait se montrer moins performant car le système immunitaire peut se trouver dans un état de moindre réactivité s’il est trop rapidement resollicité par les mêmes antigènes après un premier contact. Avec l’arrivée du variant Omicron, qui se répand alors que les autres souches virales (dont Delta) continuent de produire des infections graves chez les personnes mal protégées. Même avec le variant Delta, les données israéliennes montrent que la protection diminue significativement dès 4 mois. Craignant une saturation des structures accueillant les malades les plus graves, les autorités de santé françaises ont décidé d’autoriser le rappel après un délai minimal de 3 mois (avis de la HAS du 23 décembre 2021 et communiqué de la DGS du 28 décembre 2021) (1,2). Cette mesure a pour but d’accélérer le nécessaire renforcement de l’immunité dans une proportion aussi élevée que possible de la population. Au 14 décembre, 23,8 % de l'ensemble de la population totale (éligible ou non) avaient reçu une troisième dose de vaccin.

La recommandation s’appuie sur des données disponibles, dont certaines restent toutefois incomplètes :

  • Le variant Omicron, très éloigné génétiquement et antigéniquement des variants précédents, se répand partout rapidement. La protection conférée par la primovaccination contre ce variant est très faible alors que la dose de rappel restaure la protection (bien qu'à un niveau inférieur par rapport au variant Delta). Par ailleurs, la moindre pathogénicité de ce variant semble maintenant être établie.
  • L’administration de doses de rappel déjà effectuée dans de nombreux pays n’a pas mis en évidence de problème nouveau de sécurité. Les effets indésirables sont restés ceux observés avec la primovaccination.
  • Il est démontré que l’administration d’une troisième dose de vaccin entre 3 et 6 mois après la primovaccination, quel que soit le vaccin et le schéma vaccinal utilisés (schéma homologue ou hétérologue), permet une remontée des taux d’anticorps anti-SARS-CoV-2 (et parmi ceux-ci, d’anticorps capables de reconnaitre et de neutraliser Omicron). On observe cependant des variations selon les vaccins et le délai où intervient le rappel, et on n’a pas encore comparé de manière rigoureuse l’efficacité de rappels faits à 3 ou 6 mois. La HAS reconnait ainsi que « il n’est pas exclu qu’un rappel à 3 mois, bien que justifié dans le contexte du variant Omicron, ne soit pas le schéma optimal vis-à-vis du variant delta », alors que le variant Delta est encore souvent la cause de formes graves. Des études, en cours de publication, semblent confirmer que l’allongement des délais entre les deux premières doses de vaccin (3) ou entre primovaccination à 2 doses et infection (4) améliorent l’immunité et la protection contre une autre infection. Ce constat n'est pas surprenant, l'augmentation des intervalles entre les doses de vaccin étant souvent associé, pour de nombreuses maladies à prévention vaccinale, à une augmentation de l'efficacité vaccinale. Cependant, le raccourcissement du délai avant l'administration du rappel permet de protéger les personnes 2 à 3 mois plus tôt. Or il est essentiel de gagner du temps, car il est très probable que la vague épidémique actuelle aura cessé dans 2 à 3 mois... Cet exemple montre que la politique vaccinale est un exercice délicat fait de compromis, comme ici entre une protection peut-être moins optimale mais obtenue plus rapidement et une protection probablement meilleure mais trop tardive.

Par ailleurs, prenant acte de l’élargissement de la campagne de rappel aux adolescents fragiles, la HAS « recommande que les adolescents de 12 à 17 ans souffrant d’immunodéficience (pathologique ou induite par les médicaments) et porteurs d’une des comorbidités identifiées préalablement comme à risque de développer une forme grave de la maladie puissent également bénéficier d’une dose de rappel, selon les mêmes modalités que les adultes. En outre, la HAS recommande que, sur la base d’une appréciation du rapport bénéfice/risque individuel, les médecins spécialistes d’organes et maladies rares puissent également proposer, au cas par cas, l‘administration d‘une dose de rappel aux adolescents jugés particulièrement vulnérables et pour lesquels les risques liés à la Covid-19 apparaissent majeurs, en particulier dans le contexte du variant omicron ».

Les recommandations précédemment émises sur le choix des vaccins à utiliser et les contre-indications à prendre en compte restent valides.

La pandémie et la crise sociale qui l’accompagne ont progressé plus vite que nos connaissances et les décisions des autorités s’appuient parfois sur des données incomplètes. Ces décisions sont nécessaires, car attentisme et inaction ne sont pas envisageables. Si elles visent à mettre en application les mesures qui paraissent appropriées en l’état des connaissances, elles doivent aussi concourir à faire émerger des solutions valides et supportables dans la durée en promouvant les études nécessaires. Plusieurs questions méritent ainsi de recevoir des réponses :

  • Alors que le bien-fondé de la troisième dose pour relever le niveau d’immunité est établi, faut-il envisager d’aller au-delà ?
  • Si un autre variant dangereux fait son apparition et nécessite un nouveau vaccin mieux adapté, pourrons-nous efficacement administrer en urgence ce vaccin à une population déjà plusieurs fois vaccinée ?
  • Comment combiner et adapter les différentes méthodes disponibles (vaccination ; mesures barrières ; dépistage, traçage et isolement des cas) ?
  • Que sait-on aujourd’hui des risques et des conséquences (en particulier sur l’immunité) d’une infection, par Omicron ou un variant antérieur, chez les individus correctement vaccinés ou infectés auparavant ?
  • Chez ceux-ci, l’exposition aux virus circulants (s’ils ne se présentent pas comme très différents et plus pathogènes), pourrait-elle contribuer à entretenir et adapter l’immunité, tout en permettant un retour progressif à une vie plus normale, dans la mesure où les mesures barrières destinées à protéger les personnes fragiles resteraient en vigueur ?
  • Sur quels indicateurs (corrélats d’immunité) pourrait-on le cas échéant s’appuyer pour connaitre l’état de protection d’un individu et lui proposer la conduite à tenir qui lui convient ?

Des réponses devraient être apportées, afin que toute nouvelle recommandation soit solidement établie et nous emmène vers une issue acceptable à laquelle nous aspirons. L’évolution de l’épidémie demeure très incertaine. Des scénarios sont imaginables, mais certains ne devraient pas trop retenir notre attention, car ils sont _a priori_inenvisageables (l’éradication de la covid 19), improbables et imprévisibles (la disparition spontanée du virus, comme observée avec le SARS-CoV-1) ou en pratique intenables (l’élimination localisée de la maladie, au prix d’un contrôle strict et continu de l’état, des contacts et des mouvements des personnes). Nous préparer à cohabiter avec le virus et ses possibles évolutions est le scénario, sinon certain, en tout cas pour lequel nous pouvons utilement nous mobiliser, auquel il faudrait affecter des ressources et des études et dédier des actions. Cette cohabitation doit limiter les risques à un niveau tolérable et éviter les mesures dont la nécessité n’aura pas été établie.

  1. Avis n° 2021.0088/AC/SESPEV du 23 décembre 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la diminution du délai entre primovaccination et administration d’une dose de rappel et à l’administration d’une dose de rappel chez les adolescents fragiles âgés de 12 à 17 ans.
  2. Direction générale de la santé. Raccourcissement à 3 mois du délai entre la primo-vaccination et le rappel et éligibilité au rappel des adolescents à risque de formes graves de covid 19.
  3. D.N. Fisman, N. Lee, A.R. Tuite. Timing of Breakthrough Infection Risk After Vaccination Against SARS-CoV-2.
  4. S. Miyamoto, T. Arashiro et coll. Vaccination-infection interval determines cross-neutralization potency to SARS-CoV-2 Omicron after breakthrough infection by other variants..

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