Un pas de plus vers un vaccin multivalent contre la grippe

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Avec le SARS-CoV-2 responsable de la covid 19, nous avons affaire à un virus en constante évolution dont les variants esquivent les défenses immunitaires que nous développons après une première infection ou une vaccination. Cette possibilité d'échappement nous oblige à restimuler notre immunité par l'administration de rappels vaccinaux, si possible adaptés aux variants en circulation.

D'autres virus sont bien connus pour la fréquence et l'importance de leurs mutations, ce sont ceux de la grippe. Ils infectent de nombreux animaux, qui constituent un immense réservoir de génomes viraux différents, et la nature de ces génomes, fait de segments d'ARN, en facilite l'évolution, par mutation ou par échange de fragments d'ARN (recombinaison). Chaque année, des virus aux caractéristiques antigéniques modifiées peuvent ainsi être mis en circulation, et ils peuvent infecter des millions d'individus pourtant déjà immunisés contre des souches apparues antérieurement. La protection des populations nécessite ainsi une adaptation annuelle de la composition des vaccins, effectuée en amont de la saison de circulation des virus par les experts de l'OMS. L'alternance de ces saisons entre hémisphère nord et sud permet d'identifier les types viraux qui seront probablement responsables de l'épidémie suivante et de les inclure dans les vaccins.

Depuis des années, des recherches sont menées pour définir et mettre au point un vaccin antigrippal dont la formule serait constante, capable de protéger contre tous les virus grippaux responsables d'épidémies chez l'Homme, et qu'il ne serait peut-être pas nécessaire de réadministrer tous les ans.

Dans une actualité du 16 décembre 2020, nous avons présenté les premiers résultats encourageants obtenus avec un candidat vaccin contenant une protéine de surface du virus modifiée, l'hémagglutinine (HA), qui a induit une réponse immunitaire contre une partie de cette protéine, conservée chez des virus différents. Toutefois, les anticorps produits chez les participants aux essais ne reconnaissaient que les hémagglutinines appartenant à un même groupe antigénique, indiquant la nécessité d'élargir encore la composition du vaccin à d'autres antigènes.

Cet élargissement de la composition d'un vaccin à tous les sous-types d'un même virus est devenu envisageable avec la technologie de l'ARN messager. Il est en effet relativement facile de synthétiser des populations de ces molécules codant des fragments de protéines légèrement différents, de façon à présenter au système immunitaire toutes les variations connues de ces antigènes. C'est ce qu'ont fait Scott Hensley et son équipe pour créer un vaccin présentant les antigènes de 20 sous-types des virus grippaux A et B. Les souris et les furets auxquels le vaccin a été administré ont produit des anticorps contre tous les antigènes présents dans la formule. Ils ont été protégés contre des infections par les virus correspondants mais aussi contre des virus appartenant à d'autres sous-types.

Un vaccin antigrippal polyvalent n'est sans doute pas encore pour demain, mais c'est une preuve de concept qui est apportée par ce travail : un vaccin à ARN peut procurer une protection contre des virus présentant d'importantes variations antigéniques en provoquant une réponse simultanée à des antigènes multiples.

Au-delà de la question de l'efficacité réelle de tels vaccins, qui n'a pas encore de réponse et qu'il sera peut-être difficile de démontrer chez l'Homme si les virus contre lesquels ils sont développés ne circulent pas effectivement, se posera celle de leur acceptabilité, alors qu'ils sont destinés à protéger contre des infections qui restent hypothétiques.

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