Un vaccin antipaludique expérimental qui cible plusieurs stades du cycle de vie de Plasmodium falciparum montre une protection prometteuse dans un essai à petite échelle.
La revue Lancet Infectious Disease a publié les résultats d’une étude de phase 2 qui avait pour objectif d'évaluer l'efficacité, l'innocuité et l'immunogénicité du vaccin antipaludique ProC6C-AlOH/Matrix-M (laboratoire Sanaria) chez des adultes africains exposés au paludisme tout au long de leur vie.
Le vaccin ProC6C-AlOH/Matrix-M cible plusieurs stades du cycle de vie de Plasmodium falciparum. Ce vaccin incorpore trois protéines parasitaires (Pfs230-Pro, Pfs48/45-6C et CSP) dans un seul antigène vaccinal.
- Les antigènes Pfs230 et Pfs48/45 sont des antigènes pré-fécondation exprimés à la surface des gamétocytes et des gamètes des parasites du paludisme. Ils sont utilisés dans le but d’obtenir la production d’anticorps qui en ciblant le développement sexuel des parasites P. falciparum chez le moustique hôte vont briser le cycle continu d'infection entre l'homme et le vecteur Anopheles.
- L'antigène CSP est la protéine la plus abondante à la surface des sporozoïtes de P. falciparum qui est essentielle à la formation et à l'infectiosité des sporozoïtes. L’antigène CSP est utilisé dans les deux vaccins recommandés par l’OMS (vaccin RTS,S/AS01 et vaccin R21/Matrix M).
- Ce vaccin est adjuvanté avec une combinaison de Matrix-M et d'hydroxyde d'aluminium (AlOH) qui pourrait être supérieure à l'un ou l'autre de ces adjuvants pris séparément.
Cette étude randomisée, contrôlée, en double aveugle, de vaccination et d'infection palustre humaine contrôlée (IPHC) a été menée à Sotuba, une localité du district de Bamako, situé en zone périurbaine au Mali. Des adultes en bonne santé (âgés de 18 à 50 ans), ayant déjà contracté le paludisme, ont été randomisés (1:1) pour recevoir trois injections intramusculaires de ProC6C-AlOH/Matrix-M (100 μg de ProC6C et 50 μg d'adjuvant Matrix-M) ou du vaccin antirabique Verorab (groupe témoin), à 4 semaines d'intervalle. 94 jours après la dernière vaccination, tous les participants encore inclus dans l'étude ont subi une infection expérimentale par inoculation intradermique de 22 500 sporozoïtes de P. falciparum. Les critères d'évaluation principaux étaient le délai d'apparition de l'infection sanguine (détection de P. falciparum par PCR quantitative) et la sécurité et la tolérance du vaccin (chez les participants randomisés ayant reçu au moins une vaccination).
Trente-quatre participants (15 hommes et 19 femmes) ont été vaccinés (n = 17 pour le vaccin ProC6C-AlOH/MM et n = 17 pour le vaccin témoin).
Les 17 participants ayant reçu le vaccin ProC6C-AlOH/Matrix-M ont présenté plus d'effets indésirables que ceux vaccinés contre la rage, mais ces effets étaient presque tous bénins : 76 % des participants ayant reçu le vaccin ProC6C-AlOH/Matrix-M ont présenté au moins un effet indésirable, contre 18 % des participants ayant reçu le vaccin témoin.
Quatre-vingt quatorze jours après la dernière dose de vaccin, 32 des 34 participants ont subi une infection expérimentale par le paludisme (IEP). Parmi eux, 59 % ont développé une parasitémie à P. falciparum au 28ème jour suivant le début de l'IEP (13 sur 16 dans le groupe témoin et 6 sur 16 dans le groupe ProC6C-AlOH/Matrix-M). L’efficacité vaccinale était de 54 % (IC à 95 % : 9–77), l'intervalle de confiance large, indiquant une certaine incertitude.
Chez les patients ayant développé une parasitémie, la vaccination a retardé de 2 jours le délai médian d'apparition de la parasitémie détectable chez les receveurs du vaccin ProC6C-AlOH/Matric-M (14 jours pour le groupe ProC6C-AlOH/MM, 12 jours pour le groupe témoin ; p = 0,049 ; efficacité de 76 %, également avec un IC large : 36–91).
Les auteurs soulignent qu’il s'agit du premier essai clinique d'un vaccin sous-unitaire anti-Plasmodium falciparum ayant démontré une efficacité vaccinale supérieure à 50 % contre le paludisme clinique contracté 12 semaines après la dernière dose, ce qui suggère « un nouveau mécanisme de protection robuste et plausible sur le plan mécanistique ». Ils indiquent que de futures études devraient évaluer l'efficacité du vaccin contre le paludisme contracté naturellement et sa transmission ultérieure au sein de la population cible, soit les enfants d'âge préscolaire et primaire.
Source : (1) Kone M et al. Efficacy of ProC6C-AlOH/Matrix-M against Plasmodium falciparum infection and mosquito transmission: a phase 2, randomised, controlled human malaria infection study.
Lancet Infect Dis. 2025 Dec 16:S1473-3099(25)00664-4. doi: 10.1016/S1473-3099(25)00664-4. (2) Plieskatt J et al. Clinical formulation development of Plasmodium falciparum malaria vaccine candidates based on Pfs48/45, Pfs230, and PfCSP. Vaccine. 2024 Mar 19;42(8):1980-1992.