Narcolepsie : il y a presque toujours une cause génétique, et les facteurs déclenchants pourraient être variés

mesvaccins.net

La narcolepsie est une affection chronique caractérisée par des endormissements incontrôlables dans la journée, des pertes brutales de tonus musculaire (cataplexie), des hallucinations et des anomalies du sommeil. Elle est la conséquence d'une production insuffisante d'hypocrétine par certains neurones spécialisés de l'hypothalamus, généralement liée à la disparition des neurones eux-mêmes. C'est une maladie sporadique, à laquelle on s'intéresse actuellement particulièrement en raison de la survenue, en Europe, de cas chez des sujets ayant reçu un vaccin contre le virus grippal A(H1N1)pdm09, et surtout le vaccin contenant l'adjuvant ASO3 (Pandemrix™). La constatation que les manifestations de la narcolepsie surviennent généralement après un épisode infectieux ou une vaccination a conduit à considérer que le facteur responsable pouvait être un facteur extérieur, comme les antigènes ou l'adjuvant présents dans le vaccin. Toutefois, des travaux ont montré que des gènes présents à 5 emplacements ("loci") sur le génome humain pouvaient être impliqués dans la susceptibilité à la maladie, et qu'une mutation (allèle HLA DQB1*06:02) au niveau du locus DQB1 était présente chez 90 % des malades.

L'importance de cette mutation vient d'être confirmée. Une étude a été menée chez 1.261 patients de type Caucasien atteints de narcolepsie en Europe (Tafti M et coll.). Elle a montré que les sujets porteurs de l'allèle HLA DQB1*06:02 présentaient un risque de narcolepsie 251 fois supérieur à celui de sujets porteurs d'allèles différents, et que tous les sujets inclus dans l'étude pour narcolepsie alors qu'ils avaient reçu le vaccin anti-H1N1 étaient porteurs de l'allèle HLA DQB1*06:02. Si elle n'est donc pas écartée, la responsabilité du vaccin se trouve atténuée. La mutation n'étant pas toujours suffisante pour déterminer la maladie, qui ne se manifestera parfois qu'après une vaccination ou une infection, ce résultat fait dire aux auteurs de l'étude que le génotypage du locus DBQ1 pourrait trouver sa place dans une politique de santé publique. La découverte de l'allèle HLA DQB1*06:02 pourrait constituer une contre-indication à certains vaccins et justifier une surveillance particulière. Cette suggestion doit toutefois être relativisée, puisque selon la population étudiée et ses origines ethniques, le locus et les allèles les plus impliqués peuvent être différents (Han F et coll., 2013).

D'autres questions restent cependant posées concernant le déterminisme de la narcolepsie. Les cofacteurs ou facteurs déclenchants susceptibles de révéler la maladie chez les sujets prédisposés doivent être mieux identifiés. Les cas observés après administration du vaccin Pandemrix™ ont mis sur la piste de l'adjuvant AS03, mais son rôle reste à préciser. Par ailleurs, une étude chinoise a relevé une augmentation de l'incidence des cas de narcolepsie dans les mois qui suivent les épidémies hivernales d'infections respiratoires (près de 7 fois plus de cas au mois d'avril qu'au mois de novembre précédent), quelle que soit la cause de l'infection (Han F et coll., 2011). Cette même étude a montré que l'incidence avait encore été multipliée par 3 en avril 2010, soit après l'épidémie de grippe à virus A(H1N1)pdm09. Aucun vaccin anti-H1N1 ne peut être mis en cause car moins de 6 % des sujets ayant présenté une narcolepsie en avaient reçu un. Le virus A(H1N1)pdm09 lui-même ou certains de ses antigènes (également présents dans le vaccin Pandemrix™) pourraient alors constituer le facteur déclenchant, mais il semble que d'autres germes, virus ou bactéries, peuvent jouer ce rôle.

La disparition des neurones qui produisent l'hypocrétine au niveau de l'hypothalamus semble constituer l'altération à l'origine de la narcolepsie et elle fait généralement suite à une stimulation du système immunitaire, ce qui a fait évoquer un mécanisme auto-immun. Mais là encore, les preuves font défaut, puisqu'on n'a toujours pas mis en évidence d'anticorps ou de lymphocytes T dirigés contre l'hypocrétine chez les malades (Singh AK et coll.).

Références :

  • Tafti M, Hor H, et coll. DQB1 Locus Alone Explains Most of the Risk and Protection in Narcolepsy with Cataplexy in Europe. Sleep. 2014 Jan 1;37(1):19-25.
  • Han F, Faraco J, Dong XS, Ollila HM, Lin L, Li J, An P, Wang S, Jiang KW, Gao ZC, Zhao L, Yan H, Liu YN, Li QH, Zhang XZ, Hu Y, Wang JY, Lu YH, Lu CJ, Zhou W, Hallmayer J, Huang YS, Strohl KP, Pollmächer T, Mignot E. Genome wide analysis of narcolepsy in China implicates novel immune loci and reveals changes in association prior to versus after the 2009 H1N1 influenza pandemic. PLoS Genet. 2013 Oct;9(10):e1003880.
  • Han F, Lin L, Warby SC, Faraco J, Li J, Dong SX, An P, Zhao L, Wang LH, Li QY, Yan H, Gao ZC, Yuan Y, Strohl KP, Mignot E. Narcolepsy onset is seasonal and increased following the 2009 H1N1 pandemic in China. Ann Neurol. 2011 Sep;70(3):410-7.
  • Singh AK, Mahlios J, Mignot E. Genetic association, seasonal infections and autoimmune basis of narcolepsy. J Autoimmun. 2013 Jun;43:26-31.