Mise au point sur la protection personnelle antivectorielle (PPAV)
De nombreuses maladies émergentes (Zika, dengue, chikungunya, ...) ou en poussée épidémique (fièvre jaune, paludisme, encéphalite japonaise, West Nile ...) sont transmises à l'homme par l'intermédiaire d'un vecteur.
La protection personnelle antivectorielle peut se définir comme l'ensemble des mesures prises à l'échelle individuelle pour se protéger contre la piqûre des arthropodes vecteurs d'un agent bactérien, viral, ou parasitaire.
La stratégie de protection fait appel à différents outils qui doivent contribuer à réduire le contact Homme-vecteur. Intuitivement ils comprennent en premier lieu des mesures telles :
- l'assainissement du milieu domiciliaire et péri domiciliaire pour éviter l'installation de gites larvaires,
- la tenue vestimentaire avec le port de vêtements couvrants,
- l'utilisation d'insecticides d'ambiance
- l'usage d'une moustiquaire de lit imprégnée d'insecticide,
- l'usage de moustiquaires de portes et de fenêtres. Actuellement, ces mesures simples ont été grandement améliorées par le développement des techniques d'imprégnation industrielles des tissus. Elles ne doivent en aucun cas être négligées.
- Les répulsifs sont largement mis en avant dans les diverses recommandations mais ne sont qu'un des outils de la mise en œuvre de la Protection personnelle antivectorielle.
Selon la définition proposée par Diether en 1960, pour être classées parmi les répulsifs, ces substances doivent « induire chez l'arthropode un mouvement de retrait de l'hôte ».
Leur mode d'action n'est pas complètement élucidé. Chez les moustiques, les antennes sont le support de récepteurs détectant les stimulations aériennes, chimiques ou physiques et le système olfactif est supporté par des familles de neurorécepteurs spécifiques. Les molécules les plus attractives pour les moustiques sont le CO2, et l'acide lactique présents au niveau de l'air expiré et de la peau. L'hypothèse la plus probable de l'action des répulsifs est l'interférence du répulsif avec les récepteurs olfactifs, ces molécules perturbant la reconnaissance de sa cible par l'arthropode. Expérimentalement, le N,N diethyl-M-Toluamide (DEET) a été le répulsif le plus étudié. Il empêcherait le moustique femelle de repérer sa cible et donc de prendre son repas de sang. Cette molécule inhiberait au moins deux classes de récepteurs sensibles à l'acide lactique.
Les dix caractéristiques idéales d'un répulsif sont (Brown & Hebert, 1997 ; Katz et al., 2008) :
- une efficacité sur un large spectre d'arthropodes,
- l'absence d'effets irritants sur la peau,
- l'absence d'odeur ou une odeur agréable,
- l'absence d'altération des fibres textiles lors de l'application vestimentaire,
- l'absence de résidus gras sur la peau et une résistance éprouvée au lavage et à l'abrasion,
- l'absence d'effets sur les plastiques usuels,
- une stabilité chimique,
- un coût raisonnable pour un usage large,
- l'absence de toxicité,
- une rémanence suffisante.
L'efficacité des répulsifs, substances actives ou produits finis, est évaluée en laboratoire ou sur le terrain et il existe plusieurs référentiels proposés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'American Society for Testing and Materials, et l'US Environmental Protection Agency pour tester ces produits. Ces essais permettent de déterminer la relation dose efficacité ainsi que le temps de protection complète ou totale.
Sur le marché les répulsifs sont nombreux, dans la période transitoire de l'application de la directive 98/08 de l'Union Européenne remplacée par le [Règlement du parlement européen et du conseil européen du 22 mai 2012](n°528/2012 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/txt/pdf/?uri=) concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides, leur statut commercial est toujours dual avec de rares produits disposant d'une autorisation de mise sur le marché et de nombreux produits au statut en attente contenant une molécule inscrite à la liste de TP19 (produits répulsifs).
En pratique, au niveau de l'Union européenne, lors de l'entrée dans le processus d'évaluation des biocides selon la directive 98/8, seules quatre molécules ont été initialement retenues le DEET, l'ethyl butyl acide aminopropionate (IR3535®), la picaridine (icaridine ou KBR 3023) et le paramenthane diol enrichi en huile biologique (PMD-RBO).
Pour des concentrations entre 20 et 30 %, l'efficacité de ces molécules a été montrée en laboratoire pour un temps de protection totale de 4 à 6 heures sur les principaux diptères hématophages, mais il faut noter que les Anopheles (où l'on retrouve les espèces vectrices des Plasmodium, agent du paludisme) présentent une sensibilité plus faible à ces molécules que les Aedes (où l'on retrouve les espèces vectrices des virus du Chikungunya, de la dengue, de la fièvre jaune, du virus Zika et d'autres arbovirus) ou les Culex (où l'on retrouve les espèces vectrices des virus de l'encéphalite japonaise, du West Nile).
Sur le plan administratif, à la fin du processus d'évaluation des molécules répulsives, le DEET et l'IR3535® ont obtenu une autorisation d'utilisation dans l'Union européenne. La picaridine et PMD-RBO sont toujours en cours d'instruction, les dossiers concernant ces deux dernières molécules devraient être clos et leur statut d'utilisation ou non connu fin 2016.
Règlementairement les industriels doivent soumettre les dossiers des produits finis en vue d'une Autorisation de mise sur le marché (AMM). Actuellement seuls quelques produits finis contenant du DEET ont suivi l'ensemble du processus et sont utilisables. En France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a autorité pour les questions concernant les biocides.
Actuellement 3 produits contenant du DEET disposent d'une Autorisation de mise sur le marché :
Insect Ecran® zones infestées adultes et enfants (spray 50%)
Dans les attendus de l'Autorisation de mise sur le marché (AMM), les usages proposés pour insect Ecran® zones infestées sont :
Catégories d'utilisateurs : Adultes, enfants à partir de 2 ans et femme enceinte en zone à risque
Organismes cibles :
Moustiques : Aedes aegypti, Anopheles gambiae, Aedes albopictus, Culex pipiens - Phlébotomes
Tiques : Ixodes ricinus
Doses et usages validés :
Contre les moustiques et les phlébotomes, répulsif à appliquer sur la peau à la dose de 0,40 mg/cm2 de produit, deux applications maximum par jour.
Contre les tiques, répulsif à appliquer sur la peau à la dose de 0,41 mg/cm2 de produit 2 applications maximum par jour.
Mode d'application : Le produit est appliqué par un pulvérisateur manuel directement sur la peau.
Durée de protection : vis-à-vis des moustiques, jusqu'à 8 heures ; vis-à-vis des tiques, jusqu'à 7 heures.
Répulsif Anti-moustiques corporel Spring®, 30% ;
Dans les attendus de l'Autorisation de mise sur le marché (AMM), les usages proposés pour Répulsif anti moustiques corporel Spring® sont :
- Catégories d'utilisateurs : Adultes uniquement
- Organismes cibles : Moustiques : Aedes aegypti, Anopheles gambiae, Aedes albopictus, Culex pipiens
- Doses et usages validés : Répulsif à appliquer sur la peau à la dose de 1,1 mg/cm2 de produit, une application maximum par jour
- Mode d'application : Le produit est appliqué par un pulvérisateur manuel directement sur la peau.
- Durée de protection : jusqu'à 4 heures
Dans les attendus de l'Autorisation de mise sur le marché (AMM), les usages proposés pour Verotex® anti moustiques sont :
- Catégories d'utilisateurs : Adultes uniquement
- Organismes cibles : Moustiques : Aedes aegypti, Anopheles gambiae, Aedes albopictus, Culex pipiens
- Doses et usages validés : Répulsif à appliquer sur la peau à la dose de 1,1 mg/cm2 de produit, une application maximum par jour.
- Mode d'application : Le produit est appliqué par un pulvérisateur manuel directement sur la peau.
- Durée de protection : jusqu'à 4 heures
Lors de l'établissement des recommandations de bonnes pratiques cliniques pour l'usage de****la Protection personnelle antivectorielle (PPAV), dans l'attente des procédures d'Autorisation de mise sur le marché (AMM), un accord professionnel a préconisé l'usage suivant des molécules en fonction de l'âge et dans le cadre de la prévention de la transmission d'un agent infectieux par un arthropode vecteur.
- Age de la marche à 24 mois
Une seule application par jour d'un répulsif à base de DEET (20-30%), d'EBAAP (IR3535® 20%), ou de PMDRBO à 20%
2 à 12 ans
Deux applications par jour maximum d'un répulsif à base de DEET (30-50%), d'EBAAP (IR3535® 20-35%, de picaridine (20-30% sans dépasser 30 jours consécutifs) ou de PMD RBO (20-35%)
- A partir de 12 ans et chez la femme enceinte
Trois applications par jour maximum d'un répulsif à base de DEET (30-50%), d'EBAAP (IR3535® 20-35%, de picaridine (20-30% sans dépasser 30 jours consécutifs) ou de PMD RBO (20-35%)
- Avant l'âge de la marche , la protection par une moustiquaire imprégnée doit être impérative
La liste des produits commerciaux est disponible sur le site du Ministère des Affaires sociales et de la santé.
Enfin, les huiles essentielles sont très utilisées par le public. Mais leur usage présente deux problèmes non encore résolus : le risque avéré de photosensibilisation et une efficacité mesurée sur temps de protection totale de courte durée, estimée en laboratoire à moins de 20 minutes. Ce temps de protection est bien insuffisant pour un usage des huiles essentielles dans le cadre de la prévention d'une affection transmise par un arthropode hématophage.
Les bracelets imprégnés d'un insecticide ou d'un répulsif n'ont pas montré leur efficacité sur le terrain, par contre ils peuvent être à l'origine de lésions cutanées toxiques.
Références :
- http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/78142/1/9789241505024\_eng.pdf?ua=1
- http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/7007//WHO\_HTM\_NTD\_WHOPES\_2009.4\_eng.pdf
- http://apps.who.int/iris/bitstream/1066/700//WHO\_HTM\_NTD\_WHOPES\_2009.4\_eng.pdf
- http://pubag.nal.usda.gov/pubag/downloadPDF.xhtml?id=3407&content=PDF
- http://www.ineris.fr/aida/consultation\_document/1021
- http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0528&from=fr
- https://www.anses.fr/fr/content/les-produits-biocides
- https://www.anses.fr/fr/system/files/INSECTECRA\_PB-12-00194\_BAMM\_Ans.pdf
- https://www.anses.fr/fr/system/files/REPULSIFAN\_%20PB\_12-00204\_BAMM\_Ans.pdf
- https://www.anses.fr/fr/system/files/VEROTEXANT\_PB-12-00264\_BAMD\_Ans.pdf et https://www.anses.fr/fr/system/files/REPULSIFAN\_%20PB\_12-00204\_BAMM\_Ans.pdf
- http://social-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/repulsifs-moustiques
- http://www.medecine-voyages.fr/publications/ppavtextecourt.pdf