Rougeole en France : l'épidémie se stabilise mais les cas graves persistent

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1. Une incidence (nombre de nouveaux cas) plutôt à la baisse.

Selon Santé publique France, Le nombre de nouveaux cas déclarés chaque semaine a diminué rapidement après le pic épidémique survenu entre fin mars et début mai 2018, mais depuis ce nombre s'est stabilisé autour d'une cinquantaine de cas déclarés chaque semaine. On estime toutefois que moins d'un cas de rougeole sur deux est déclaré.

Au 24 juin 2018, ## 2.567 cas

ont été déclarés depuis le 6 novembre 2017, date de début de l'épidémie. La répartition par âge est la suivante : moins d'un an : 9 % ; 1-14 ans : 41 % ; ≥ 15 ans : 50 %. L'âge médian est de 15 ans (ce qui signifie que la moitié des cas sont plus âgés et l'autre moitié moins âgés que 15 ans). Le taux d'incidence le plus élevé concerne les enfants âgés de moins d'un an : 27 cas pour 100.000 nourrissons ont été déclarés entre début novembre 2017 et fin juin 2018 (Figure 1).

Figure 1 : Taux d'incidence et nombre de cas de rougeole déclarés, par groupe d'âge, du 6/11/2017 au 24/6/2018 (Santé publique France)

L'épidémie a débuté en Nouvelle-Aquitaine, où la maladie est maintenant en nette régression depuis fin mars 2018 : aucun foyer actif n'y été détecté récemment, un foyer actif étant défini par la survenue de plus de trois cas groupés dont au moins l'un est confirmé, en collectivité, dans les 30 derniers jours (en dehors des cas groupés familiaux). Six autres régions rapportent cependant des foyers actifs: la Bretagne (dans un centre hospitalier ) ; l'Ile-de-France (dans une structure de la petite enfance et une école) ; les Hauts-de-France (deux structures de la petite enfance et une école) ; la Normandie (une école ) ; la région Pays-de-Loire (deux écoles) et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (une école).

Santé publique France pointe encore la vaccination insuffisante comme facteur principal de l'épidémie : 88 % des cas de rougeole sont survenus en effet chez des personnes non ou mal vaccinées (non vaccinées : 74 % ; 1 dose : 14 % ; 2 doses : 11 % ; inconnu : 1 %).

2. Les rougeoles graves.

Les cas de rougeole graves ne sont pas rares : 22 % des cas déclarés ont dû être hospitalisés. Ce dernier bulletin de surveillance nous apprend en outre le décès d'une personne âgée de 26 ans. Un deuxième cas très grave, au pronostic défavorable, estsurvenu chez une personne âgée de 17 ans. Ces deux personnes immunodéprimées ont probablement été contaminées par un proche non vacciné. Ces cas témoignent de la nécessité de protéger les personnes à risque de forme grave et ne pouvant être vaccinées en vaccinant leur entourage : la vaccination contre la rougeole étant contre-indiquée, on forge ainsi un cercle de protection autour de la personne à risque (on parle d'immunité de groupe).

Lorsqu'une personne immunodéprimée est exposée à un cas de rougeole, la maladie peut encore être prévenue si on réagit vite : il s'agit d'administrer des immunoglobulines polyvalentes, qui contiennent des anticorps capables de neutraliser le virus de la rougeole dans les 6 jours suivant le contage. Malheureusement, cette conduite à tenir est très mal connue : parmi les dix décès déclarés au cours de l'épidémie de 2008 à 2011, sept étaient des patients immunodéprimés(un cas d'immunodéficience congénitale, un lymphome d'Hodgkin, une maladie de Crohn, un cas d'infection à VIH, trois cas sous traitement immunosuppresseur). De manière scandaleuse, certains interprètent les formes graves ou les décès chez les personnes immunodéprimées comme une conséquence normale de leur état : il n'en est rien, ces personnes auraient mené une vie normale, dans certains cas ils seraient sortis d'une période d'immunodépression, si un accident infectieux évitable, la rougeole, ne les avait pas emportées. Aucune de ces personnes ne semble avoir bénéficié d'un traitement par immunoglobulines dans le délai recommandé de six jours après l'exposition. La création d'un carnet de vaccination électronique pour les personnes à risque de rougeole grave contribuerait à améliorer la prise de conscience de ce problème par les professionnels de santé, par les patients eux-mêmes et par leur entourage. Il permettrait de leur transmettre directement la connaissance des mesures de protection des personnes immunodéprimées, que ce soit en dehors de tout contexte d'exposition ou en cas d'exposition à la rougeole.

3. Les dernières recommandations en cas d'épidémie de rougeole.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dans un avis du 23 avril 2018, a publié des recommandations concernant l'évolution de la stratégie de gestion en cas d'épidémie de rougeole importante sur le territoire national.

Dans une situation épidémique, la stratégie vaccinale a trois objectifs :

  1. améliorer la couverture vaccinale dans la population ciblée par les recommandations vaccinales ;
  2. limiter l'extension de l'épidémie ;
  3. protéger les personnes à risque de rougeole grave.

Une épidémie au niveau d'une région est définie par la présence de chaines de transmission actives avec une tendance à l'augmentation du nombre de cas déclarés d'une semaine à l'autre. En fonction de l'extension géographique, deux niveaux peuvent être distingués :

  • Epidémie de niveau 1 : une faible partie des départements sont en situation épidémique ;
  • Epidémie de niveau 2 : la grande majorité ou la totalité des départements sont en situation épidémique.

La même logique s'applique pour la définition d'une épidémie au niveau national : l'épidémie sera considérée de niveau 2 si la grande majorité des régions sont en situation épidémique.

La déclaration obligatoire des cas est indispensable au suivi de la dynamique de l'épidémie et pour assurer la gestion autour des cas. Dans les régions en situation épidémique, une investigation a minima autour de chaque cas reste nécessaire afin d'identifier les situations qui nécessitent des actions prioritaires :

  • personnes à risque de forme grave dans l'entourage des cas : nourrissons âgés de moins d'un an, femmes enceintes ou personnes immunodéprimées ;
  • foyers de cas dans des collectivités à risque de formes graves : crèches, hôpitaux, communautés en situation de précarité (gens du voyage, migrants ou réfugiés) ;
  • risque d'exportation de cas vers des zones en situation d'élimination de la rougeole, notamment les départements français des Amériques.

La limitation de l'extension de l'épidémie nécessite la mise en place d'actions autour des cas, le recensement des personnes réceptives et leur vaccination.

  • Les nourrissons de 6 à 11 mois révolus doivent recevoir une dose de vaccin trivalent ROR (rougeole-oreillons-rubéole). Ils sont par la suite vaccinés par deux doses selon les recommandations du calendrier vaccinal.
  • Les personnes vaccinées avec deux doses mais dont la première dose a été administrée avant l'âge d'un an doivent recevoir une troisième dose.
  • Les nourrissons de 12 mois et plus ayant reçu leur première dose de vaccin doivent recevoir une deuxième dose si la première a été administrée depuis au moins un mois, sans attendre l'âge de 16-18 mois.
  • Les personnes âgées de 12 mois et plus, nées après 1980 et non vaccinées par deux doses, doivent recevoir une dose de vaccin ROR. Si elles n'ont reçu aucune dose de vaccin auparavant ou si leur statut vaccinal est inconnu, elles doivent recevoir une seconde dose un mois plus tard.
  • Les personnes nées avant 1980 sans antécédent connu de rougeole et qui n'ont pas été vaccinées pourraient se voir proposer une dose de vaccin ROR, en particulier si elles sont nées dans les années 1970.

Il faut attendre la publication de la circulaire N°DGS/RI1/2009/334 du 4 novembre 2009, en cours de révision, pour connaître précisément les mesures retenues et leurs modalités d'application.

Un point important concerne la réalisation de sérologies prévaccinales, dont on a tendance à abuser. Le HCSP ne recommande pas de réaliser de contrôle sérologique pré-vaccinal systématique chez les personnes de 12 mois et plus n'ayant pas d'antécédent de rougeole ou dont le statut vaccinal est non documenté avant la mise à jour de la vaccination rougeole ; en effet, les techniques utilisées en pratique dans les laboratoires de biologie pour la recherche des anticorps anti-rougeole ne permettent pas d'évaluer le caractère protecteur des anticorps.

Le HCSP envisage également une obligation vaccinale temporaire des personnels de santé en cas d'épidémie ou de risque épidémique élevé , ainsi que l'éviction de personnes contacts n'ayant pas fait la preuve de leur immunisation, en particulier dans les collectivités de jeunes enfants et en milieu scolaire.

Pour une épidémie d'ampleur nationale, le HCSP recommande une stratégie de communication forte et réactive auprès des professionnels et de la population générale. Des mesures d'information et de communication adaptées seront alors à mettre en oeuvre en fonction du public concerné et des territoires (promotion de la vaccination en s'appuyant sur la perception du risque de la maladie). Dans ce contexte, l'intérêt du carnet de vaccination électronique, qui intègre un système intelligent sur la vaccination mis à jour en temps réel, est de proposer une information personnalisée et contextualisée. La complexité des recommandations est source d'incompréhension et peut diminuer l'adhésion des citoyens ou des professionnels de santé aux recommandations vaccinales (NDLR).

Source : Santé publique France.